« Vous le voyez avec vos codes, ça n’engage que vous »

CONVERSATION AVEC PASCALE MARTHINE TAYOU

Propos recueillis par Dominique Brebion

Bonjour Pascale Marthine Tayou, le troisième numéro de la revue numérique Faire monde(s), sous le titre, Cartographies globales : expositions, méga-expositions et circuits d’art, entend examiner comment les pays du Sud global peuvent visibiliser leur diversité et négocier leur représentation sur les cartographies des circuits de l’art compte tenu des déséquilibres importants des ressources économiques et autres ? Pour la Biennale de Venise 2022, les organisateurs, les curators, les intervenants et les participants ont en effet déclaré leur intention de se concentrer sur de nouvelles approches, bon nombre d’entre elles visant à remédier aux inégalités de représentation qui caractérisent le monde de l’art et   d’examiner les structures et les préjugés existants.

Nous aimerions donc vous interroger sur votre expérience d’artiste et plus particulièrement sur l’aube de votre carrière artistique. Quels souvenirs gardez – vous du passage de votre première exposition au Cameroun, Artistes Africains et le Sida en 1994 à vos premières participations aux biennales internationales, Biennale de Dakar et Biennale de Kwangju en 1995, puis en 1997, Biennales de la Havane et de Johannesburg. 

Comme un enfant qui grandit, je ne me suis pas posé la question et peut-être que c’est une chance pour moi que les choses se soient passées ainsi. Je n’ai pas vécu l’attente qui pouvait créer des frustrations.  À cette époque, je vivais à Yaoundé au Cameroun et j’avais des gens autour de moi qui, peut-être, ont facilité certaines choses parce qu’il faut communiquer, il faut appeler, il faut envoyer des messages. On m’appelait chez le voisin, je courais chez le voisin pour répondre ou alors on prenait rendez-vous : vous m’appelez à telle heure, comme je le fais actuellement avec vous. Je ne suis pas entré dans cette histoire comme un artiste. Je suis rentré dans cette histoire comme quelqu’un qui avait des choses à dire, j’avais la chance d’avoir des oreilles pour écouter et des âmes pour m’accompagner. Ces gens-là étaient parfois des professionnels, ils avaient déjà vécu ces phénomènes, mais moi, je n’étais pas un professionnel, j’étais un élément curieux, qui peut-être correspondait à ce qu’ils attendaient. Et tout de suite ces gens-là m’ont donné des opportunités. Parfois, lorsque je regarde en arrière, je me dis que je suis un garçon très chanceux.

Vous avez beaucoup d’œuvres qui questionnent les relations Nord-Sud : je pense à La Vieille Neuve que j’ai vue à la Biennale de Lyon Partage d’exotismes en 2000, je pense à Cameroon Embassy, à L’Afro, à Wall Street.  Aujourd’hui, comment est-ce que vous appréhendez les relations Nord-Sud ?

Les relations Nord-Sud, certains ont appelé ça une approche postcoloniale quelquefois, une approche hybride. Au fond, nous sommes ce que nous sommes, c’est-à-dire que vous êtes ce que vous êtes, vous ne pouvez pas vous éloigner de vous-même et il me semble que j’étais une espèce de mélange et que je me rendais compte que le monde, tel qu’il est décrit parfois dans les livres d’histoire, avait besoin d’être réécrit. Et donc j’ai essayé de penser mes interventions par rapport au contexte, celui que je vis. Chaque fois que j’étais interpellé, je me disais : je suis nourri à la poussière tropicale, mais si je me retrouve dans la neige occidentale, c’est moi ! 

Il y avait donc cette approche naturelle des choses, qui faisait que j’ exprimais ce que j’avais en moi et je crois que c’est ça qui est un peu décrit sur la qualité de mon travail.

Pascale Marthine Tayou, La vieille neuve, 2000. Exposition : « Always all Ways », MAC Lyon & Biennale de Lyon, 2011. Courtesy: GALLERIA CONTINUA. Photo by: Adilon Blaise. Copyright Line: © ADAGP, Paris. Exhibition: Always All Ways. Year and place: 2011 / Lyon, France.

Oui, mais vous portez aussi un regard critique sur les relations Nord-Sud que vous transposez dans vos œuvres.

Oui, je m’interroge et je pose les problématiques. Ça part d’une réflexion naturelle d’un humain qui vit dans le monde et qui voit des choses autour de lui. Si j’avais été Américain, je pense que j’aurais pensé pareil et chaque fois que je suis interpellé, je dis ce que je pense. Je ne suis pas dans la logique de répondre à un cadre académique, ce n’est pas ça qui m’intéresse. Je dis voilà ce que je pense, voilà ce qui m’anime, voilà ce qui m’engage et j’ai fait ces propositions. J’ai aussi la chance peut-être d’avoir des mots pour pouvoir le dire, parce que finalement, ce ne sont que des objets, sauf qu’il y a les noms que portent ces objets-là.

Par exemple, je me retrouve dans le bureau de Jean-Hubert Martin, nous sommes à Düsseldorf, je crois. Jean-Hubert était commissaire de l’exposition   Partage d’exotismes, vous voyez déjà le titre ! Je crois qu’à cette époque, Jean-Hubert voulait faire le tour, il voulait trouver le reflet des Magiciens de la Terre parce que lorsqu’on dit Partage d’exotismes, c’est un peu les Magiciens de la Terre. Quand on voit le contenu justement des Magiciens de la Terre, c’est une palette d’exotismes dans le fond. À un moment donné, il dit : il paraît que le public n’a pas bien compris, je vais faire Partage d’exotismes. 

Lorsqu’il m’invite, je fais partie de ceux qui vont venir compléter sa liste, compléter son marché. Mais moi, je sais déjà quelle est la logique du commissaire. Et je me dis :  comment est – ce je peux répondre à ce discours critique de Jean-Hubert ? 

Lorsqu’on dit Partage d’exotismes, vous êtes exotique, je suis exotique et nous partageons nos exotismes. Voilà comment je comprends l’histoire. Lorsque je regarde comment les formes rentrent dans notre quotidien, dans notre maison et tout autour, j’ai l’impression qu’en fait, lorsqu’on regarde l’Afrique par rapport à l’Occident, il y a un certain partage d’exotismes. Par exemple, en Europe, lorsqu’on rentre dans des maisons, la plupart du temps on trouvera plus ou moins un masque africain quelque part dans la maison, qu’il soit authentique ou non. C’est-à-dire qu’en fait, l’Occident à ce moment-là, a pris quelque chose et en même temps, lorsque vous allez dans les cases africaines, vous allez rarement trouver des masques, mais vous trouverez, dans les demeures ou bien dans la tête des gens, des moteurs de véhicules.

Concrètement, il y a un partage d’exotismes, parce que le véhicule, on ne le voit pas comme un objet exotique. C’est un objet qui vient du Nord et il s’est installé dans la géographie du Sud comme le masque s’est installé – on va faire abstraction de l’histoire – dans le quotidien des gens sur les cheminées des gens du Nord. Je vais donc aller chercher un élément pour démontrer qu’il y a un partage d’exotismes et je pense à une voiture. Mais je vais aller chercher la plus vieille pour démontrer comment ce partage-là est si profond, intense, à tel point que même quand la voiture devient vieille, on la garde. Vous savez, lorsqu’un masque devient vieux, il devient un objet de collection.

Avec la   Vieille Neuve, ne critiquiez- vous pas le sens de la circulation commerciale entre l’Afrique et l’Europe ? 

Cette voiture est une Toyota, que j’ai enlevée d’une poubelle au Cameroun. Quand j’ai dit à mes camarades que j’allais acheter une voiture. Ils ont pensé que j’allais acheter une Mercedes luxueuse. Ils ne comprenaient   pas ce que je faisais parce qu’ils partagent la vision occidentale de l’exotisme, c’est-à-dire que les choses belles sont les choses qui coûtent cher. Je suis en train de leur dire que non, on va renverser la tendance, c’est plutôt l’autre chose qui est belle ! Lorsque je leur dis j’achète la voiture, je l’envoie en Europe, c’est un discours politique passif. C’est intéressant, mais ça ne change rien. 

Il me semble que vous avez toujours interrogé le fonctionnement du monde international de l’art, par exemple, à l’occasion de votre exposition personnelle 30 Dream Days With My Dad à l’Institute of Visual Arts de Milwaukee en 2001, vous avez impliqué votre père, qui, la même année, est également apparu à votre place dans un colloque au Musée d’art Moderne de la Ville de Paris. Ensuite, vous avez invité votre mère à participer à votre exposition Omnes viae Romam ducunt au MACRO — Musée d’art contemporain de Rome en 2004

Il y a un peu de ça, mais il n’y a pas que ça. L’histoire, c’est que je vis à Bruxelles et le directeur du centre d’art à Milwaukee vient me voir à Bruxelles pour me proposer de m’inviter pour une résidence à Milwaukee. Il ne me demande même pas si cela m’intéresse. Du coup, je lui ai dit Pourquoi est-ce que vous n’invitez pas mon père ?  J’ai transféré l’invitation à mon père parce que ça me permettait d’instaurer quelque chose d’autre.

Vous déplacez les propositions pour les emmener dans votre direction.

C’était une occasion de me balader avec mon père avec lequel je n’ai pas vécu. Ça, c’était mon projet personnel. Eux voient ça comme une performance artistique. Mon père vit dans une forêt tropicale, au fond de la forêt et voilà qu’il doit bouger. Il est un peu comme le messager de tous ses camarades du quartier. Il doit aller explorer le monde. Il va découvrir qu’il y a d’autres vieillards comme lui, il va voir qu’on mange autre chose, qu’on vit différemment.

C’est là que mes problèmes commencent parce qu’il faut que je lui fasse un passeport, un visa. Donc nous prenons l’avion, on arrive en Belgique parce que c’est toujours difficile pour lui, vu son âge, de faire un vol direct de l’Afrique à Milwaukee et le soir où nous arrivons en Belgique, il tombe malade. Il n’a pas passé la nuit chez moi, il l’a passée à l’hôpital. Je vais avec lui à l’hôpital. Au moment de l’amener dans sa chambre, je suis les infirmiers qui me demandent qui je suis. Je leur dis que je suis le fils du monsieur qui est malade et que je veux garder le malade. Ils me disent que ça ne se passe pas comme ça ici et que je dois rentrer chez moi. J’essaie de faire ce qu’on fait en Afrique quand quelqu’un est malade et voilà que je le laisse tout seul ! Je n’ai pas dormi de la nuit.

Le lendemain matin, je repars à l’hôpital pour voir mon père. J’entends une voix rauque raconter des histoires. Je me dis que c’est mon père qui parle là, et quand j’arrive, je le vois en train de communiquer avec un autre vieillard pas très loin de lui.  Il parlait dans sa langue à lui et le monsieur répondait dans sa langue à lui, c’est-à-dire qu’ils parlaient dans deux langues différentes et ils rigolaient, même ! Vous voyez comme c’est beau !

Quelques jours plus tard, nous étions chez moi, mon père était convalescent.  Mon téléphone sonne, c’est le Musée d’Art Moderne qui me rappelle que je suis invité à  une table ronde dans trois jours et je leur dis que je ne viendrai pas seul mais avec mon père. Je précise que mon père doit bénéficier de la même logistique que tout le monde. Voilà comment nous nous retrouverons à Paris. L’histoire qui devait se passer à Milwaukee s’est passée à Paris. Pendant la conférence, je remarque que chacun s’exprime dans sa langue avec des traducteurs pour le public français. Je me tourne vers mon papa et je lui dis :  Tu vois que tout le monde parle dans sa langue, je ne veux pas te voir parler un français blessé, je préfère que tu parles dans ta langue.  Il me demande de quoi on parle. Je lui réponds qu’ils racontent leur journée et qu’il n’a qu’à raconter sa journée ! Mon papa s’est levé – nous, on parle toujours assis, mais lui se lève et il parle dans sa langue. Je n’ai jamais vu autant de gens noter. Personne ne comprend ce qu’il dit mais ils prennent des notes. 

A la fin de la conférence et des applaudissements,  la directrice du musée me remercie pour la performance. Je lui dis qu’il n’y a jamais eu de performance. Elle me dit que mon papa et moi avons fait une performance. Je lui réponds :  Vous le voyez avec vos codes, ça n’engage que vous.  

Maintenant, je voudrais parler de la Biennale de Venise, à laquelle vous avez participé en 2009, sur le thème Construire des mondes, avec votre installation Human Being. Comment avez-vous vécu cette participation à la Biennale de Venise ?

Ma première participation à la Biennale de Venise, c’est en 2005 avec Plastic Bags, sur le canal. J’avais un problème sur le fait qu’on déterminait la Biennale comme étant soi-disant la grande porte d’entrée dans le monde de l’art et on me faisait croire que j’avais la chance de participer à la Biennale de Venise. Je pensais que si c’est ce qui devait définir mon paradis, je préférais rester en enfer. J’ai choisi pour présenter la pièce de rester à la périphérie, il y a eu quand même des gens qui ont compris mon intention et qui sont revenus vers moi. Je pense que ma participation de 2005 a eu un impact, il y a eu beaucoup de retours, un peu comme toujours, positifs ; j’ai fait la paix avec certaines personnes avec lesquelles je n’étais pas d’accord, parce qu’ils avaient l’art de toujours me tirer dessus et tout d’un coup, j’étais devenu le plus beau, je ne comprenais pas pourquoi.

Pascale Marthine Tayou, Plastic Bags, 2005 (Venice Biennale). Courtesy: GALLERIA CONTINUA. Photo by: Ela Bialkowska. Photo caption: 2006 / Venice-Istanbul, Selections of the 51th International Venice Biennale, Venice (Italy) – Istanbul (Turkey). Copyright Line: © ADAGP, Paris

Quelques années plus tard, en 2009, j’ai été invité par Daniel Birnbaum ; la pièce s’appelait Human Being at Work. J’étais un jour à San Gimignano pour le vernissage d’une pièce que j’avais réalisée dans un musée en Angleterre. Le commissaire de la Biennale de Venise, Daniel Birnbaum, était présent et m’invite à exposer à la Biennale autour de cette pièce. J’y ai donc présenté mes vidéos, avec les gens que j’ai rencontrés pendant mes voyages parce que j’ai toujours une caméra. Parfois, j’allais vers les gens, dans leurs ateliers, et je leur expliquais que mon travail correspondait aux histoires que je racontais dans les musées et que j’aimerais qu’ils soient une ligne de mon histoire, un jour, quelque part et que pour ça, ils doivent répondre à mes questions ou se laisser filmer, faire des vidéos de ces moments d’effort. Dans cette vidéo, il y a plein d’univers qui viennent de tous les continents.

À Venise, on a construit un environnement global. Beaucoup de gens ont parlé de village africain, mais ça n’a rien à voir, ça n’a vraiment rien à voir. C’est plutôt quelque chose de plus universel quand on rentre dans la vidéo. Les cases, on n’en trouve pas qu’en Afrique, on en trouve partout, mais je comprends que pour les gens, c’est plus facile : comme je viens d’Afrique, j’ai fait le portrait de l’Afrique, mais ça n’a rien à voir. J’ai passé un moment fabuleux avec mes assistants pendant le montage.

Pascale Marthine Tayou, Human being @ works, 2007-2009, 53rd Venice Biennale. Courtesy : GALLERIA CONTINUA. Photo by: Ela Bialkowska. Photo caption: 53. Biennale di Venezia. Copyright Line: © ADAGP, Paris

Est-ce que vous pensez que les biennales internationales sont déterminantes dans la carrière de plasticien ? Est-ce que vous pensez que c’est la grande porte de l’art international ?

Sans hésiter, je vous dirai oui, c’est une vitrine ! Le monde de l’art contemporain, c’est comme une grande entreprise qui fabrique des produits et après, ils ont besoin de vitrines pour exposer les produits, ensuite le public fait son marché.

C’est vrai que j’ai un peu une attitude de recul, mais avec mes étudiants, mes collègues, je trouve toujours le moyen de leur dire qu’ils ont le droit d’être opportunistes – il faut d’ailleurs l’être –, mais si vous voulez être opportunistes, il faut que vous ayez des choses à dire. Ne soyez pas simplement opportunistes parce que vous voulez être célébrés, parce qu’après, ça retombe ! Mais si vous trouvez l’opportunité et accrochez-vous pour exprimer haut et fort votre sincérité.

Je viens d’une autre histoire, mon histoire n’est pas celle des académies, ce n’est pas celle des écoles d’art, mon histoire, c’est une histoire de rue. 

Même aujourd’hui, je ne me considère pas comme un artiste, ce sont seulement des opportunités pour moi de pouvoir explorer et présenter à ceux qui me suivent et qui m’encouragent, me font confiance. Je les remercie de m’avoir fait confiance même si en chemin, j’ai aussi appris à être opportuniste.

Je pense que la nouvelle génération doit être un peu plus engagée en termes de sincérité. Je dis toujours à mes étudiants : Lorsque vous rentrez dans mon atelier, ce n’est pas pour être le plus beau, c’est pour dire des vérités, mais des vérités qui disent vos convictions. Si vous voyez une peinture et que vous vous attardez en disant que c’est beau, ce n’est pas moi. Allez voir les gens qui ont la qualité d’apprécier la beauté, cette beauté-là. Moi, je ne suis pas dans l’esthétique. Je trouve que c’est bien que les choses soient belles, mais je n’ai pas les aptitudes pour apprécier ce genre de beauté là. Ma beauté, elle est laide !

Une dernière question, si vous permettez : est-ce que vous avez ressenti, depuis le début de votre carrière jusqu’à aujourd’hui, une évolution des relations du Nord et du Sud dans l’art international ?

Oui, bien sûr ! Ça ne va peut-être pas au rythme qu’on aurait souhaité, mais c’est dommage. Je me suis retrouvé un jour à Kinshasa où j’avais été invité sur une chaîne de télé pour raconter pourquoi j’étais là-bas et, entre autres, j’étais là-bas parce qu’ils avaient organisé un colloque qui s’appelait. La problématique de la consommation des œuvres d’art par les Congolais. J’étais devant la caméra, en direct, et on me demandait : Estce que vous pensez que les Congolais consomment assez les œuvres d’art ? J’ai répondu – je n’allais pas me tirer une balle dans le pied ! – que tous les Congolais consommaient des œuvres d’art ! Ceux qui me regardaient devaient penser qu’ils étaient les seuls à ne pas consommer.

Ça veut dire quoi ? Lorsqu’on veut jauger l’intégration de la magie formelle des pays du Sud, on veut les comparer à ceux du Nord, on sera toujours en retard. Si on veut comparer une chose avec celui qui a inventé cette chose, il va dire que ce n’est pas bien parce que c’est lui qui l’a inventée. Mais si tu dis à celui du Nord je respecte ce que tu as fait ! Et que vous créez votre propre réseau entre vous, vous verrez que les gens du Nord sont en quête d’exotisme, d’or et de cendres.

Pascale Marthine Tayou, Game Station, Documenta XI, Kassel, 2002. Courtesy: GALLERIA CONTINUA. Photo by: Ela Bialkowska. Photo caption: particolare della video installazione / video installation details Documenta XI, Kassel. Copyright Line: © ADAGP, Paris

On va dire que j’ai une grande gueule, mais je dis ce qui est vrai ! Même le fait que j’ai du recul sur les choses, dans mon attitude, ce n’est pas de la désinvolture. Il faut dire : Attention ! Tout compte dans un tout et toi, au lieu de passer ton temps à te plaindre, il faut que tu aies l’attitude et la posture perméables, donc tu tends la main pour donner, tu tends la main pour prendre, tu ne tends pas que la main pour prendre !

Au fond, on devrait avoir des stratégies plus participatives. Nous avons un grand panier et il faut qu’on comprenne que nous avons le droit d’y poser notre part. Voilà comment nous nous comportons. Si je me comporte comme ça, je vais commencer à dire : je veux exposer à Beaubourg et quand je sors de Beaubourg, je fais comme si je suis le roi de la Terre ! Mais Beaubourg et tout ça, ce sont des choses que les gens ont construites pour pouvoir mettre en forme leur imaginaire.

Donc, concrètement, il y a beaucoup de jeunes, des artistes, après moi ou même avant moi, qui sont présents sur la scène, mais pour être honnête, ce n’est pas assez. Parfois, c’est de notre propre fait, parce que nous voulons toujours déterminer notre présence par rapport à l’environnement qu’on nous impose.

Nous devons avoir un langage universel. Ce n’est pas parce que toi tu viens d’Afrique que tu dois passer tout ton temps à dire : je suis authentique ! alors que tu n’as aucune authenticité. En plus, c’est une authenticité imposée.

La fulgurance de votre carrière est impressionnante….

Vous avez raison, moi aussi ça m’intrigue ! Il y a des gens qui pensent que je suis dans des réseaux mystérieux. Quand je pense à ça, j’ai seulement l’impression (je ne suis pas un opportuniste) que j’ai réussi à bien utiliser les propositions – je ne dis pas que les autres ne le font pas. Je crois qu’il y a une chose aussi qui est intéressante, c’est que j’ai toujours essayé d’être en retrait et j’ai toujours eu la chance de frapper là où il fallait frapper.

En fait, il y a une démarche. J’ai compris à un moment donné que je peux avoir de la renommée, que je peux être ceci ou cela, mais quel est l’essentiel, qu’est-ce qui m’a poussé à faire ça, je me demande toujours le premier jour : qu’est-ce qui a fait que je me retrouve dans la rue en train de faire ça ? J’ai été choqué de découvrir que le monde dans lequel j’étais né était un monde sale et c’est en parlant de ça que les gens m’ont tendu la main.

En évoluant maintenant, je me rends compte que je peux rentrer dans des rapports de salissement, ce qui m’a inquiété ou interrogé, parce que j’ai une petite éducation de juriste.

Je peux déranger aussi beaucoup de gens, en ce sens que ça donne l’impression que c’est trop facile quand je dis les choses. Je dis qu’il ne faut pas accepter la facilité.

Je me rends compte que nous sommes tous – moi compris – des zombis ambulants, des hypocrites en flagrance, je dis : fais un effort pour arriver à te regarder au moins une seconde dans le miroir ! C’est ce que je fais dans mon travail, tout simplement parce que c’est le chemin que j’ai choisi, parce que je suis un grand menteur et que j’essaie de dire tous les jours un petit peu de vérité.

Dominique Brebion, précédemment conseiller pour les arts plastiques de la Direction régionale des affaires culturelles de Martinique et présidente de la section Caraïbe du Sud de l’Association internationale des critiques d’art, est aujourd’hui critique d’art et curator indépendant, (Atlantide Caraïbe, Vous êtes ici et Visions archipéliques, Pictural entre autres), initiatrice et coordinatrice de la revue associative Arthème, du Blog de l’Aica Caraïbe du sud depuis 2013, de la série de vidéos sur des artistes de la Caraïbe, L’œil du lézard et de la revue numérique Faire Mondes. Elle collabore régulièrement à des ouvrages collectifs comme A Z of Caribbean art (Robert& Christopher publishers) et Une histoire mondiale des femmes photographes sous la direction de Luce Lebart et Marie Robert (Textuel).

Pascale Marthine Tayou (Nkongsamba, Cameroun, 1966) est connu internationalement depuis les années 1990 et plus encore depuis sa participation à la Dokumenta 11 (2002) et à la Biennale de Venise (2005 et 2009). La variabilité caractérise son travail. Il explore tous types de médiums – sculpture, installation, dessin, vidéo .

Son œuvre est délibérément mobile, insaisissable, hétérogène et loin des schémas préétablis. Elle est toujours étroitement liée à l’idée du voyage et du contact avec l’autre et elle est si spontanée qu’elle semble presque désinvolte.

Pascale Marthine Tayou a participé à un grand nombre d’expositions internationales et évènements artistiques comme la Triennale de Turin (2008), les Biennales de Kwangju (1997-1999), Santa Fe (1997), Sydney (1997), La Havane (1997 -2006), Liverpool (1999), Berlin (2001), Sao Paulo (2002), Münster (2003), Istanbul (2003) et Lyon (2000 -2005)

“You see it through your codes, that only has to do with you”

Conversation with Pascale Marthine Tayou

Interview by Dominique Brebion

Hello Pascale Marthine Tayou. The third issue of the online magazine Faire Monde(s), entitled Cartographies globales: expositions, méga-expositions et circuits d’art [Global Cartographies: Exhibitions, Mega-Exhibitions, and Art Circuits] seeks to examine how nations of the Global South can visibilize their diversity and negotiate their representation in cartographies of the art circuit in light of the significant imbalances in economic resources and other areas. For the 2022 Venice Biennale, the organizers, curators, speakers, and participants effectively declared their intent to concentrate on new approaches, and many sought to remedy the imbalances in representation that characterize the art world and to examine existing structures and prejudices. 

We would like to ask you about your experience as an artist, and more specifically about the beginning of your art career. What are your memories of your journey from your first exhibition in Cameroon in 1994, Artistes Africains et le Sida [African Artists and AIDS], to your first experiences participating in international biennials: the Dakar Biennale and Gwangju Biennale in 1995, and then the biennials in Havana and Johannesburg in 1997?.

Like a child growing up, I never asked myself that question—and maybe it was luck that things happened as they did. I didn’t experience that sense of waiting that can create frustration. At the time, I was living in Yaoundé in Cameroon and I had people around me who perhaps facilitated certain things, because you have to communicate, you have to call, you have to send messages. People called me at my neighbor’s house. I would run over there to take the phone call, or else we made appointments—Call me at this time—just as I recently did with you. I didn’t enter this story as an artist. I entered as someone who has something to say. I was lucky enough to have ears for listening and other souls accompanying me. Some of those people were professionals, they had already experienced those phenomena. But me, I wasn’t a professional, I was a curiosity, which perhaps corresponded to what they expected. And right away those people gave me opportunities. Sometimes when I look back, I say to myself that I’m a very lucky boy.

You have a lot of works that question the relationship between the North and the South: I’m thinking of La Vieille Neuve [The Old New] that I saw at the Lyon Biennale, Partage d’exotismes [Sharing Exoticisms], in 2000. I’m thinking about Cameroon Embassy, Afro, and Wall Street. How do you understand North-South relations today?

North-South relations—some have called that a postcolonial approach, a hybrid approach. Basically, we are what we are—that is, you are what you are, you can’t distance yourself from yourself. It seemed to me that I was a kind of mix and I realized that the world as it is sometimes depicted in history books needed to be rewritten. And so I tried to think about my interventions in relation to context—the context I live in. Each time I was challenged, I would say to myself: I was nourished by tropical dust, but even if I find myself in Western snow, I’m still me! 

There was this natural approach to things that allowed me to express what I had in me, and I think that’s a bit of what is described when people talk about the quality of my work.

Pascale Marthine Tayou, La vieille neuve, 2000. Exposition : « Always all Ways », MAC Lyon & Biennale de Lyon, 2011. Courtesy: GALLERIA CONTINUA. Photo by: Adilon Blaise. Copyright Line: © ADAGP, Paris. Exhibition: Always All Ways. Year and place: 2011 / Lyon, France.

Yes, but you also have a critical view of North-South relations that you express in your work. 

Yes, I ask myself questions and I pose problems for myself. It all derives from the natural reflections of a human who lives in the world and who sees things around himself. If I had been from the United States, I think I would have thought in the same way, and each time I am challenged, I say what I think. I’m not interested in responding to an academic framework—that’s not what interests me. I say, Voilà, This is what I think. Voilà, this is what drives me. Voilà, this is what engages me, and I make these proposals. I’ve also been lucky because I have the words to be able to say what I think, because, at the end of the day, these would just be objects if they didn’t have names.     

For example, I remember being in Jean-Hubert Martin’s office. We were in Dusseldorf, I think. Jean-Hubert was the curator of the exhibition Partage d’exotismes—you see, titles already! I think that at this time, Jean-Hubert wanted to look around, he wanted to find the reflection of Magiciens de la Terre [Magicians of the Earth] because when we say “sharing exoticisms,” it’s a bit like Magiciens de la Terre. When we look at the content of Magiciens de la Terre, it is essentially a palette of exoticisms. At one point he said: It seems like the public didn’t understand very well, so I will do Partage d’exotismes.

When he invited me, I was someone meant to complete his list, his shopping list. But I already knew about the logic of the curator. And I said to myself: How can I respond to this critical discourse of Jean-Hubert’s?

When we say “sharing exoticisms,” it means you are exotic, I am exotic, and we share our exoticisms. That’s how I understand the story. When I look at how forms enter our quotidian life—into our homes and everywhere—I have the impression that, in fact, when we look at Africa in relation to the West, there is a certain sharing of exoticism. For example, in Europe, when we go into houses, more often than not we’ll find something more or less like an African mask that may or may not be authentic somewhere in the house. That is to say, the West in that moment has taken something. And at the same time, when you go into African huts, you will rarely see masks, but you will find car engines in the houses or on people’s heads.

Concretely, there is a sharing of exoticism because we don’t see the vehicle as an exotic object. It’s an object that comes from the North that has settled in the geography of the South, just as the mask has settled—we will ignore history for the moment—in daily life on the fireplaces of people in the North. So, I’ll go look for an element to demonstrate that there is a sharing of exoticism, and I think of a car. But I’ll look for the oldest car to demonstrate how deep and intense that sharing is, to the point that when the car becomes old, we keep it. You know, when a mask gets old, it becomes a collector’s item.  

Don’t you critique the direction of commercial circulation between Africa and Europe in La Vieille Neuve?

That car is a Toyota, one that I took from the trash in Cameroon. When I told my friends that I was going to buy a car, they thought I was going to buy a luxurious Mercedes. They didn’t understand what I was doing because they participated in the Western vision of exoticism—that is, that beautiful things are expensive things. I’m trying to tell them, No! We are going to reverse that tendency. It’s actually the other thing that is more beautiful! When I said to them, I’m buying a car, I’m going to send it to Europe, it was an example of passive political discourse. It’s interesting, but it doesn’t change anything. 

It seems to me that you have always questioned the way the international art world functions. For instance, in your solo exhibition 30 Dream Days with My Dad at the Institute of Visual Arts in Milwaukee in 2001, you involved your father, who also appeared that same year in your stead at a talk at the Musée d’arte moderne de Paris. Then you invited your mother to participate in your exhibition Omnes viae Romam ducunt [All Roads Lead to Rome] at MACRO, the Museum of Contemporary Art of Rome, in 2004.

There’s a little of that, but that’s not all of it. The story is that I lived in Brussels and the director of the art center in Milwaukee came to see me in Brussels with the proposition that I do a residency in Milwaukee. He didn’t even ask if I was interested. Suddenly, I said to him, Why don’t you invite my father? I transferred my invitation to my dad because that allowed me to establish something different.

You shift proposals in order to take them in your own direction. 

It was an opportunity to spend time with my father, who I didn’t live with. That was my personal project. But they saw it as an artistic performance. My father lives in a tropical forest, deep in the forest, and now he had to move. He is kind of like a messenger for all of his friends in his neighborhood. He has to go explore the world. He’s going to find out that there are other old men like him; he’s going to see that people eat different things, that people live in different ways. 

That’s when my problems began because I had to get him a passport, a visa. Then we took a plane and had to stop in Belgium because at his age, it’s difficult for him to take a direct flight from Africa to Milwaukee. And the night we arrive in Belgium, he falls ill. He doesn’t spend the night at my place, but at the hospital. I go with him to the hospital. I follow the nurses as they are taking him to his room and they ask who I am. I tell them that I’m the son of the gentleman who is sick and that I want to watch over him. They say it doesn’t work that way here and that I have to go home. I try to do what we do in Africa when someone is sick and then I end up leaving him alone! I didn’t sleep the whole night.  

The next day, I return to the hospital to see my father. I hear a hoarse voice telling stories. I say to myself, That’s my father speaking, and when I arrive, I see him trying to communicate with another old man not too far from him. He was speaking in his own language to the man and the gentleman was responding in his language, so they were speaking to each other in two different languages and they were even laughing! See how beautiful that is!  

A few days later, we were at my place and my father was convalescing. My phone rang and it was the Museum of Modern Art reminding me that I was invited to a roundtable conversation in three days, and I told them that I wouldn’t be coming alone but with my father. I make it clear that my father should benefit from the same logistical consideration as everyone else. And that’s how we ended up in Paris. The story that was supposed to happen in Milwaukee happened in Paris. During the conference, I noticed that everyone was expressing themselves in their own language with translators for the French public. I turned to my father and said to him: See how everyone is talking in their own language? I don’t want you to speak incorrect French, I prefer that you speak in your own language. He asked me what we were talking about. I told him that everyone was talking about their day and that all he had to do was tell us about his! My dad stood up—everyone else had spoken sitting down, but he stood up and spoke in his language. I’ve never seen so many people take notes. Nobody understood him but everyone was taking notes.   

At the end of the conference and the applause, the director of the museum thanked me for the performance. I tell her that there hadn’t been a performance. She says that my father and I have done a performance. To which I respond: You see it through your codes, that only has to do with you. 

Now I’d like to talk about the 2009 Venice Biennale whose theme was Making Worlds. You participated with your installation Human Being. What was your experience of your participation? 

My first time participating in the Venice Biennale was in 2005 with Plastic Bags, which I installed over the canal. I had a problem with the fact that the Biennale was considered the great gateway to the art world and that they made me believe I was lucky to participate in it. I thought that if this was what was supposed to define my heaven, I’d rather stay in hell. I elected to present a piece that would keep me on the periphery, but there were nonetheless people who understood my intention and came back to me. I think that my participation in 2005 had an impact, there was a lot of positive feedback—a bit like always; I made peace with the certain people who I hadn’t agreed with because they were always putting me down, and suddenly I became the best. I didn’t understand why.

Pascale Marthine Tayou, Plastic Bags, 2005 (Venice Biennale). Courtesy: GALLERIA CONTINUA. Photo by: Ela Bialkowska. Photo caption: 2006 / Venice-Istanbul, Selections of the 51th International Venice Biennale, Venice (Italy) – Istanbul (Turkey). Copyright Line: © ADAGP, Paris

A few years later in 2009, Daniel Birnbaum invited me. The piece was called Human Being at Work. One day I was at San Gimignano for the opening of a piece that I’d made for a museum in England. The curator of the Venice Biennale, Daniel Birnbaum, was also there and he invited me to exhibit the same piece at the Biennale. So, I presented my videos featuring people who I had met on my travels. I always have a camera on me, and from time to time, I approach people in their workshops and I explain to them that my work involves telling stories in museums and that I would like them to be a thread in my story someday somewhere, and that therefore they should answer my questions or let themselves be filmed to make videos of these moments of effort. In this video, there are many different universes that come from every continent. 

We constructed a global environment in Venice. Many people talked about African villages, but that had nothing to do with it, really nothing. It’s something more universal when we enter the video. The examples aren’t just from Africa, they’re from everywhere, but I understand that it’s easier for people; because I come from Africa, I made a portrait of Africa. But actually, that has nothing to do with it. I had a fabulous time with my assistants during the editing.

Pascale Marthine Tayou, Human being @ works, 2007-2009, 53rd Venice Biennale. Courtesy : GALLERIA CONTINUA. Photo by: Ela Bialkowska. Photo caption: 53. Biennale di Venezia. Copyright Line: © ADAGP, Paris

Do you think that international biennials determine the careers of artists? Do you think they are the great gateways of the international art world? 

Without hesitation, I’ll tell you yes—they’re a display case! The world of contemporary art is like a big business that fabricates products, and afterwards it needs display cases to showcase the products so that the public can buy them.  

It’s true that I have a bit of a distant attitude towards this, but with my students and my colleagues, I always find a way to tell them that they have the right to be opportunistic—they have to be—but that if they want to be opportunistic, they must have something to say. Don’t be opportunists just because you want to be famous, because it always falls off. Rather, if you find an opportunity, hang onto it in order to express your sincere ideas loudly and forcefully.  

My story is different. It isn’t one of academies, of art schools; my story is a story of the street. 

Even today, I don’t consider myself an artist. These are just opportunities for me to be able to explore and present myself to those who follow me, encourage me, and have confidence in me. I thank them for trusting me, even if along the way I learned to be an opportunist.

I think that the new generation needs to be a bit more engaged in terms of sincerity. I always tell my students: When you come to my workshop, it’s not about being the most beautiful, it’s to tell truthsbut truths that communicate your convictions. If you see a painting and you linger on it, saying that it is beautiful, that’s not me. Go see people who have the ability to appreciate beauty, that beauty. Me, I’m not in the aesthetic. It’s fine for things to be beautiful, but I don’t have the aptitude to appreciate that kind of beauty. My beauty is ugly! 

One last question, if you don’t mind: have you seen an evolution in the North-South relationship in international art over the course of your career?

Yes, of course! It perhaps hasn’t gone at the rhythm that we would have hoped for, but too bad. I once found myself in Kinshasa where I’d been invited onto a television network to explain why I was there, and I was there, among other reasons, because they had organized a conference called La problématique de la consommation des œuvres d’art par les Congolais [The Problem of the Consumption of Artworks by the Congolese]. I was right in front of the cameras and they asked me, Do you think Congolese people consume enough art? I responded—I wasn’t going to shoot myself in the foot!—that all Congolese consumed works of art! Those watching me must have thought that they were the only ones not consuming art.

What did I mean? If, when we want to gauge the integration of the formal magic of countries in the South, we compare them to those of the North, we will always be behind. If we want to compare something to those who invented that thing, they’ll say that it’s not good enough because they invented that thing. But if you say to that guy from the North, I respect what you did! and then you create your own network among yourselves, you will see that people of the North are on a quest for exoticism, gold, and ashes.

Pascale Marthine Tayou, Game Station, Documenta XI, Kassel, 2002. Courtesy: GALLERIA CONTINUA. Photo by: Ela Bialkowska. Photo caption: particolare della video installazione / video installation details Documenta XI, Kassel. Copyright Line: © ADAGP, Paris

You’ll say that I have a big mouth, but I’m telling the truth! Even the fact that I have some perspective on things in my attitude, it’s not indifference! You have to say: Watch out! Every part counts in a whole, and instead of spending your time complaining, you must have a flexible attitude and posture. You reach out to give and you reach out to take, you don’t just reach out to take!

Basically, we should have more participatory strategies. We have a big basket and we need to understand that we have the right to put our share into it. This is how we behave. If I behave like this, I will begin to say, I want to exhibit at Beaubourg, and when I finish Beaubourg, I can act like I’m king of the earth! But Beaubourg and all that are just things people constructed in order to be able to implement their imagination.

So, concretely, there are a lot of young people, artists, after me or even before me, who are in the scene, but to be honest, it’s not enough. Sometimes it’s our own doing, because we always want to determine our presence in relation to the environment that has been imposed upon us.

We should have a universal language. Just because you’re from Africa doesn’t mean you should spend your time proclaiming, I am authentic! when you don’t have any authenticity. When it’s an imposed authenticity.

The brilliance of your career is impressive . . .

You’re right, it intrigues me too! There are people who think I’m involved in mysterious networks. When I think about that, I feel (I’m not an opportunist) that I figured out how to make use of proposals—not that others haven’t too. Something else that I think is interesting is that I’ve always tried to stay in the background and I’ve always had the chance to hit where it’s really necessary.  

In fact, there’s a process. I understood at a certain point that I could have fame, that I could be this or that, but the essential thing—that which motivated me to do this—is the same thing I asked the first day: What was it that led me to find myself in the street trying to do this? I was shocked to discover that the world in which I lived was a dirty world and it was talking about that that led people to extend a hand to me. 

As I evolve now, I realize I can enter into relationships that are dirty—which had made me anxious and challenged me—because I have a little lawyer’s education.

I can also bother a lot of people because they think it seems too easy when I say things. I think we should not accept ease.

I’m realizing that we are all—myself included—walking zombies, flagrant hypocrites. I say: Make an effort to look at yourself in the mirror for at least one second! That’s what I do in my work, simply because it’s the path I’ve chosen, because I am a big liar and every day, I try to say a little bit of truth.

Dominique Brebion, former arts advisor at the Martinique Regional Department for Cultural Affairs and President of the South Caribbean section of the International Art Critics Association, is today an independent curator and art critic (Atlantide Caraïbe, Vous êtes ici and Visions Archipéliques, Pictural among others), founder and coordinator of the community magazine Arthème, of the Aica Caraïbe du Sud blog since 2013, of a series of videos about Caribbean artists, L’œil du lézard and the digital magazine Faire Mondes. She regularly works on collaborative publications such as the A Z of Caribbean Art (Robert & Christopher publishers) and A World History of Women Photographers edited by Luce Lebart and Marie Robert (Textuel).

Pascale Marthine Tayou (Nkongsamba, Cameroon, 1966) has been well known all over the world since the 1990s and even more since taking part in Dokumenta 11 (2002) and the Venice Biennale (2005 and 2009). His work is characterised by variability. He explores all kinds of media – sculpture, installation, drawing, video.

His art is deliberately mobile, elusive, heterogenous and far removed from predefined schemas. It is always closely linked to the idea of travel and to contact with others. It is so spontaneous that it seems almost casual.

Pascale Marthine Tayou has taken part in a wide range of international exhibitions and artistic events, such as the Turin Triennale (2008), the Biennials in Gwangju (1997-1999), Santa Fe (1997), Sydney (1997), Havana (1997 -2006), Liverpool (1999), Berlin (2001), Sao Paulo (2002), Münster (2003), Istanbul (2003) and Lyon (2000-2005).