MACTe : UN ANTI-MUSÉE SAISI PAR L’INSULARITÉ ?
« A toute géographie torturée » Edouard Glissant, Le Sang rivé, 1983
MACTe Photographie Roger Raspail
Je suis comme l’anguille flairant les vents salés
Et qui tâte le pouls des courants.
Salut, île ! C’est moi. Voici ton enfant qui revient.
Par-delà la ligne blanche des brisants,
Et plus loin que les vagues aux paupières de feu,
Je reconnais ton corps brûlé par les embruns.
Guy Tirolien, Balles d’or, 1982
La « réparation » fait partie intégrante, côté post-impérial, d’un travail de décolonisation des structures et des représentations. Elle s’entend à la mesure de l’irréparable qu’elle est censée « compenser ». Encore faut-il que celui-ci soit « acté ». Quand le négationnisme perdure, le tort remplace le dommage identifiable et reconnu. Côté postcolonial, la réparation est d’une autre teneur. Elle n’est pas compensation mais restauration et relève de l’être plus que de l’avoir. C’est une prothèse. Les propriétaires d’esclaves chassés d’Haïti indépendante (1804) furent dédommagés, les planteurs esclavagistes indemnisés après l’abolition de l’esclavage en France (1848), ou au Royaume Uni (1833). Pas question, alors, de « réparer » le tort fait aux esclaves, et à leurs descendants. Le 10 mai 2013, jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage, le président de la République français (François Hollande) a déclaré : « l’histoire ne peut pas faire l’objet d’une transaction ». Pourquoi parler de « transaction » ? A l’intérieur de l’Europe, les « réparations » renvoient aux paiements, transferts de biens et d’équipements infligés aux vaincus (traité de Versailles par exemple) exigés, comme indemnités de guerre, en contrepartie des pertes et dommages. Le 10 mai 2015, en Guadeloupe, le chef de l’État s’engage : « Quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons ». Qu’est-ce qu’une dette et comment l’acquitter ? Qu’est-ce, hors de l’Europe, qu’une « réparation » ?
Peut-on réparer l’irréparable ? Sur le plan juridique, les choses paraissent, formellement parlant, assez simples. Il existe en effet deux types de réparation. La réparation pénale consiste dans le prononcé d’une peine infligée au coupable. La réparation civile se traduit par l’allocation à la victime de dommages-intérêts destinés à compenser le dommage subi. Il est toutefois difficile de concevoir, philosophiquement parlant, ce que peut être, humainement parlant, une réparation. En 1996, Charles Najman a réalisé un très beau film sur sa mère, Solange Najman : La mémoire est-elle soluble dans l’eau ? Le titre est énigmatique. Si ce n’est de quelle mémoire, de quelle eau s’agit-il ? Tous les deux ans, trois semaines de cure à Évian sont offertes à Solange par le gouvernement allemand en « réparation » de sa déportation à Bergen Belsen. Elle y retrouve des amis dans la même situation qu’elle. La fantaisie et l’absurdité de cette « réparation » saute aux yeux. Si les douches font partie du dispositif, les massages, par exemple, sont-ils compris dans le package ? Très joyeuse, très gaie, disposée à chanter, Solange Najman n’en oublie pas pour autant les privations, les souffrances qu’elle a traversées, comme l’arbitraire et l’absurdité totale de l’abominable « traitement » qu’elle a subi dans le camp de concentration dont elle a survécu.
Dénoue ton âme, terre, amarrée à ton cri.
Dénoue ton âme, terre, amarrée à ton cri.
Proche, éternelle, vois. Je vois l’hiver grandir ici
Et ton cœur au plus haut de son mitan. Le vieil éclat
Mûrit. Le vieil amour s’apaise.
Ouvre-nous le secours de tes chemins agonisants
Tu fus sel dans la neige et la neige n’était que nuit.
Edouard Glissan, Le Sel noir, 1983
A l’opposé de toute Raison d’État, c’est par la parole, non par le silence, qu’on peut restaurer un minimum de confiance en la justice des hommes. La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du 15e siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité1. « Dire le crime, le qualifier, lui donner un statut, le rappeler imprescriptible, c’est réparer. Nommer les faits, les qualifier, c’est aussi réparer. » Par ces mots, Christiane Taubira, sans laquelle la République française n’aurait rien reconnu, souligne la valeur des mots dans le droit2. C’est bien pourquoi cette loi a été difficile à adopter. Car l’indemnisation figurait dans le projet de loi initial, en 1999. Puis a été abandonnée. Reparo signifie 1/racheter, récupérer ; 2/préparer de nouveau, reconstruire, renouveler, restaurer, bâtir ; 3/fortifier, rétablir, ranimer, renforcer ; 4/acheter en échange, échanger, troquer. Il s’agit au fond de « remettre les choses en l’état ». Paro veut dire 1/disposer, apprêter, préparer, organiser ; 2/ se disposer à, être sur le point de, avoir l’intention de ; 3/ fournir, pourvoir, obtenir ; 4/ acheter, acquérir ; 5/ ourdir, comploter, manigancer. Quand paro est le verso, reparo est le recto.
Sans être nécessairement proprement politique, l’art rencontre la politique. On peut ainsi concevoir une réparation discrète par les bords et par les marges : une réparation cosmétique en ce qu’elle repose sur une parole singulière apte à formuler, dans des termes originaux et non partageables, quoique transmissibles, des appels particuliers qui ne s’adressent ni aux juges ni aux commissions mais à toutes et tous et qui, de ce fait, peuvent circuler sur un autre mode que celui de la communication ordinaire. J’ai déjà défendu l’idée que l’artiste, l’écrivain, le penseur est un pharmakos3. Je défends ici l’idée que chacun d’entre eux est – aussi – un kosmêtikos, un ordonnateur, un arrangeur. La pensée sauvage, qui incarne le souvenir et le philtre d’amour, est intégrée dans les soins pharmaceutiques et cosmétiques. Le kosmétikos n’a pas bonne presse. On lui préfère l’homme de la politique ou le représentant de la loi. Et pourtant, tous sont, quoique différemment, dans l’artifice. La réparation doit aussi s’entendre de deux façons fort différentes : comme une réparation due par le débiteur au créancier ; comme une réparation que le créancier se doit à lui-même, pour restaurer sa capacité d’agir. La première est matérielle et/ou symbolique. La seconde, qui est remède (automédication), est symbolique et matérielle. Elle réanime : elle fait passer de l’espace de l’expérience à l’espace des représentations et inversement. C’en est cela que le kosmétikos est un pharmakos, un guérisseur. Ce remède est au fond un travail de deuil et, par conséquent, un travail sur les liens et les liaisons, d’où l’importance d’une destitution de certaines personnalités autrefois honorées (Joséphine). Que l’art puisse, en l’espèce, être considéré comme un pharmakon, est une façon de saisir, même confusément, que la sublimation est une issue.
MACTe Photographie Roger Raspail
Avant d’entrer dans le vif du sujet, j’ai préféré d’abord l’inscrire dans son cadre historique et théorique. Car le Mémorial Acte est l’acte original par lequel, à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, est déclaré s’effectuer la réparation que le créancier se doit à lui-même. Officiellement et institutionnellement. Acte utile et nécessaire qui fait entrer de plain-pied l’histoire dans l’actualité. S’agit-il, pour autant, d’une forme à laquelle on donne un contenu, ou d’un contenu qui prend forme ? Car le Mémorial Acte est d’abord un monument architectural. Il ressemble à cet égard aux Grands Travaux du passé. Ceux-ci ont pu être fonctionnels, comme le Parc de la Villette, sur lequel peu pariaient à l’époque, en raison de son environnement urbain présumé « difficile », ou des coquilles vides, comme l’onéreuse Arche de la Défense4. Ce sont deux cas extrêmes. Qu’en est-il du Mémorial Acte, « racines d’argent dans une boîte noire » ? Ses missions sont plurielles. Premièrement devenir un « centre d’interprétation et d’expression de la mémoire et de l’histoire de la traite négrière transatlantique, de l’esclavage et de leurs abolitions dans l’espace caribéen ». Deuxièmement « recenser, valoriser et faire connaître de manière exhaustive tous les éléments du patrimoine matériel et immatériel lié à la traite coloniale et à l’esclavage ». Troisièmement « contribuer à l’existence et à la construction d’une mémoire collective et sociale vivante, ouverte, partagée, créatrice et médiatrice ». Quatrièmement « encourager la recherche » sur la traite, l’esclavage, ses abolitions.
Cinquièmement « explorer et valoriser les expressions contemporaines nées de cette histoire ». Enfin « contribuer à l’offre culturelle, mémorielle et touristique guadeloupéenne et caribéenne ».
N’y a-t-il pas, cependant, un risque à corréler le tourisme en Guadeloupe et l’offre culturelle du MACTe ? 90% des visiteurs du MACTe sont des touristes. Ces touristes sont majoritairement (60%) de France hexagonale ; 20% seulement sont étrangers5. Pour qui dès lors développer, véritablement, la dimension caribéenne de la traite, de l’esclavage, des abolitions ? Les Guadeloupéens, les Martiniquais, a fortiori les Guyanais ne sont pas les visiteurs habituels du MACTe. En outre, on imagine immédiatement, à partir de l’énoncé de ses missions, une structure de dimension internationale, fortement charpentée, dotée d’une équipe étoffée et compétente, d’un réseau solide, pour mener à bien l’ensemble des actions que le MACTe est censé développer en son sein. Car, loin d’être un simple espace d’exposition, il est conçu comme un lieu de discussion et de recherche, d’élaboration collective, comme une passerelle dans la région Caraïbe. Mais son personnel est, au total, de moins de quarante personnes. Pour être claire, il y a loin d’une mise en question de la légitimité d’un tel projet à l’observation de difficultés intrinsèques et extrinsèques à sa réalisation. Si la Guadeloupe investit sérieusement dans le MACTe, est-ce à la mesure de ce qui en est attendu ? Seul un réseau solide, rhizomatique, pourrait suturer l’écart entre l’investissement, fort au regard de la taille de la Guadeloupe, et la réalisation des missions, qui excède, de loin, les limites de l’insularité.
Victorin Lurel, alors président de la Région Guadeloupe, à la suite de Luc Reinette, dont la conscience politique a fait une vigie, avait souhaité, à raison, que la Guadeloupe contribue « à la construction d’une mémoire universelle et partagée de l’esclavage ». Inaugurée le 10 mai 2015, l’institution lance un appel à candidatures pour le conseil scientifique du MACTe le 26 juillet 2023, soit huit ans plus tard. Pourquoi un tel retard ? Les « profils attendus » sont ceux des « conservateurs de patrimoine, universitaires et chercheurs confirmés dont l’expertise scientifique est liée au patrimoine culturel ». Au regard des missions, se focaliser sur le patrimoine culturel, même s’il inclut la culture immatérielle, n’a-t-il pas pour conséquence prévisible d’oblitérer les autres missions du MACTe, qui ne s’y réduisent pas ? Car s’agit-il d’un musée ou d’un anti-musée, autrement dit d’une institution nouvelle apte à articuler le discursif, l’artistique, le patrimonial comme l’ancien et le contemporain ? Lorsque Glissant soulignait la « sédentarité impossible », ne considérait-il pas que le pluriel l’emportait sur le singulier, l’hétérogène sur l’homogène ? On peut ainsi penser aux matrimoines oubliés de l’esclavage et de ses abolitions. L’Unesco met ainsi Solitude en avant, dans la mesure où elle « incarne toutes les femmes et les mères des Caraïbes qui se sont battues pour la liberté et l’égalité dans le contexte du système esclavagiste ». Solitude incarne en effet la résistance à l’esclavage.
« Née vers 1780, la Mulâtresse Solitude est l’une des figures historiques des rébellions de 1802 contre le rétablissement de l’autorité de Lacrosse, capitaine-général de la Guadeloupe nommé par Napoléon Bonaparte, qui avait été expulsé en octobre 1801 à la suite d’un putsch des officiers de couleur de l’armée. » Unesco, 2014
« Vivre libre ou mourir ! » Comment ne pas évoquer ici la figure de Louis Delgrès ? En 2019, à l’initiative de Josette Borel-Lincertin, alors présidente du conseil départemental, une commande publique est ouverte pour « la conception d’une oeuvre d’art contemporaine de portée universelle qui évoquera les combats menés sur tous les continents au nom de l’émancipation des peuples. Elle incarnera des valeurs humanistes en résonnance avec l’histoire de la Guadeloupe et singulièrement celle du Fort Delgrès, lieu de son implantation. » La dimension intercontinentale de l’œuvre et de la résistance à l’oppression est soulignée. La proposition de Dimitri Fagbohoun, héritier de la Porte du Non-Retour, autrement dit de Ouidah, dans l’ancien Dahomey, l’actuel Bénin, est retenue. Elle est intitulée « Tu rêvais d’être libre et je te continue », vers d’un poème d’Éluard. L’inauguration a lieu le 27 mai 2023. Une sculpture en bronze représente un poing levé, tout un symbole. Voici pour le côté matériel de l’intervention de l’artiste. Les quatre autres pièces sont immatérielles, lumineuses et sonores. « Le but, dit l’artiste, est d’ouvrir la discussion et de donner aux gens l’envie de lire, de découvrir et de se renseigner ».
Dimitri Fagbohoun, Rhizomes, Fort Delgrès, Guadeloupe, Basse-Terre
Dimitri Fagbohoun, Tu rêvais d’être libre et je te continue, Fort Delgrès, Guadeloupe, Basse-Terre
Je ne peux manquer ici d’associer ce geste artistique à la vidéo magistrale de l’artiste martiniquais Jean-François Boclé : « Tu me copieras » (2004). L’artiste écrit, sous la dictée, à la craie, sur un tableau noir, des articles du Code Noir. Parce que rien ne s’efface, surtout pas le passé, rien n’est effacé. Le blanc de la craie va faire disparaître le noir du tableau. C’est une invitation à la réflexion. Je l’associe également, autrement, à l’expérience proposée au visiteur au Centre Martin Luther King à Atlanta. Je m’assois, face à une vidéo montrant une scène de rue. Dans mes écouteurs, j’entends des remarques, injures et autre observations racistes comme si elles m’étaient, au présent, adressées. L’angoisse monte. L’expérience est l’épreuve fictive, mais réelle, du racisme ordinaire. Les oreilles, en effet, n’ont pas de paupières. Ce que j’entends là traverse mon corps et occupe mon esprit. C’est pourquoi les œuvres sonores sont si puissantes. Et pourtant, ces œuvres, immatérielles, ne sont pas considérées, surtout par des conservateurs ou des conservatrices, comme de même importance ou de même portée que les œuvres visuelles. Elles leur font pourtant écho. Lorsque Michel Rovelas peint des bouches sans parole, entourées de fil blanc, et rouge, il souligne, visuellement, combien la parole habite, sans les mots, les personnes esclavagisées à tel point qu’interdite, elle réapparaîtra, notamment, dans les sons du gwo ka, et dans ses rythmes, comme l’expression même d’une humanité en lutte.
Michel Rovelas, Bouches sans parole, 2007 (détail), photographie SLB
« Tu me copieras met en question l’Histoire, son écriture, sa réécriture. Crissements, frottements, craie qui se casse et tombe au sol, bruit de pas sur l’estrade activent une mémoire, celle de l’enfance : l’école, le passage au tableau, l’élève, le « Maître ». Une vidéo projetée en boucle : j’écris un texte à la craie blanche. Un casque audio suspendu dans l’espace. Le spectateur y entend très distinctement le Code Noir et fait l’expérience d’une chute dans ces mots qui lui sont dictés à l’oreille : en très grande majorité, celles et ceux qui mettent ce casque à leurs oreilles depuis 2004 n’ont jamais lu ou même parcouru ces mots, on ne leur en a jamais fait lecture de ces 60 articles juridiques signés par Louis XIV et Colbert, soixante articles juridiques en vigueur de 1685 à 1848 dans lesquels le statut de “marchandise” et de “bien meuble” est conféré à des êtres humains. L’éponge a été passée dans les livres d’Histoire de mon enfance et de combien d’autres afin de reléguer ce pan majeur de la mémoire humaine, dans le vague des consciences. Car elle fait crisser l’autre mémoire, collective celle-là, enseignée et transmise. Les écrits se superposent et saturent progressivement de craie le tableau noir qui se recouvre d’un blanc monochrome. Je ne passe pas l’éponge. À mesure que j’écris, je m’aveugle. Quel autre regard que l’aveuglement soutient la démesure ? » Jean-François Boclé
Jean-François Boclé, Tu me copieras, 2004
Stéphanie Mulot a sévèrement critiqué le MACTe, et fait référence à celle que Jocelyn Valton avait formulée avant elle6. S’agissant de l’exposition permanente, ce dernier avait relevé des incohérences dans la manière de dire et de présenter les choses car s’agit-il, au nom de la réconciliation des mémoires, de ménager la chèvre et le chou ? Y a-t-il une corrélation entre ce qui est montré et ce qui est signifié ? Fidèle à son expérience de commissaire d’exposition, Simon Njami, qui a composé l’exposition permanente, a fait le choix de l’international plus que du caribéen. Est-ce la bonne échelle ? En choisissant The Palmetto Libretto de Kara Walker, montre-t-il réellement la condition servile, demande Stéphanie Mulot7? C’est, de façon plus générale, la ligne du parcours qui est interrogée. Car l’exposition permanente propose une déambulation à travers six archipels thématiques. D’autres ont pu noter que certains passages sont délicats. Est-il nécessaire, et opportun, de marcher sur les images des corps ? Est-il nécessaire, et utile, d’inclure un portrait de Napoléon ? Il est clair que la question du point de vue est ici centrale : s’agit-il de montrer comment les Européens ont organisé la traite, ont institué l’esclavage, voire ont procédé à son abolition ou de révéler comment les Extra-Européens déportés ont vécu les traversées, ont travaillé dans les plantations, ont résisté à l’esclavage ? Impossible d’accorder, pour paraphraser Jean-Luc Godard, une minute aux esclavagistes, une minute aux esclaves pour prétendre atteindre l’objectivité.
Hormis l’exposition permanente, qu’est-ce que le MACTe a offert à voir et à entendre pendant ces dernières années ? Après l’exposition temporaire Le Modèle noir, organisée sous la direction de Jacques Martial, présentée d’abord au musée d’Orsay en juillet 2019, puis au MACTe en décembre de la même année, il n’y a pas eu de manifestation de grande ampleur. Ni en termes d’exposition, ni en termes de rencontres. Affaibli par les années Covid, le MACTe ne s’est pas véritablement relevé. Dans le message de bonne année (Bon lanné 2021) qu’a diffusé le MACTe sous forme de GIF, le message est double : « Déyé do sé on péyi ! » (Derrière toi il y a un monde !) ; et « Agir et laisser dire ! ». C’est surprenant. Ronald Cyrille alias B.Bird, a été choisi par Laurella Yssap-Rinçon pour y être artiste invité. Une exposition montre son travail depuis octobre 2022. Car la programmation prévue au Mémorial à partir du 27 mai 2023 a été annulée. Et le MACTe est actuellement fermé au public. En juillet 2023, « Le MACTe participe au Traditour ». Cela fait-il partie, avec le « Brunch mémoriel » du 27 mai de la même année, de ses missions fondamentales ? Ou d’un entertainment mémoriel, d’une « mémoire-spectacle », donnant ainsi raison, a posteriori, à ceux qui en avait critiqué la ligne ? L’usage du créole (kreyol), justifié bien sûr, et bienvenu, ne s’avère-t-il pas, dans ces circonstances, une facilité, plus qu’une exigence ? Le MACTe, en outre, a plus fait parler de lui par ses dysfonctionnements que par ses réalisations. Il semble enfermé dans un régionalisme délétère et pris dans une insularité sans issue. Un face-à-face qui détruit tout côte-à-côte.
Le MACTe n’a pas pour destination de promouvoir exclusivement les artistes de la Guadeloupe, quand bien même ils doivent bien entendu pouvoir participer à son Acte. Est-ce pour eux un tremplin ou une consécration ? La Guadeloupe, en effet, ne possède plus de galerie d’art contemporain connectée (l’Artocarpe, créée par Joëlle Ferly, a fermé pendant les années Covid). Où ses artistes peuvent-ils exposer leur travail ? Le Musarth, autrefois nommé Schoelcher, musée départemental d’art et d’histoire, géré par le Conseil départemental, a été récemment rénové. Il contient les collections offertes par Victor Schoelcher, notamment sa collection « ethnographique ». Il contient également des œuvres, objets et documents acquis dans les années 80 et 90, liés à la mémoire et à l’histoire de l’esclavage et de ses abolitions. Réouvert en septembre 2022, il offre également aux artistes contemporains un espace à Pointe-à-Pitre. Dans ce département et cette région d’outre-mer, que l’administration française nomme DROM, le personnel politique agit-il comme dans une « région ultra périphérique » (RUP) – en un sens administratif et politique – au sein de l’Union européenne, ou comme l’une des régions – en un sens géographique et culturel – de la Caraïbe ? Ary Chalus, président du Conseil régional de Guadeloupe depuis décembre 2015, a pour mission de « gérer le patrimoine de la région ». Un « Rapport d’observations définitives » produit par la Chambre régionale des comptes au 10 juillet 2019 mentionne que « la plupart des observations sur la fiabilité des comptes et sur l’information budgétaires n’ont pas été mises en œuvre ». La gouvernance de la région est caractérisée de la façon suivante : « une organisation opaque, tournée vers elle-même ». Ces dysfonctionnements ne représentent-ils pas un risque de taille pour le MACTe ?
« Je suis nègre et des tonnes de chaînes, des orages de coups, des fleuves de crachats ruissellent sur mes épaules. Mais je n’ai pas le droit de me laisser ancrer. Je n’ai pas le droit d’admettre la moindre parcelle d’être dans mon existence. Je n’ai pas le droit de me laisser engluer par les déterminations du passé. Je ne suis pas esclave de l’Esclavage qui déshumanisa mes pères. » Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, 1952
Stéphanie Mulot a souligné les limites de l’analyse culturaliste et critiqué ce qu’elle nomme le « protectionnisme culturel » tout autant que « l’assignation identitaire »8. Elle suit ainsi la trace laissée par Fanon, qui refuse d’être esclave de l’esclavage. Car les divers déterminismes qui traversent les existences sociales et psychologiques ne sont pas l’effet prévisible d’une cause unique et lointaine. Les acceptions littérales (« brunch mémoriel »), liées à l’hégémonie du journalisme à l’ère des réseaux sociaux, ne sauraient passer pour des compréhensions de la complexité du monde et de ses héritages. Elles sont des cailloux sur la langue. Comment, en effet, la parole circule-t-elle au MACTe aujourd’hui ? Elle est hélas empêchée. Un rapport de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale des affaires culturelles conclut et titre ainsi : « Le Mémorial ACTe : sept ans après sa création, un bilan décevant, un avenir à construire ». Selon ce rapport, les « crises à répétition hypothèquent désormais son avenir ». J’ai choisi ici de ne pas en faire le détail. Je me suis plutôt focalisée sur le projet scientifique et culturel, qui reste à formuler, architecture interne des manifestations et autres expositions à venir. Il est évident que rien ne peut jamais s’effectuer véritablement dans l’isolement, la non-communication, sans la collaboration élargie, au sens le plus riche et le plus étendu du terme, au-delà de l’insularité et, plus généralement, des frontières, quelles qu’elles soient. L’horizontalité des relations vaut plus, pratiquement parlant, que la verticalité des rapports, ou les conflits d’autorité, voire d’ego. Et peut-on concevoir, au MACTe, la Guadeloupe hors ou indépendamment de la Martinique, la Guyane, la Réunion, toutes trois marquées par l’esclavage moderne ?
« J’avais déjà été convoqué deux fois par les RG donc j’étais persuadé qu’on ne m’aurait pas mis dans mon bureau mais plutôt sur une ligne de front. J’ai préféré choisir mon propre front. »
Sonny Rupaire (Makandal), Fanon libérateur, 1961
« Je suis d’une tête de tropique en colère »
Sonny Rupaire (Kanmarad Max), A ceux de Fresnes, de la Santé et de Basse-Terre, 1967
Les richesses artistiques et littéraires, scientifiques et intellectuelles de l’archipel de la Caraïbe sont immenses. Ce qui y a été produit, inventé, créé, est connu du monde entier « Il n’y a qu’une notion qui soit véritablement géographique, avait soutenu Michel Foucault en 1976, celle d’archipel ». L’archipel a-t-il, dans le MACTe, été acté comme une réalité géographique, comme une donnée historique de la traite, de l’esclavage, de ses abolitions? Ne peut-on constater un repliement sur le local, au sens le plus étroit de ce terme ? Le risque est que le MACTe fonctionne à la synecdoque, qu’il prenne la partie pour le tout. Géographiquement parlant, l’archipel renvoie à l’ouverture progressive de la géographie humaine, à la dimension réticulaire de l’espace, de telle sorte que l’acception maritime s’est peu à peu effacée de sa définition. Dans ce réseau, le jamaïcain Stuart Hall, figure centrale des Cultural Studies, est incontournable. Leur manifeste vient de la distinction qu’il opère entre encodage (moment de la production) et décodage (moment de la réception). Car la culture est un lieu de conflits, de débats, de discussions, d’interrogations. « Qu’est-ce qui est noir dans la culture populaire noire ? » s’est ainsi demandé, en 1992, celui qui a toujours insisté sur le caractère labile des identités. Son travail sociologique sur les cultures, les médias, l’ethnicité, montre combien l’histoire n’est ni seulement affaire d’historiographie ni seulement affaire de « mémoire ».
L’histoire est pour tous, le patrimoine pour nous-mêmes seulement, a dit David Lowenthal dans Possessed by the Past. Une perspective mémorielle est donc toujours difficile à dessiner, puisqu’elle est aussi – et surtout – politique et sociale, avant d’être muséale. Chercher la pacification ou la réconciliation est une gageure Le Musée de l’Apartheid de Johannesburg en est un exemple. Pour clarifier les choses, deux entrées ont été distinguées : l’une pour les « Blancs », l’autre pour les « non-Blancs ». Plus globalement, que penser de la muséologie relationnelle centrée sur le public concerné qui fait du musée une zone de contact ? C’est crucial pour un musée. Ce l’est sans doute davantage pour un mémorial. Arjun Appadurai voit ainsi le passé non pas comme un matériau plastique disponible mais comme une ressource rare. C’est intéressant, surtout dans la mesure où plusieurs groupes peuvent revendiquer le passé, en totalité mais surtout en partie, ou mettre l’accent sur l’un de ses aspects plutôt qu’un autre. L’élaboration du passé comporte, selon lui, quatre dimensions. L’autorité, ou l’accord sur la crédibilité ; la continuité, ou le rapport à la source d’autorité ; la profondeur, ou la mesure de l’avancée dans le passé ; l’interdépendance, ou la vraisemblance des diverses versions du passé. Dans un Mémorial tel que le MACTe, les dispositifs pour loger et accueillir le passé dans le présent sont à inventer en fonction de toutes les ressources cosmopolitiquement disponibles à l’intérieur de la Caraïbe. Il reste peut-être à ouvrir les portes du MACTe à d’autres, dont les ancêtres ont partagé autrefois la même tragédie, et, parmi les francophones, aux Haïtiens, si proches et pourtant si lointains.
Seloua Luste Boulbina le 3 septembre 2023
Post-Scriptum :
Que m’est-il permis d’espérer ? À l’heure où Julien Creuzet représentera la France, et la Caraïbe, à la 60e Biennale de Venise, en 2024, n’est-il pas grand temps de l’associer au MACTe ? Car Julien Creuzet a, depuis longtemps, suivi la route d’Aimé Césaire, son ancêtre martiniquais. Il a ouvert des traces et des chemins. Il a saisi, dans ses œuvres, le caractère fantôme de la traite, de l’esclavage, de l’abolition. Quand il a élaboré, artistiquement, la persistance rétinienne des colliers et cadenas, de la barre de « justice », ce n’est pas de façon littérale et abusivement restrictive, c’est poétiquement, comme une architecture qui demeure encore dans le regard, et donc comme une configuration du corps lui-même. C’est formellement qu’il a envisagé l’héritage : comme une « persistance ». Je pense ici aussi à la maille corde ou à la maille forçat (chaîne forçat) caractéristique du bijou antillais, parure qui retourne le stigmate du passé et le transforme en valeur du présent. Cet ornement, et surtout dans ce métal à forte valeur symbolique, était interdit aux personnes « réduites » en esclavage, tout comme les parures de perles. Puis les femmes esclavagisées portèrent des signes dorés ambivalents : les colliers forçat en signe de soumission et d’élection ; les « créoles », ces boucles d’oreille en anneaux de mémoire caractéristique des Antilles ; les anneaux aux chevilles, marques d’asservissement. Depuis l’antiquité, le port de l’anneau d’or est en effet, en Europe, un privilège. Au IIIe siècle, les hommes nés libres étaient seuls à pouvoir porter l’anneau d’or quand l’affranchi n’avait droit qu’à l’anneau d’argent, l’esclave à la bague en fer. L’histoire de l’anneau et de sa migration dans les Amériques devrait avoir sa place dans une réflexion globale sur l’esclavage et sur la subversion qui opère dans la transmission matérielle de l’histoire passée. L’enchaînement a, en outre, tant de signification linguistique qu’il demande à être élaboré de façon élargie par des philosophes et des anthropologues, des artistes et des écrivains, non exclusivement par des historiens, des conservateurs ou des historiens de l’art. Car le terme désigne à la fois l’action physique et matérielle pour retenir captif ; et la série de choses liées entre elles par des rapports de continuité et de logique. C’est à creuser. Au pays de l’anneau brisé, réalisé par Henri-Martin Granel en 1977 en hommage à Delgrès, comment ne pas intégrer dans un Mémorial tel que le MACTe, le travail continu d’élaboration du passé dans les arts décoratifs de la Caraïbe ?
Julien Creuzet
Barre de justice, colliers et cadenas pour enchaîner les esclaves à bord des navires négriers, persistance rétinienne, 2021
Plastic, metal, shells, pearls, fabric, speaker, lemons, tin can, electrical wiring
Approx. 200 x 200 x 20 cm / 78 3/4 x 78 3/4 x 7 7/8 in
Julien Creuzet
mon corps carcasse / se casse, casse, casse, casse / Mon corps canne à sucre, / flèche, flèche, flèche, flèche / mon corps banane est en larme, / larme, larme, larme / mon corps peau noir, / au coucher du soleil, / ne trouve plus le sommeil / mon corps plantation poison / mon corps plantation poison / mon corps plantation / demande la rançon / La pluie n’est plus la pluie / la pluie goutte des aiguilles / la pluie n’est plus la pluie / la pluie goutte des aiguilles / la pluie pesticide / la pluie infanticide / mon père vivait près de la rivière / La rivière était à la lisière / du champ de banane pour panam / banane rouge poudrière / sous les Tropiques du cancer (…) 2019
HD video with sound
7’37’’, looped
1. Article premier de la Loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Pour rappel, Condorcet parlait de « crime des nations ».
2. Christiane Taubira, L’esclavage raconté à ma fille, Philippe Rey, 2015, p.122.
3. Seloua Luste Boulbina, Les miroirs vagabonds ou la décolonisation des savoirs (arts, littérature, philosophie), les presses du réel, 2018.
4. Seloua Luste Boulbina, Grands Travaux à Paris, La Dispute, 2007
5. Informations fournies par l’Insee https://www.insee.fr/fr/statistiques/6798827 Le secteur du tourisme génère en Guadeloupe 21 emplois (salariés ou non-salariés) pour mille habitants. À l’échelle des régions françaises, c’est moyen : plus de 50 emplois pour mille habitants en Corse, moins de cinq en Guyane. Mais le secteur du patrimoine et de la culture n’emploie que 255 personnes. C’est, en matière d’emploi, le parent pauvre du tourisme local.
6. Jocelyn Valton, http://jocelynvalton.blogspot.fr/2016/01/memorialacte-art-memoire-esclavage-la.html
7. Stéphanie Mulot, « Le Mémorial Acte de Guadeloupe : où la mémoire occulte l’histoire », Cahiers des Anneaux de la Mémoire, 2018, p.293
8. Stéphanie Mulot, « L’esclavage peut-il tout expliquer ? Les limites de l’analyse culturaliste des problèmes familiaux et sanitaires aux Antilles », Communication au colloque « L’esclavage : quel impact sur la psychologie des populations ? », MACTe, octobre 2016.
MACTe: AN ANTI-MUSEUM GRIPPED BY INSULARITY?
“To all tortured geography” Edouard Glissant, Le Sang Rivé, 1983
MACTe Photograph Roger Raspail
I am like the eel sniffing the salt winds
And taking the pulse of the currents.
Hi, island! It’s me. Your son has come home.
Beyond the white line of the breakwater,
And further on than the waves with eyelids of fire,
I recognise your body burned by the ocean spray.
Guy Tirolien, Balles d’or, 1982
From the post-imperial viewpoint, “reparations” are a vital part of the process of decolonising structures and representations. They are seen in terms of the irreparable nature of what they are supposed to “compensate”. Providing that this is taken into account. When negationism continues, responsibility take the place of identifiable and recognised harm. From the postcolonial viewpoint, reparations have a different content. They are not compensation but a restoration, and are more linked to being than having. They are an artificial limb. The owners of the slaves exiled from Haiti after independence (1804) received compensation, and the slave-run plantation owners were given an indemnity after slavery was abolished in France (1848) and in Britain (1833). There was no question at that time of “reparations” for the harm done to slaves and their descendants. On 10 May 2013, a day commemorating the abolition of slavery, the French president (François Hollande) said: “history cannot be the subject of a transaction”. But why did he use the word “transaction”? In Europe, “reparations” suggest payment, the transfer of goods and services inflicted on the defeated (at the Treaty of Versailles, for example) and which were demanded as war reparations for losses and damage. On 10 May 2015, in Guadeloupe, the French president promised that “When I come to Haiti, I will in turn pay the debt we owe”. What is a debt and how can it be paid? What are “reparations”, outside Europe?
Can the irreparable be repaired? From the legal viewpoint things seem formally quite simple. There are two kinds of reparations. Penal reparations consist in sentencing a guilty person. Civil reparations are expressed in awarding the victim damages to compensate for the harm suffered. Philosophically speaking, sometimes it is hard to conceive what reparations could be, humanly speaking. In 1996, Charles Najman directed a fine film about his mother, Solange Najman: Can Memory Be Dissolved in Water? The title is enigmatic. Because we are not sure which memory is meant and which water. Every two years, the German government funds a three-week spa treatment in Évian for Solange as “reparations” for her deportation to Bergen Belsen. She meets up with friends in the same situation as her. The fantasy and absurdity of these “reparations” are obvious. Showers are included in the stay, but are massages, for example, part of the deal? Solange Najman is very joyous and cheerful, and always ready to sing. But she cannot forget the hardships and suffering she went through, like the totally arbitrary and absurd nature of the monstrous “treatment” she experienced in the concentration camp and which she survived.
Untie your soul, land, anchored to your cry.
Near, eternal, see. I see winter growing here
And your heart at its height. The old radiance
Matures. The old love is calmed.
Open to us the help of your dying pathways
You were salt in the snow, and the snow was only night.
Edouard Glissan, Le Sel noir, 1983
Far removed from any official state policy, it is through words and not silence that a minimum of trust in human justice can be restored. The French Republic has recognised that the transatlantic slave trade, as well as the slave trade in the Indian Ocean, on the one hand, and slavery, on the other hand, as perpetrated from the 15th century in the Americas and Caribbean, in the Indian Ocean and Europe against the peoples of Africa, Native Americans, Madagascans and Indians, represent a crime against humanity.[1] “To name the crime, to describe it, give it a status, recall that it is not subject to any limitation in time means to repair it. Stating the facts, describing them, means repairing them, too.” By these words, Christiane Taubira, without whom France would not have recognised anything at all, brings out the value of words in law.[2] This is why the law was so difficult to pass. Because reparations were mentioned in the initial bill, drafted in 1999. And then were deleted. Reparo means 1/ to buy back, recover; 2/ to renew, restore, rebuild, construct; 3/to refresh, re-establish, revive, reinforce; 4/ to procure by exchange, to swap. It basically means to “restore things”. Paro means 1/ to arrange, order, prepare, organise; 2/ to resolve, to be about to, to intend to; 3/ to procure, provide, obtain; 4/ to buy, acquire; 5/ to hatch a plan, to plot, to scheme. Paro is the reverse side and reparo is the front.
Without necessarily being strictly political, art engages with politics. One can imagine discreet reparations at the fringes and the margins: cosmetic reparations, since they are based on a unique form of speech, expressing, in original terms that cannot be shared but can be handed down, individual claims which are not addressed to judges or commissions but to everyone, and which, as a result, can be conveyed by other means than ordinary communication. I have already argued for the idea that the artist, the writer, the thinker is a pharmakos.[3] Here I am arguing for the idea that each of them is – also – a kosmêtikos, an organiser, an arranger. The wild pansy, a flower embodying the memory and potion of love, is used in pharmaceutical and cosmetic treatments. The kosmêtikos does not have good press. People prefer the elected official or the law enforcement officer. And yet all of them in different ways use a form of artifice. Reparations must also be understood in two very different ways: as compensation owed by the debtor to the creditor; and as compensation that the creditor owes to himself to restore his capacity to act. The first is material and/or symbolic. The second, which is a remedy (self-medication), is symbolic and material. It restores to life, taking us from the sphere of experience to the sphere of representations, and vice versa. In this way the kosmêtikos is a pharmakos, a healer. This remedy is fundamentally a mourning process and, as a result, a process involving links and connections. Hence the importance of deposing certain individuals who were once highly honoured (Josephine). The fact that art could, in this case, be seen as a pharmakon, is a way to grasp, even in a confused way, that sublimation is a solution.
MACTe Photographie Roger Raspail
Before getting to the heart of the matter, I prefer first of all to place it in its historical and theoretical context. Because the Memorial ACTe museum is the original act whereby, in Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, it was declared that the reparations that the creditor owes himself has taken place. Officially and institutionally. A useful and necessary act that brings history directly into our times. But is it a form to which a content has been given or a content that takes on form? Because the Memorial ACTe museum is first of all an architectural monument. In this respect it is similar to the great national building projects of the past. These projects were sometimes functional, like the Parc de la Villette, about which few people were optimistic at the time, due to its allegedly “difficult” urban environment, or mere empty shells, like the costly Arche de la Défense.[4] These are two extreme cases. But what about the Memorial ACTe, its “silver roots in a black box”? Its missions are varied. First, it is meant to become a “centre for the interpretation and expression of the memory and history of the transatlantic slave trade, of slavery and their abolition in the Caribbean region”. Second, “to gather together, promote and make better known in an all-rounded way all the elements of the tangible and intangible heritage linked to the colonial slave trade and to slavery”. Third, “to contribute to the existence and the construction of a collective and social memory, one that is living, open, shared, creative and educational”. Fourth, “to encourage research” about the slave trade, slavery and abolition. Fifth, “to explore and promote contemporary expressions arising from this history”. Last, “to contribute to the provision of culture, memory and tourism in Guadeloupe and the Caribbean”.
But is there not a risk of linking tourism in Guadeloupe with the culture provided at the MACTe? 90% of the visitors to the MACTe are tourists. Most of them (60%) are from Metropolitan France; only 20% are from other countries[5]. In this case, for whom should the Caribbean dimension of the slave trade, of slavery and abolition really be developed? The inhabitants of Guadeloupe, Martinique and even less of French Guyana are not the usual MACTe visitors. Moreover, on the basis of the mission statements, it is easy to imagine a very robust structure with an international dimension and numerous and efficient staff and a strong network, to carry out all the initiatives that the MACTe museum is supposed to develop. Because, far from being simply an exhibition space, the museum is designed as a venue for discussion and research, for collective work, like a link in the Caribbean region. But in fact, there are fewer than 40 people on the staff in all. To be clear, there is a big gap between assessing the legitimacy of a project of this kind and observing the intrinsic and extrinsic difficulties involved in achieving it. If Guadeloupe has invested seriously in the MACTe, is it on the scale required? Only a robust, firmly rooted network could close the gap between the investment – quite high given the size of Guadeloupe – and achieving its aims, which go far beyond the limits of Guadeloupe’s island nature.
Victorin Lurel, the then president of the Guadeloupe Region, after Luc Reinette, whose political awareness was always alert, rightly wanted Guadeloupe to contribute “to developing a universal and shared memorial of slavery”. The institution was inaugurated on 10 May 2015, but only launched a call for applicants for the MACTe scientific board on 26 July 2023, eight years later. Why the delay? The “suitable candidates” would be “experienced heritage curators, academics or researchers with scientific expertise linked to cultural heritage”. Given its aims, was it not inevitable that a focus on cultural heritage, even including intangible culture, would wipe out the other missions of the MACTe, which were not limited to cultural heritage? Is the MACTe a museum or an anti-museum, in other words, a new institution that could bring together discourse, art and heritage, as well as the old and the contemporary? When Glissant highlighted “impossible stability”, was not saying that the plural outweighs the singular, that the heterogeneous outweighs the homogeneous? We might think of the forgotten women’s heritage of slavery and abolitions. UNESCO gives pride of place to Solitude, since she “embodies all the women and mothers of the Caribbean who fought for freedom and equality in the context of the system of slavery”. Solitude does indeed embody resistance to slavery.
“La Mulâtresse Solitude was born in about 1780. She was one of the historic figures in the 1802 uprisings against reinstating Lacrosse, the Captain-General of Guadeloupe appointed by Napoleon Bonaparte, who had been driven out in October 1801 after a putsch by the army’s coloured officers.” UNESCO, 2014 (boxed text)
“Live free or die!” How could we fail to mention Louis Delgrès here? In 2019, Josette Borel-Lincertin, then president of the departmental council, launched a public commission to “design a contemporary work of art with a universal scope evoking the struggles on all the continents in the name of emancipating peoples. The work should embody the humanistic values suited to the history of Guadeloupe and particularly to the history of Fort Delgrès, where it will be located.” The intercontinental dimension of the work and of resistance to oppression were highlighted. The project by Dimitri Fagbohoun was chosen. It was inspired by the Door of No-Return, the gate in Ouidah, in the former Dahomey, today Benin. The title is “You dreamed of being free and I am your continuation”, a line from a poem by Éluard. The inauguration took place on 27 May 2023. A bronze sculpture represented a highly symbolic raised fist. This is the material aspect of the artist’s work. The four other pieces are immaterial, consisting of light and sound. “The aim”, said the artist, “is to open up discussions and to make people want to read, to discover new things and to learn”.
Dimitri Fagbohoun, Rhizomes, Fort Delgrès, Guadeloupe, Basse-Terre
Dimitri Fagbohoun, Tu rêvais d’être libre et je te continue, Fort Delgrès, Guadeloupe, Basse-Terre
Here I have to link this artistic project with the remarkable video by the Martinique artist Jean-François Boclé: “Tu me copieras” (“You Will Copy Me”, 2004). The artist is shown writing articles dictated from the Black Code on a blackboard with chalk. Because nothing is erased, especially the past, nothing has been erased. The white of the chalk will cover the black of the board. It is an invitation for thought. In a different way I also link it with the experience offered to visitors at the Martin Luther King Centre in Atlanta. I am seated, facing a video showing a street scene. In my earphones, I hear remarks, insults and other racist utterances, as if they were being said to me now. There is a rising sense of anxiety. The experience is the fictional but real ordeal of everyday racism. Because ears have no eyelids to close them. What I hear goes through my body and takes root in my mind. This is why sound works are so powerful. And yet, these intangible works are not seen – especially by curators – as having the same importance or scope as visual works. But they provide an echo to these works. When Michel Rovelas paints mouths without speech, encircled by white and red threads, he visually brings out just how much speech, without words, inhabits an enslaved people, so that forbidden speech will eventually reappear, especially in the sounds of gwo ka and in its rhythms, as the real expression of humanity in combat.
Michel Rovelas, Bouches sans parole, 2007 (détail), photographie SLB
“You will copy me raises questions about history, how it is written and rewritten. Scraping and rubbing sounds, chalk breaking and falling to the floor, the sound of footsteps on a platform trigger a memory, a memory of childhood: school, being called to the blackboard, the pupil, the “Teacher”. A loop video is projected: I am writing words with white chalk. Headphones hanging in space. Spectators can very clearly hear the Black Code and experience a descent in the words spoken in their ears. Most of the visitors who have put on the headphones since 2004 have never read or even briefly looked at these words. No one has ever read the 60 legal articles signed by Louis XIV and Colbert, 60 legal articles in force from 1685 to 1848, in which human beings were given the status of “merchandise” and “personal property”. All trace of it was erased from the history books of my childhood and of so many others in order to reduce this crucial aspect of human memory to a vague question of conscience. Since it causes a scraping sound in the other, collective memory, the memory taught and handed down. The writings are gradually superimposed and absorbed with chalk, and the blackboard is covered with a single white colour. I don’t erase the words As I write, I am blinded. Whatever way of seeing than blindness can withstand such excess?” Jean-François Boclé
Jean-François Boclé, Tu me copieras, 2004
Stéphanie Mulot has strongly criticised the MACTe museum and refers to the criticism Jocelyn Valton expressed before her.[6] Concerning the permanent exhibition, Valton highlighted the incoherent way of speaking about and presenting things. In the name of reconciling memories, was the aim to keep everyone happy? Is there any correlation between what is shown and what is meant? True to his experience as an exhibition curator, Simon Njami, who developed the permanent exhibition, opted for something international rather than Caribbean. Is this the right scale? By choosing The Palmetto Libretto by Kara Walker, is he really highlighting the condition of slaves, asks Stéphanie Mulot?[7] More generally, the visit options are open to question. The permanent exhibition involves a walk through six themed archipelagos. Others have pointed out that some parts were problematic. Is it necessary or suitable to walk on pictures of bodies? Is it necessary, and useful, to include a portrait of Napoleon? It is clear that the question of viewpoint is central here. Is the aim to show how Europeans organised the slave trade, created slavery, or even abolished it, or to highlight how deported people from outside Europe experienced the Atlantic crossing, worked on the plantations and resisted slavery? To paraphrase Jean-Luc Godard, it is impossible to give one minute to slave owners, one minute to slaves and then claim to be objective.
Outside the permanent exhibition, what have we seen and heard thanks to the MACTe museum over the past few years? Since the temporary exhibition The Black Model, organised by Jacques Martial and first shown at the Orsay Museum in Paris in July 2019, then at the MACTe in December of the same year, there have been no events on a large scale. No major exhibitions or major encounters. The MACTe suffered during the Covid years and has not really recovered. In the New Year’s message (Bon lanné 2021) sent out by the MACTe as a GIF, there is a double message: “Déyé do sé on péyi!” (“There is a world behind you!”); and “Take action and let them talk!” It is surprising. Ronald Cyrille, alias B.Bird, was chosen as the guest artist by Laurella Yssap-Rinçon. An exhibition shows his work since October 2022. Because the programme scheduled at the museum from 27 May 2023 was cancelled. And the MACTe is currently closed to the public. In July 2023, “The MACTe is taking part in the Traditour”. Was this, along with the “memorial brunch” on 27 May the same year, one of its fundamental missions? Or was it memorial entertainment, showing, in retrospect, that those who had criticised its direction were right? Wasn’t the use of Creole (kreyol) – which was justified, of course, and welcome – an easy solution rather than a necessity in the circumstances? The MACTe has also been more often in the spotlight for its defects than its achievements. It seems to be enclosed in a harmful form of regionalism, a blind alley of insularity. A “face to face” that destroys all “side by side”.
The aim of the MACTe is not exclusively to promote artists from Guadeloupe, even though they must of course be able to take part in its work. For them is it a springboard or a seal of approval? Guadeloupe no longer has a connected contemporary art gallery (L’Artocarpe, set up by Joëlle Ferly, closed during the Covid years). Where can the island’s artists exhibit their work? The Musarth, formerly the Schœlcher, the departmental museum of art and history, managed by the departmental council, was recently renovated. It includes collections donated by Victor Schœlcher, particularly his “ethnographic” collection. It also contains works, objects and documents acquired in the 1980s and 90s, and linked to the memory and history of slavery and its abolitions. It reopened in September 2022, providing another venue for contemporary artists in Pointe-à-Pitre. In this “French overseas department and region”, do politicians act as if it were an “ultra-peripheral region” – in an administrative and political sense – within the European Union, or as one of the regions – in a geographic and cultural sense – of the Caribbean? Ary Chalus, President of the Guadeloupe Regional Council since December 2015, aims to “manage the region’s heritage”. A “report on definitive observations”, issued by the Chamber of Regional Auditors on 10 July 2019, states that “most of the recommendations concerning the reliability of the accounts and budgetary information have not been enacted”. Regional governance is described as “an opaque organisation, turned in on itself”. Do these problems not pose a major risk for the MACTe museum?
“I am a Negro, and tons of chains, tempests of blows, rivers of spit flow down my shoulders. But I have no right to let myself be anchored. I have no right to admit the smallest fragment of being to my existence. I have no right to let the meanings of the past drag me down. I am not a slave to the Slavery that took away the humanity of my fathers.” Frantz Fanon, Black Skin, White Masks, 1952
Stéphanie Mulot highlighted the limits of culturally based analysis and criticised what she called “cultural protectionism” as much as “identity allocation”. [8] She follows in the footsteps of Fanon, who refused to be a slave to slavery. Because the range of determinisms running through social and psychological existence are not the predictable effect of a single, long-past cause. The literal attributions of meaning (“memorial brunch”), linked to the hegemony of journalism in an age of social media, cannot be accepted as an understanding of the complexity of the world and its heritages. They are stones weighing on the tongue. How is speech conveyed within the MACTe today? Unfortunately, speech is prevented. The conclusion to the report from the general administration auditor and the general cultural affairs auditor had the following title: “The Memorial ACT: seven years after its launch, disappointing results and a future still to be developed”. According to this report, “repeated crises are now threatening its future”. I chose not to go into detail here. I have focused more on the scientific and cultural project, which still remains to be developed, the internal architecture of the events and upcoming exhibitions. It is obvious that nothing can ever be truly achieved in isolation, by non-communication, without broader collaboration, in the richest and widest sense of the term – going beyond insularity and, more generally, borders, whatever they may be. Horizontal relations are worth more in practice than vertical relations or conflicts of authority and even of ego. And at the MACTe can we imagine Guadeloupe apart from or independent of Martinique, French Guiana or Réunion, all three marked by modern slavery?
“The police intelligence service had already summoned me twice, so I was sure they would not put me in my office but in the front line. I preferred to choose my own front line.”
Sonny Rupaire (Makandal), Fanon Libérateur, 1961
“I am from an angry tropical head”
Sonny Rupaire (Kanmarad Max), A Ceux de Fresnes, de la Santé et de Basse-Terre, 1967
The artistic, literary, scientific and intellectual riches of the Caribbean archipelago are immense. What has been produced, invented and created there is known all over the world. “There is only one idea that is truly geographic,” Michel Foucault stated in 1976, “the idea of the archipelago”. In the MACTe, has the archipelago been acknowledged as a geographic reality, as a historical fact of the slave trade, slavery and its abolitions? Can we not sense a retreat into the local, in the narrowest sense of the term? The risk is for the MACTe to function as a synecdoche, taking one part for the whole. Geographically speaking, the archipelago points to the progressive opening up of human geography, to the reticulated dimension of space, in such a way that a maritime meaning has little by little been removed from its definition. In this network, the Jamaican, Stuart Hall, a central figure in Cultural Studies, is vital. Their manifesto comes from the distinction he makes between encoding (moment of production) and decoding (moment of reception). Since culture is a venue for conflict, debates, discussions, questions. “What Is This ‘Black’ in Black Popular Culture?” Hall asked in 1992, as an author who had always stressed the unstable character of identities. His sociological work on cultures, the media and ethnicity show how much history is neither simply a matter of historical methods nor simply a question of “memory”.
History is for all, heritage for us alone, said David Lowenthal in Possessed by the Past. So a memorial perspective is always hard to develop, since it is also – and above all – political and social, before being a question for museums. To seek out pacification or reconciliation is a challenge. The Apartheid Museum in Johannesburg is an example. To clarify matters, there are two entrances: one for “Whites” and the other for “Non-Whites”. More generally, what should we make of the relational museum approach focusing on the public concerned and making the museum a place of contact? It is crucial for a museum. It is probably even more so for a memorial. Arjun Appadurai sees the past not as available, malleable material but as a scarce resource. It is interesting, especially to the extent that several groups might claim ownership of the past, in its totality, but especially in part, or might highlight one aspect rather than another. In his view, there are four dimensions involved in formulating the past. Authority, or agreement about credibility; continuity, or relations with the source of authority; depth, or the way progress into the past is measured; interdependence, or the probability of different versions of the past. In a Memorial such as the MACTe, the measures to accommodate and welcome the past in the present need to be invented in line with all the resources available cosmopolitically in the Caribbean. Perhaps we need to open the doors of the MACTe to others, including to the ancestors who shared the same tragedy, and among French-speakers, to the Haitians, so close and yet so far away.
Seloua Luste Boulbina 3 September 2023
Post-Scriptum :
What can I hope for? At a time when Julien Creuzet is representing France and the Caribbean at the 60th Venice Biennale in 2024, isn’t high time for the MACTe to invite him? For a long time now Julien Creuzet has followed the path taken by Aimé Césaire, his ancestor from Martinique. He has opened up ways and routes. In his work, he has grasped the ghostly nature of the slave trade, of slavery, of abolition. By artistically developing the persistence of vision of yokes, locks and metal bars (known in French as “bars of justice”), he not acting in a literal and illegitimately restrictive way, but poetically, as for an architecture that still remains in sight, and therefore like an arrangement of the body itself. He sees heritage, formally, as a “persistence”. Here I am reminded of the link or cable chain that is a feature of West Indian jewellery, which takes the past stigma of the slave’s chain and turns it into a value in the present. This kind of jewellery, especially in its metal form with strong symbolic value, was forbidden to individuals “reduced” to slavery, as were pearls. Women slaves often wore ambivalent gold signs: chain necklaces as a sign of submission and of being chosen; “creoles”, the close-fitting memorial earrings that are often seen in the West Indies, and ankle rings, the marks of enslavement. Since Antiquity, wearing a gold ring has been a sign of privilege in Europe. In the 3rd century, freeborn men were the only ones who could wear a gold ring, while the freed slave had the right to wear a silver ring and the slave an iron ring. The history of the ring and its migration to the Americas should have a place in wider reflections about slavery and about the subversion taking place in handing down past history in material form. The idea of chains and enchaining also has so much linguistic meaning that it needs to be developed in a broader way by philosophers and anthropologists, artists and writers, and not just by historians, curators and art historians. Because the terms mean both the physical and material action of keeping someone captive; and a series of things linked by relations of continuity and logic. This needs to be studied further. In the land of the Broken Ring, made by Henri-Martin Granel in 1977 in homage to Delgrès, how could we fail to include in a Memorial such as the MACTe, the ongoing work of formulating the past in the decorative arts in the Caribbean?
Julien Creuzet
Barre de justice, colliers et cadenas pour enchaîner les esclaves à bord des navires négriers, persistance rétinienne, 2021
Plastic, metal, shells, pearls, fabric, speaker, lemons, tin can, electrical wiring
Approx. 200 x 200 x 20 cm / 78 3/4 x 78 3/4 x 7 7/8 in
Julien Creuzet
mon corps carcasse / se casse, casse, casse, casse / Mon corps canne à sucre, / flèche, flèche, flèche, flèche / mon corps banane est en larme, / larme, larme, larme / mon corps peau noir, / au coucher du soleil, / ne trouve plus le sommeil / mon corps plantation poison / mon corps plantation poison / mon corps plantation / demande la rançon / La pluie n’est plus la pluie / la pluie goutte des aiguilles / la pluie n’est plus la pluie / la pluie goutte des aiguilles / la pluie pesticide / la pluie infanticide / mon père vivait près de la rivière / La rivière était à la lisière / du champ de banane pour panam / banane rouge poudrière / sous les Tropiques du cancer (…) 2019
HD video with sound
7’37’’, looped
[1] First article of the French Law n° 2001-434 of 21 May 2001 towards the recognition of the slave trade and slavery as crimes against humanity. We might recall that Condorcet described slavery as the “crime of nations”.
[2] Christiane Taubira, L’Esclavage Raconté à Ma Fille, Philippe Rey, 2015, p.122.
[3]Seloua Luste Boulbina, Les miroirs vagabonds ou la décolonisation des savoirs (arts, littérature, philosophie), Les Presses du Réel, 2018.
[4] Seloua Luste Boulbina, Grands Travaux à Paris, La Dispute, 2007
[5]Information provided by Insee https://www.insee.fr/fr/statistiques/6798827 The tourism sector in Guadeloupe generates 21 jobs (salaried or non-salaried) for one thousand inhabitants. Compared with the French regions, this is quite average: there are over 50 jobs for one thousand inhabitants in Corsica and fewer than five in French Guiana. But the heritage and culture sector employs only 255 people. In terms of jobs, it is the poor relation of local tourism.
[6] Jocelyn Valton, http://jocelynvalton.blogspot.fr/2016/01/memorialacte-art-memoire-esclavage-la.html
[7] Stéphanie Mulot, “Le Mémorial Acte de Guadeloupe: où la mémoire occulte l’histoire”, Cahiers des Anneaux de la Mémoire, 2018, p.293
[8] Stéphanie Mulot, “Can slavery explain everything? The limits to the culturally based analysis of family and health issues in the West Indies”, a talk given at the symposium “Slavery: what is the impact on the psychology of populations?”, MACTe, October 2016.
Laisser un commentaire