Des temps critiques portés par un vent de liberté

La critique d’art dans les Caraïbes hispaniques

Par Orlando Isaac

Commissaire d’exposition indépendant

Iván Tovar, Le journal de Justine, 1999. © Fondation Iván Tovar

Iván Tovar, Le journal de Justine, 1999. © Fondation Iván Tovar

Reconnaître les instances de la Caraïbe dans les contextes coloniaux et impériaux, avec ses blessures et ses désaffections, est primordial pour percevoir les progrès dans les directions que l’histoire nous a tracées. Car, par essence, la Caraïbe est diasporique, et avec elle ses acteurs qui racontent les événements qui passent par ses pores, n’hésitant pas à creuser, à gratter la surface d’un territoire qui n’est pas si fragile, mais qui se comporte comme une faïence froide face à tant de revendications ; des langues imposées, héritées et, avec elles, leurs langages formels dans l’art ; dans sa condition insulaire due à un éternel strabisme identitaire qui nous a caractérisés dans la sphère socioculturelle.

Sur le chemin qui longe la courbe formée par ces archipels de la mer des Caraïbes se trouvent les territoires de Porto Rico, de la République dominicaine et de Cuba. Lesquels constituent la Caraïbe hispanique dans son insularité, et dans son bassin une poignée de pays qui vont « de la tortilla au pain de manioc » [1].

Ces Antilles, toujours frappées par les vents cycloniques, ont traversé des processus révolutionnaires, des guerres civiles et la mise en œuvre du socialisme comme modèles sociopolitiques. S’ajoute à cela une réflexion profonde sur notre réalité caribéenne depuis notre propre isolement, et avec elle la conquête de la pensée à travers le territoire dans lequel le débat esthétique n’entre pas sans l’apparition de la presse, dont les articles développent un sens moral de par ses descriptions de la réalité de l’art pour un public en constante formation, car « il n’y a de critique d’art que lorsqu’il y a un public pour l’art » [2]. Les auteurs exercent ainsi leur profession de critique à partir de journaux, de revues, de catalogues, de symposiums, de rencontres régionales, en même temps que la télévision et la radio deviennent d’autres moyens de diffusion, où beaucoup d’entre eux avaient leurs chroniques donnant une touche de « culture savoureuse ». Et c’est dans cette Caraïbe insulaire, que je me retrouve dans le bruit habituel de l’oralité populaire qui s’accompagne de salsa, bachata, merengue, son, dembow et reguetón, rythmes antillais de cette Caraïbe hispanique.

Les années 1960 : trauma – trame – drame

Dans notre contexte régional des Caraïbes hispaniques, les années 1960 se sont caractérisées comme « une Caraïbe critique avec un air de liberté », où les libertés littéraires ont servi d’échappatoire aux traumatismes causés par les complots politiques qui nous ont placés dans un flou démocratique, auquel la vie culturelle n’a pas été indifférente. C’est dans les années 1960 que les Grandes Antilles (Porto Rico, la République dominicaine et Cuba), en proie à des années de répression, ont tracé la cartographie de la pensée contemporaine dans les arts visuels. Un résultat de tant d’années de répression, qui s’est traduit par une réécriture des arts de manière analytique et académique, le tout rendu possible grâce aux exilés espagnols arrivés dans cette région, la littérature bénéficiant d’un large soutien dans leur pays d’origine. Nombre d’entre eux ont formé des cercles littéraires composés de grands intellectuels qui ont commencé à écrire sur les arts visuels et à faire une critique du jugement individuel puis du jugement collectif. Ils ont ainsi abordé différents sujets tels que la littérature, l’architecture, le théâtre, la musique et les arts visuels, en se concentrant sur l’artiste et son œuvre ainsi que sur les institutions culturelles.

Pour continuer, il est utile d’aborder brièvement l’historiographie de la critique avant les années 1960 ainsi que l’importance du rôle fondamental qu’ont joué les femmes dans les sphères intellectuelles, poétiques et académiques. Elles ont ouvert la voie à d’autres, déblayant les sous-bois et les pierres qu’elles rencontraient. À Cuba, Uldarica Mañas et l’intellectuelle dominicaine Camila Henríquez Ureña [3] (établie sur l’île), ont fondé en février 1936 la revue culturelle Lyceum, distribuée et financée en partie par la publicité destinée à la consommation féminine. En plus de faire la critique des différentes expositions qui avaient lieu, qu’il s’agisse d’artistes reconnus ou d’étudiants du Lyceum ; la revue documentait les activités artistiques les plus représentatives. [4]

Texte tiré du catalogue La première exposition indépendante d’art portoricain de l’autrice Concha Melendéz

À Porto Rico, au même moment, Concha Meléndez (considérée comme la mère de la littérature portoricaine), avait écrit sa première critique de l’exposition La Primera Exposición Independiente de Arte Puertorriqueño [La première exposition indépendante d’art portoricain] , dans laquelle elle commentait « […] il s’agit de la dixième exposition organisée par le professeur et artiste américain Walt Dehner à l’université de Porto Rico. L’exposition donne un aperçu de la trajectoire de l’art portoricain jusqu’à nos jours. Celle-ci met en valeur les thèmes du jibarismo (un thème faisant référence à la paysannerie portoricaine de la région montagneuse), de l’allégorie historique et du costumbrismo qui prédominent dans la peinture de l’île. Sont présents également des commentaires critiques sur les artistes Rafael Arroyo Gely, Julio T. Martínez, Miguel Pou, Horacio Castaign et les peintres nord-américains résidant à Porto Rico, et avec lesquels Meléndez évoque le besoin urgent de créer un musée des Beaux-Arts à Porto Rico ». [5]

Parallèlement, en 1940, l’intellectuelle espagnole María Ugarte, originaire de Segovia « la partie la plus castillane de l’Espagne » [6], s’est installée en République dominicaine et est devenue la première femme à travailler comme journaliste sur l’île. Pionnière de la critique d’art moderne sur ce territoire, elle mène des recherches approfondies et laisse derrière elle un grand volume de textes sur la littérature, l’architecture, les arts visuels ainsi qu’un grand dossier critique dédié à la quasi-totalité des catalogues du musée Bellapart.

On peut donc dire que l’ADN de la critique d’art contemporaine provient de la critique littéraire.

Quisqueya Henríquez (La Havane, 1966-2024), puisant de l’eau dans la mer des Caraïbes, pour sa pièce Sorbet de la mer Caraïbes (2002).

L’insularité n’est pas un prétexte, c’est un contexte.

Le poète cubain Virgilio Piñera nommait « la maudite circonstance de l’eau partout » comme caractérisant la vie quotidienne insulaire. Cette insularité a poussé de nombreux critiques à reconsidérer la réalité sociale à travers une rhétorique plus optimiste, ouvrant la voie à de nouvelles perspectives sur les pratiques sociales dans l’art. Ces réflexions, qu’elles soient affirmatives ou opposées, soulignent que la critique, pour rester pertinente, se doit d’être véritablement critique. On ne peut élaborer une théorie fondée sur des arguments superficiels, encore moins en se basant sur une  position isolée.

Ces héros de l’encre ont dû exercer sous de strictes restrictions et dans un climat de crainte, leur liberté étant conditionnée par l’emprise des institutions, menant parfois à la censure ou à l’annulation immédiate de leurs œuvres. Défiant l’autorité, de nombreux artistes se sont imposés comme des révolutionnaires durant des périodes de régimes répressifs et dictatoriaux ; beaucoup ont ainsi été emprisonnés ou contraints à l’exil. Dans ce contexte, le critique d’art, représentant du « quatrième pouvoir », devient alors à la fois dénonciateur et porte-parole des injustices subies. Car vivre sur une île n’est pas aussi agréable qu’on pourrait le croire lorsqu’on vient des vastes terres de la liberté.

Affiches : 1ʳᵉ Biennale de gravure latino-américaine, San Juan, Porto Rico. 1970 ; 1ʳᵉ Biennale de La Havane, Cuba, 1984 ; 1ʳᵉ Biennale de peinture des Caraïbes et d’Amérique centrale, 1992, République dominicaine.

Nous sommes constitués de faits.

Trois événements fondamentaux ont marqué chacune des îles à partir des années 1960, les redéfinissant d’une manière particulière comme un héritage pour la région. Porto Rico a accueilli la Biennale de gravure latino-américaine et caribéenne à San Juan, gérée par l’Institut de la culture portoricaine entre 1970 et 2001, puis remplacée par le concept de Trienal Poli/Gráfica de San Juan. À Cuba, la Biennale de La Havane en 1984 a réuni 806 artistes de 22 nations latino-américaines dans différents espaces, notamment au Musée national des Beaux-Arts. La troisième et plus récente de ces manifestations, la Biennale de peinture caribéenne, en République dominicaine, s’est tenue au Musée d’art moderne de Saint Domingue en 1992. Cette dernière a changé de nom afin de lui donner un caractère plus large et multidisciplinaire, elle s’intitule la Biennale de la Caraïbe depuis 2003.

Ces événements ont favorisé l’expansion des pratiques artistiques locales sous forme d’expositions, mais également en permettant les échanges des intellectuels et universitaires reconnus autour de pensées idéologiques et formelles. Ces débats prenaient place sur les esplanades, les perrons ou autres lieux publics qui devenaient des espaces interstitiels, et permettaient de nouer des liens et d’effacer un peu les fissures de cette Caraïbe fragmentée. L’anarchie se faisait ainsi remarquer positivement par sa présence au sein du dialogue entre collègues et amis du monde de l’art comme José Manuel Noceda, Dominique Brebion, Haydée Venegas, Delia Blanco, Amable López Meléndez, Llilian Llanes Godoy, Virginia Pérez-Ratton, Danilo de Santos, Sara Hermann, Mirna Guerrero, Gerardo Mosquera, Alanna Lockward et Marianne de Tolentino qui furent les invités et visiteurs réguliers de ces trois importants événements.

Au fil des décennies, la critique respectée et redoutée du critique d’art a commencé à s’estomper, tandis que la figure du commissaire d’exposition émergeait et que les médias, en particulier la presse écrite, commençaient à disparaître. À cette époque, l’ère technologique et numérique permet la démocratisation de la profession, mais devient paradoxalement un ennemi silencieux de la critique, qui, essentiellement écrite pour une certaine élite, atteignait auparavant un public de masse par l’intermédiaire des médias radiophoniques et télévisuels.   

Mer envahie, 2009, Tony Capellán, République dominicaine (1955-2017). Photographie : avec l’aimable autorisation de Mariano Hernández.

Navigation entre archéologie numérique et webinaires.

Avec l’arrivée d’Internet, est apparue une prolifération de projets numériques sur les plateformes de streaming, de podcasts, de blogs, de webinaires, ainsi que sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter —devenu X, TikTok, Instagram). Le commissaire d’exposition a utilisé ce nouveau phénomène pour étendre et diffuser ses opinions. C’est une ressource qui lui permet de se positionner plus fortement devant un nouveau public de masse, laissant la critique traditionnelle des médias écrits presque inexistante, mais qui reste cependant nécessaire pour l’histoire et la construction de l’art.

Si la pandémie et cet éloignement physique ont été utiles, c’est qu’ils nous ont fait entrer dans une profonde réflexion et nous ont fait prendre conscience de la précarité dans laquelle vivaient nos artistes, de la fragilité et de l’éphémère de toute chose, et de la manière dont l’art continuait malgré tout à servir d’axe transformateur face à un monde accablé et paralysé. Ce sont les voix de nombreux critiques, commissaires d’exposition et gestionnaires culturels qui ont stimulé les artistes à s’exprimer depuis leur confinement. Des réseaux communautaires par le biais du logiciel en ligne Zoom se sont tissés pour faire face à l’agitation et à l’adversité d’un monde incertain où nous réalisons plus que jamais que nous vivons une double insularité, depuis la périphérie et à l’intérieur de celle-ci.

Ces dernières années, l’expansion des ressources numériques a suscité des réflexions philosophiques, d’autant plus que le progrès humain voit sa réalité augmentée et transformée. Ainsi, des débats ont actuellement lieu, entre autres, concernant l’éthique de l’intelligence artificielle, l’usage qui peut en être fait versus les modes de la pensée humaine.

Ce monde digital et connecté nous a permis de naviguer dans l’archéologie numérique pour trouver des joyaux et en apprendre plus sur qui étaient les critiques dans cette région, grâce à la numérisation des archives journalistiques. Cependant, certaines informations s’y font encore rares parce qu’elles ne sont pas numérisées et archivées. Dans le contexte des nouvelles inventions face aux nouveaux médias, nous trouvons Marimar Benítez, qui détient une longue et vaste trajectoire dans la critique d’art et la conservation à Porto Rico. Elle documente et écrit depuis plus de 40 ans sur les événements artistiques les plus transcendants, de la diaspora locale à la diaspora

« nuyoricaine ». Sa page web est riche en essais, critiques et entretiens. Selon elle, « Aujourd’hui, il n’y a pas de critique, sauf sur Internet, mais dans ce pays, il n’y a pas de critique parce que les journaux n’ont plus de critiques d’art. Avant, Samuel Cherson, Pérez Ruiz, Myrna Rodríguez, Teresa Tió, Enrique García Gutiérrez et moi-même écrivions, et chaque semaine, nous avions un article. D’abord, beaucoup de journaux ont fermé et d’autres ont simplement supprimé les rubriques de critique pour réduire les coûts ». [7]

Garvin Sierra Vega, Le monde post-ouragan n’existe pas, l’art portoricain après l’ouragan Maria, Whitney Museum, NYC. Photographie : Orlando Isaac

Comment pensent ceux qui nous considèrent ?

En tant que commissaire d’exposition, je fais de la critique d’art à partir de ma pratique curatoriale, parfois de manière métaphorique. Mais que serait la pensée sans métaphore ? J’aime aussi imaginer l’expansion comme des sortes de ponts permettant aux histoires de se croiser, de Yolanda Wood —historienne et critique d’art cubaine expérimentée— qui dénomme les Caraïbes hispaniques « le bassin utérin de l’Amérique », au critique portoricain émergent, Carlos Ortiz Burgos, historien d’art, qui pense et écrit sur « la pollinisation croisée qui a existé entre les Antilles ». La mise en récit des deux est porteuse d’espoir lorsqu’il s’agit d’écrire sur la Genèse et la continuité de ces graines éparses qui germeront puis porteront des fruits pour continuer à raconter des faits sur des faits. Nous devons revenir à une « rhétorique optimiste, et avec elle de nouvelles considérations sur la pratique sociale dans l’art » ; dans ma mémoire, comme un écho reste une partie de ma conversation avec Sara Hermann, qui se trouve à la fin de cet article sous forme d’interview, et qui, pour elle, a encore du temps à récupérer et se demande : « Comment pensent ceux qui pensent à nous ? ».

Ce qui précède soulève de nombreuses questions et réflexions :

  • Quelle est l’image de la critique aujourd’hui comparée à celle d’hier ?
  • Peut-on encore la définir comme un domaine de l’écrit ?
  • Comment la vivons-nous dans les Caraïbes ?
  • Comment l’écrivons-nous ?
  • Le commissaire d’exposition a-t-il tué la critique, ou le critique lui-même a-t-il décidé de donner vie au commissaire d’exposition ?

Hommage, 1974-2011, Leopoldo Maler.

Cinq critiques fondamentaux dans la construction du récit des arts dans les Caraïbes hispaniques sont invités à partager leurs réflexions : Marianne de Tolentino, Gerardo Mosquera, Sara Hermann, Yolanda Wood et Nelson Rivera.

ENTRETIENS

Marianne de Tolentino / République dominicaine

Photographie: El Nuevo Diario

Quels ont été vos débuts ?

Au début des années 1970, j’étais professeure d’université à l’École de langues de l’Université Autonome de Saint-Domingue (UASD), et ma principale activité professionnelle était alors l’enseignement universitaire du français. Un jour, j’ai donné une longue conférence sur Honoré de Balzac et Gabriel García Márquez, dans ce qui est aujourd’hui l’Institut Espaillat Cabral, qui appartenait à l’époque à Rosa González, l’épouse de Rafael Herrera, alors directeur du Listín Diario. Après la conférence, Rafael Herrera m’a invitée à me rendre dans son bureau au Listín Diario, et lorsque j’y suis allée, il m’a dit : « Je voudrais que tu écrives pour le journal”. Je lui ai fait part que je ne pourrais pas car j’étais à plein temps à l’UASD, et il m’a alors demandé « Combien d’étudiants avez-vous ? ». Je lui ai répondu qu’entre 10 et 15, car il s’agissait d’étudiants à terme ; et il a rétorqué : « Si tu écris, tu auras des milliers de lecteurs ».

Je l’ai laissé me convaincre d’écrire sur la littérature et l’art, et je suis devenue de plus en plus passionnée par le fait d’écrire à la maison une fois par semaine. Il aimait ma plume, je me souviens lui avoir demandé s’il y avait un bureau pour moi au Listín Diaro pour que je puisse continuer à écrire, il m’a répondu qu’il n’avait pas de place, mais il s’est passé quelque chose d’exceptionnel : ils m’ont installée dans un coin du bureau du directeur Rafael Herrera. Je me souviens aussi que lorsqu’un visiteur très important arrivait, il me disait « Marianne, s’il te plaît, tu dois partir » et je le comprenais parfaitement.

Petit à petit, je suis devenue plus enthousiaste, et je peux vous dire que quand mon premier grand entretien a eu lieu en 1974, avec Mario Vargas Llosa, j’étais morte de peur, mais quatre publications sont nées de cet échange.

J’ai travaillé davantage sur la critique littéraire que sur les arts visuels. Je viens d’une famille d’artistes, ma mère était une grande illustratrice de livres pour enfants en France. Toute ma vie, je l’ai vue travailler, et elle pouvait être amenée à souffrir, car les personnes du milieu de l’art sont terribles. L’art faisait partie de ma vie quotidienne.

J’ai commencé à faire de la critique d’art en 1974, j’étais directrice du supplément du Listín Diario intitulé « Artes y Letras » [Arts et Lettres]. C’était incroyable tout ce qui était publié dans ce supplément, il y avait par exemple de la poésie ou des contes. Ce n’était pas seulement des arts visuels, c’était une publication ouverte surtout aux jeunes, comme à Mateo Morrison qui est devenu une star consacrée de la poésie.

Ce que personne ne sait, c’est que ma mère voulait que je sois une artiste. Je peignais et dessinais de la main gauche, d’ailleurs l’autre jour, j’ai retrouvé des dessins de mode que j’avais réalisés pour le journal El Caribe [La caraïbe] lors de mon arrivée à Saint-Domingue. Au début, je n’étais pas sûre de bien parler l’espagnol, je parlais plus couramment le français, l’anglais et le russe (non pas pour des raisons politiques, mais parce que je trouve que c’est une très belle langue).

En 1977, Ramón Emilio Jimenes, Ministre des Relations Extérieures, m’a demandé de préparer une exposition de sculptures et de peintures intitulée 30 obras, 30 Artistas Dominicanos [30 œuvres, 30 artistes dominicains], pour qu’elle puisse voyager à Paris à la Maison de l’Amérique latine, ainsi qu’à Londres pour y être présentée dans une bibliothèque. Ce qui est incroyable, c’est qu’à l’époque, les transports et autres coûts étaient pris en charge. Aujourd’hui, on ne fait plus rien ; on est revenu en arrière. Il n’y avait pas non plus de ministère de la Culture, mais les choses fonctionnaient beaucoup mieux.

Comment l’Association des Critiques d’Art est-elle née dans ce pays ?

En 1981 une association de critiques a été créée (ADCA), j’en ai été l’une des fondatrices avec l’étoile de la littérature Jeannette Miller, le grand artiste Silvano Lora, notre poète national Pedro Mir et Martín López. C’est devenu Asociación Dominicana de Críticos de Arte [l’association dominicaine des critiques d’art] qui existe toujours malgré le fait qu’elle mène peu d’actions. Elle devrait être de nos jours une représentation fiable de la scène littéraire et critique, mais elle manque de moyens ; entre-temps est née l’association des historiens d’art qui fonctionnera peut-être mieux.

Ce qui est devenu plus important ces dernières années, ce sont les soi-disant curateurs que l’on appelait autrefois des conservateurs ou commissaires d’exposition : des personnes qui choisissent les artistes. Aujourd’hui, je vois partout le nom d’un curateur ou d’un autre. Auparavant, les artistes n’acceptaient pas de jouer le rôle de commissaire d’exposition, désormais ils s’organisent eux-mêmes et je ne les blâme pas. Il y a d’excellents commissaires, mais aussi certains abusifs. En effet, leur rôle doit non seulement choisir les œuvres en fonction de certains critères, mais aussi rédiger un texte qui constitue un autre aspect de la critique. Le commissariat va ainsi de pair avec la critique. Le problème du critique d’art qui est également commissaire d’exposition, parfois pour des missions privées rémunérées telles que la gestion de collections, soulève la question primordiale de l’impartialité de la critique.

Je fais ce que je veux et le journal ne me force jamais, il me laisse une liberté absolue. Par ailleurs, je ne fais jamais de critique négative. Si un sujet ne m’intéresse pas, il vaut mieux pour moi ne pas écrire dessus. Mais je suis pour que le critique soit payé pour son travail, sinon de quoi va-t-il vivre ? Avant les circonstances personnelles, il y a une éthique à respecter.

Avaient-ils des relations avec les autres critiques d’art de la région ?

Oui, obligatoirement. En effet, l’Association des critiques d’art (ADCA) faisait partie de l’Association internationale des critiques d’art (AICA). Lorsque je signe mes articles, je le fais avec l’acronyme ADCA/AICA. Le premier critique de l’association était Pedro Mir, qui, en tant que poète, écrivait aussi sur l’art. Il disait que l’art était supérieur à la poésie et à la littérature, parce que tout le monde utilise des mots, alors que les coups de pinceau et les lignes sont une création.

En tant que critique, vous avez également été une grande promotrice d’expositions dans les Caraïbes. Pourriez-vous en dire davantage sur vos activités ?

En 1992 a eu lieu la Biennale des Caraïbes, dont j’étais la créatrice. Elle avait été planifiée de nombreuses années auparavant en 1984, avec l’idée que la première se tiendrait en République dominicaine et qu’elle irait ensuite dans d’autres pays. Cinq biennales ont vu le jour, renforçant l’importance culturelle de la République dominicaine dans les Caraïbes, la dernière ayant été dirigée par Sara Hermann en 2003. J’ai l’impression que nous avons régressé.

Comment voyez-vous la critique d’hier par rapport à celle d’aujourd’hui ?

Je dirais qu’il y a une critique presque élitiste pour les connaisseurs, les intellectuels, une critique qui se fait à travers de longs essais. J’ai moi-même écrit 12 monographies. Mais j’aime beaucoup plus la critique dans les journaux et dans la presse. Lorsque j’écris une monographie, elle est divisée en chapitres.

Et il y a toujours eu une différence entre la critique d’art et l’histoire de l’art, parce que l’histoire de l’art est faite d’analyses au fil du temps, le plus grand que nous ayons eu est Danilo de los Santos, et je pense qu’il n’y a personne de comparable à lui, il a laissé un héritage avec son grand ouvrage Memoria de la Pintura Dominicana [Mémoire de la peinture dominicaine], une enquête en dix volumes, dont deux sont encore à publier, un ouvrage comme une encyclopédie qui rassemble les aspects artistiques, sociaux et culturels de notre pays depuis la fin du 20ᵉ siècle, en prenant comme point de départ le développement de la peinture.

Et qu’en est-il de nos critiques, qui ont défini la critique dans la période allant des années 1960 à aujourd’hui ?

Il y avait Manuel Valldeperes, Manuel Contín Aybar, Fernando Peña Defilló, Jeannette Miller, María Ugarte, ils étaient peu nombreux, mais très respectés. Je dirais que les critiques des années 1970 et 1980 étaient plus posés, plus respectueux d’eux-mêmes et des autres. J’ai beaucoup voyagé, tout le temps, et où que je sois, j’écrivais toujours.

Qu’en est-il des relations avec les autres pays des Caraïbes ?

Nous avons toujours eu des relations avec les autres pays de la région, non seulement les pays insulaires, mais aussi l’Amérique centrale. Par contre, je pense que lors de la Biennale des Caraïbes, ce fut une erreur d’inclure d’autres pays, parce que même le Mexique, la Colombie et le Venezuela n’étaient pas si intéressés, et que leurs artistes avaient leur propre pertinence. Il était nécessaire de laisser cette biennale aux seuls insulaires.

Peut-on définir la critique comme quelque chose d’essentiellement écrit ?

J’ai toujours aimé la partie écrite, mais il y a aussi la critique à la télévision, et maintenant avec toute la technologie et les différents médias, une autre forme de critique se développe aussi. J’ai essayé d’avoir un programme de télévision, mais j’ai changé d’avis, ce que j’aime, c’est écrire.

Comment voyez-vous la critique avec les autres pays des Caraïbes anglophones et francophones ?

Nous avons très peu de contacts, mais nous devrions en avoir beaucoup plus. Et ils ont encore diminué lorsque la Biennale des Caraïbes a cessé d’exister.

La critique ne vit pas sans l’art. Et si nous n’avons pas de contact avec la Jamaïque, la Martinique, la Guadeloupe, ou avec leurs artistes, alors nous ne pouvons pas avoir de contact avec leurs critiques. Il y a une chose importante que je tiens à dire : lorsque nous avons organisé la Biennale des Caraïbes, certains voulaient instituer que seulement des nations participent, par exemple, la Jamaïque en est une mais Porto Rico non, pas plus que la Martinique ou la Guadeloupe, j’ai insisté et j’ai réussi à faire en sorte que participent des pays ou des terres des Caraïbes, quel que soit leur type de gouvernement ou leur type d’autonomie.

Gerardo Mosquera / Cuba

Photographie : Wang Guofeng

Gerardo, quelle a été l’histoire cubaine en matière de critique d’art ?

Cuba a toujours eu une histoire particulière, la critique d’art y a commencé assez tôt, au XXe siècle. Il y a quelques figures fondamentales comme Guy Pérez Cisneros (Paris, 1915 – La Havane, 1953) qui a travaillé durant la première moitié du XXe siècle et qui est un critique très précoce et très important. Plus tard est venue la figure d’Adelaida de Juan (La Havane, 1931-2018) qui a été considérée comme la critique officielle de Cuba après la révolution. Elle a, sans aucun doute, produit un abondant corpus de travail où elle fait preuve de jugement critique contemporain. Il y a aussi Osvaldo Sánchez qui a développé une œuvre très importante dans les années 1980 et 1990, mais qui est ensuite parti au Mexique pour y travailler comme directeur de musée.

Une autre figure de renom, décédée récemment, était Héctor Antón, qui pour moi fut un critique très important, très important ! Enfin, une autre figure qui a émergé à Cuba dans les années 1980 est Antonio Eligio Fernández (Tonel), dont la pratique n’était pas essentiellement la critique d’art, car il était plasticien, mais aussi parce qu’il est parti enseigner aux États-Unis. Cependant, il était un bon critique parce qu’il écrivait très bien.

Pour toi, quelle est l’image de la critique d’art d’aujourd’hui par rapport à la critique d’hier ?

Mon travail curatorial et de critique a commencé dans les années 1970. La première exposition que j’ai organisée date de 1979, et dans ces années-là, j’ai commencé à soutenir en tant que critique et commissaire d’exposition les artistes qui émergeaient à Cuba. Particulièrement ceux qui se sont consolidés dans les années 1980, bien qu’en réalité, ils avaient commencé leur pratique dès la seconde moitié des années 1970. À l’époque, nous avions essayé d’organiser une exposition, mais cela n’a pas été possible parce que nous avons été censurés. C’est dans les années 1980 que mon travail s’est consolidé, avec cette génération d’artistes qui apportaient un changement radical dans l’art cubain. On a dit que j’étais l’idéologue de tout ce mouvement, que je soutenais beaucoup en tant que critique et commissaire d’exposition. En tant que critique, j’ai essayé d’expliquer pourquoi ces personnes étaient importantes et ce qu’elles signifiaient pour le renouveau, non seulement de l’art, mais aussi de la culture cubaine. Il faut saisir que ces personnes étaient rejetées par l’establishment officiel, même Adelaida de Juan ne les soutenait pas. Il y a même eu une bataille idéologico-culturelle autour de nos velléités de changement, une véritable révolution artistique, qui, des arts plastiques, s’étendait au théâtre, à la littérature, au cinéma, même à la musique.

Je considère que cela a été un moment très important dans ma carrière, même si par ailleurs, j’ai toujours eu une vision globale.

Prenons exemple sur ce qui s’est passé en République dominicaine. Lorsque des artistes de la rupture ont émergé comme, entre autres, Tony Capellán, Belkis Ramírez, Jorge Pineda, Raquel Paiewonsky et Pascal Meccariello, ils ont décidé de former le collectif Quintapata. Étant très fortement influencés par la Biennale de La Havane, ils sont alors soutenus par la critique établie qu’est à l’époque Marianne de Tolentino, laquelle faisait partie de l’ancien régime [en français dans le texte], appelons-le ainsi. Elle faisait preuve de suffisamment d’ouverture et de souplesse d’esprit, ainsi que de courage pour les soutenir, ce qui n’était pas le cas à Cuba. Ici l’équivalent de Marianne serait Adelaida de Juan qui, en plus de ne pas soutenir ces mouvements artistiques, les a dénoncés. Il fallait donc que des nouveaux critiques émergents se fassent leur porte-parole, parmi lesquels Tonel, Osvaldo Sánchez et moi-même. Je dois dire que j’ai été le premier et le principal soutien. Tu vois donc que l’histoire est bien distincte entre ces deux pays que sont Cuba et la République dominicaine, et cela me paraît extrêmement intéressant.

Et la relation avec Porto Rico ?

Porto Rico n’a pas fait partie de ma pratique curatoriale et critique, disons, à l’international. À partir de la première Biennale de La Havane, qui s’ouvrait au monde entier, j’ai gardé cette perspective globale et j’ai continué de procéder ainsi. Je n’ai jamais travaillé spécifiquement avec Porto Rico, mais par contre, j’ai écrit sur des artistes portoricains. Je suis d’ailleurs le commissaire d’une exposition, actuellement ouverte à la Fondation Cortés de San Juan. J’ai toujours entretenu des relations avec des artistes de l’île ainsi qu’avec la diaspora New Yorkaise.

Le thème de l’identité et du décolonial a pris de l’ampleur à notre époque, tant chez les artistes que chez les nouvelles voix qui ont émergé. C’est un phénomène amplifié depuis la diaspora caribéenne. Que peux-tu dire à ce sujet ?

La deuxième Biennale de La Havane, en 1986, a été la première exposition d’envergure internationale, créant une rencontre pour l’art du monde postcolonial. C’est là que réside l’importance historique, car aujourd’hui, on parle du décolonial comme d’une tendance, mais tout cela a commencé dans les Caraïbes. Il est important de souligner que cette biennale constitue la première exposition de dimension globale, se déroulant dans les Caraïbes, et que l’exposition « Les Magiciens de la Terre » (présentée au Centre Pompidou et au Parc de la Villette en 1989), y trouvera ses origines.

Quels médias utilisiez-vous pour diffuser la critique contemporaine à Cuba ?
La critique contemporaine à Cuba était principalement diffusée à travers la presse — journaux, magazines — ainsi que par un support particulièrement important pour le mouvement de renouveau : les catalogues d’exposition. Ces derniers offraient une plus grande liberté de publication. Contrairement aux magazines, où les textes devaient être approuvés avant publication, les catalogues permettaient une expression plus libérée, ce qui en faisait un lieu privilégié pour les critiques les plus pertinentes. L’exposition Volumen 1 [Tome 1], emblématique du changement à Cuba, en est un bon exemple : son catalogue, bien qu’il ne soit qu’une simple feuille de papier, un petit bout de carton, a ouvert la porte à de nombreuses critiques importantes et marquantes, grâce à cette liberté éditoriale.

Comment percevez-vous aujourd’hui la critique dans les Caraïbes hispaniques ?
La critique dans les Caraïbes hispaniques, comme partout ailleurs dans le monde, est en déclin. La pratique de la critique a considérablement diminué pour plusieurs raisons. L’une des plus grandes transformations réside dans le fait que de nombreux critiques sont devenus commissaires d’exposition, ce qui est le cas pour vous, comme pour moi. Aujourd’hui, je me consacre davantage aux expositions qu’à la critique, bien que je continue tout de même à écrire des critiques. Cela a eu un impact profond. Par ailleurs, en raison des crises économiques, beaucoup de publications ont cessé d’exister, incapables de continuer à fonctionner. Les journaux ont aussi fermé leurs suppléments culturels, un espace autrefois incontournable. Par exemple, El Espectador [Le Spectateur] en Colombie, était un supplément culturel d’une qualité intellectuelle exceptionnelle. L’arrivée d’Internet a marqué une phase de transition, durant laquelle ces supports traditionnels ont disparu avant que le web ne prenne le relais. Aujourd’hui, Internet permet une certaine amélioration, mais l’impact de ces changements se fait encore sentir, et la pratique de la critique reste affaiblie.

Dans le contexte des Caraïbes hispaniques, il est aussi essentiel d’inclure le Panama, car bien que géographiquement en Amérique centrale, son histoire et sa culture sont profondément caribéennes. Le Panama faisait partie de la Nouvelle Grenade, et non de la capitainerie du Guatemala. Des personnalités comme Mónica Kupfer, correspondante permanente au Panama pour ArtNexus, et Adrienne Samos, en témoignent.

Nelson Rivera / Porto Rico

Comment commencez-vous à faire de la critique d’art depuis Porto Rico ?
Au début du XXe siècle, la critique d’art à Porto Rico était essentiellement littéraire. Des écrivains tels que Concha Meléndez, figure emblématique de l’époque, couvraient des expositions, mais leur approche était toujours ancrée dans la littérature. Margot Arce de Vásquez, également critique littéraire, a osé s’aventurer dans le domaine de l’art en rédigeant des articles sur des expositions, comme celle de Francisco Vázquez Díaz, présentée à Compostelle en novembre 1940.

Quelle est l’image de la critique d’aujourd’hui par rapport à celle d’hier ?
Il y a eu un changement significatif dans la perception de la critique d’art. Autrefois, celle-ci était largement relayée dans la presse, avec une place importante accordée à ce type d’écriture. Les critiques étaient publiées non seulement en semaine, mais également le week-end, où les journaux, tels que Nuevo Día [Nouveau jour], El Mundo [Le Monde], El Reportero [Le Journaliste], consacraient parfois jusqu’à quatre pages de leur édition dominicale à l’art. Cette dynamique a engendré une vision différente de la critique, où le sens de la discussion a été en grande partie perdu. Par critique, j’entends la nécessité de problématiser le travail de l’artiste, en le confrontant tant à son héritage qu’aux œuvres de ses contemporains.

Aujourd’hui, ce qui me manque, c’est que, dans le contexte des médias numériques, des podcasts et du streaming, la rigueur de la réflexion s’est quelque peu perdue. La critique se réduit souvent à une simple appréciation : « J’ai aimé » ou « Je n’ai pas aimé ». Or, la critique devrait être un exercice intellectuel profond et érudit. Ce sont des éléments que je considère comme essentiels à la pratique critique.

Peut-on définir la critique comme quelque chose d’essentiellement écrit ?
Pour moi, oui. Peut-être que mon âge me trahit, mais je pense qu’une personne plus jeune pourrait avoir une opinion différente. Le livre, en tant que support, est important pour moi. Sans cela, j’ai l’impression que la critique n’a pas le même poids.

Qui écrivait des critiques à cette époque des années 1970 ?
Dans les années 1970, des critiques comme Myrna Rodríguez, Marimar Benítez et Ernesto Ruiz de la Mata se distinguaient par leur travail. Cependant, je considère que Marimar Benítez est la critique la plus influente de cette période de la fin des années 1970 et les années 1980.

C’est au début des années 1970 que Marta Traba arrive à Porto Rico, où elle fait face à une campagne de dénigrement orchestrée par la communauté cubaine en exil. Cette opposition était particulièrement virulente en raison de son passé à Cuba avec son mari, Ángel Rama, en 1968, ce qui lui a valu d’être qualifiée de « castriste-communiste ». Elle fut finalement expulsée de l’Université de Porto Rico. Durant son bref séjour, elle a écrit plusieurs ouvrages, dont  Propuesta polémica sobre arte puertorriqueño [Proposition controversée sur l’art portoricain], La Rebelión de los Santos [La Rébellion des Saints], y Cuatro pintores puertorriqueños [Quatre peintres portoricains], ce dernier n’ayant jamais été publié par l’Institut de la Culture, probablement pour des raisons politiques.

Quelle était la relation au niveau de la critique d’art entre Porto Rico et les pays des Caraïbes hispaniques ?
La relation entre Porto Rico et la République Dominicaine était claire et marquée par des échanges réguliers. En revanche, la connexion avec Cuba était tendue en raison du climat politique. Les années 1970 et 1980 ont été marquées par le terrorisme de droite cubain à Porto Rico, engendrant une atmosphère de peur qui a rendu cette relation difficile à maintenir. En toute honnêteté, je n’ai pas de souvenirs d’une relation positive durant cette période. Aujourd’hui, les relations sont bien meilleures qu’il y a des décennies ; la peur qui prévalait auparavant a diminué. Toutefois, il y a toujours eu une admiration pour la République Dominicaine et surtout son Musée d’Art Moderne, que nous considérons comme une merveille.

Comment jugez-vous la critique actuelle par rapport à celle d’avant ?
J’ai commencé la critique d’art dans des circonstances particulières, et l’exerce depuis de nombreuses années, mais ce n’est pas une démarche que j’ai choisie consciemment. J’ai adopté des positions très tranchées, notamment politiques, alors que j’observe que de nombreux historiens de l’art abordent la critique d’un point de vue plus esthétique, laissant de côté le lien avec le politique et le social. Pour moi, c’est l’essentiel, mais cela reste une opinion personnelle et non objective. Je trouve que la critique actuelle est un peu plus timide. Ce n’est pas qu’elle n’existe pas, mais elle est influencée par le contexte actuel. Il est important de mentionner qu’il existe une censure significative en ce moment à Porto Rico, ce qui représente une période critique de notre histoire. Nous, qui travaillons dans le domaine des arts, faisons face à des institutions comme le Musée d’art de Porto Rico, qui, selon moi, s’efforcent de dévaluer notre art de manière systématique jusqu’à ce jour. Ainsi, comme le disait Marta Traba, nous menons un combat contre un Goliath. La situation de la critique à Porto Rico est comparable à celle de David contre Goliath, et je pense que nous en sommes toujours là. La critique doit faire preuve de prudence, car exprimer ses vérités peut entraîner une forme de censure (cancellation), surtout en ce qui concerne la critique des institutions.

Cela dit, il convient de noter qu’il existe des critiques et des commissaires ici qui ont adopté des positions très claires, comme Sabrina Ramos Rubén, Emilia Quiñonez Otal et Carlos Ortiz Burgos.

Quels événements ont marqué Porto Rico dans les années 1960 ?
Dans les années 1960, Porto Rico se distinguait des autres pays des Caraïbes hispaniques par un climat beaucoup plus calme. La Révolution cubaine avait été exploitée pour semer la peur à l’égard des mouvements indépendantistes, un phénomène récurrent dans l’histoire de Porto Rico. Chaque fois qu’un mouvement indépendantiste émergeait, des exilés, comme ceux venus de Cuba après la révolution, exerçaient une influence significative sur la politique portoricaine, retardant ainsi toute possibilité d’indépendance pour l’île. À cette époque, nous étions réprimés, et bien que l’atmosphère fût relativement tranquille, il existait cette idée que nous pouvions avancer en mettant en place des projets culturels institutionnels, souvent sous l’égide des États-Unis. C’était l’attitude dominante de cette période.

Nos enseignants étaient souvent des exilés espagnols, et la recherche sur l’art portoricain était alors très limitée, ce qui faisait de cet art un domaine largement méconnu. Il était pratiquement impossible d’aborder ce sujet sans évoquer la politique. La recherche n’étant pas encouragée, les connaissances restaient superficielles. Aujourd’hui, en revanche, je constate qu’il y a beaucoup plus d’efforts de recherche consacrés à l’art portoricain.

Yolanda Wood /Cuba

Quelle est pour vous l’image de la critique aujourd’hui par rapport à celle d’hier ?
Les systèmes de production critique ont beaucoup évolué, englobant non seulement l’écriture, mais aussi d’autres formes de production critique. Cela me semble extrêmement bénéfique, car cela nous plonge dans des dynamiques qui ont une portée mondiale.

De nos jours, par exemple, il est courant que des artistes, qui auparavant demandaient un texte pour leur catalogue, sollicitent désormais un texte pour leur site internet ou leur exposition, et y fassent référence sur Instagram. Il existe donc de nombreuses alternatives de communication, telles que les podcasts et le streaming, qui offrent de nouvelles possibilités, permettant d’écouter des conférences tout en maintenant une dimension critique. Les médias ont changé, et les pratiques se sont intensifiées. On observe également un phénomène intéressant : de nombreux jeunes produisent des images des œuvres des artistes sur des plateformes comme TikTok, utilisant les moyens dont ils disposent.

Je trouve cela très intéressant et il est essentiel de s’ouvrir à ces multiples alternatives. Toutefois, je tiens à souligner l’importance de la mémoire critique de la région, qui est en train de se construire, en tenant compte des penseurs qui ont forgé notre réflexion critique. Il est crucial de combiner cette approche dynamique, qui prend en compte les développements mondiaux, avec la reconnaissance des pensées critiques établies au fil du temps. Ces dernières contiennent des figures essentielles à notre compréhension de l’art.

J’ai noté que Samuel Hernández Dominicis a mentionné qu’à Cuba, la critique est souvent signée par des femmes. En effet, ce sont principalement elles qui ont façonné cette pratique, et ce phénomène se retrouve également en République Dominicaine et à Porto Rico. Sans aucun doute, la présence de femmes joue un rôle clé en tant que fondatrices d’une pensée critique.

Pourriez-vous me parler un peu de la critique d’art des Caraïbes hispaniques par rapport à celle des Caraïbes anglaises et françaises, au sens historique ?
En ce qui concerne la critique d’art des Caraïbes hispaniques par rapport à celle des Caraïbes francophones et anglophones, notamment après les années 1960 et 1970, j’ai observé une expansion significative de la production artistique dans des territoires qui n’avaient pas de tradition aussi bien établie que dans les pays hispaniques. Cela s’explique par des raisons historiques, car les régions franco et anglophones étaient souvent des colonies de plantations, où la vie culturelle ne put se développer avec la même chaleur que dans les îles hispanophones. Cependant, on peut désormais parler de l’émergence des petites îles, tant en termes de production artistique que de production critique, avec une participation croissante à des projets et événements internationaux tels que Documenta et la Biennale de Venise. Cette évolution témoigne de la montée en puissance de ces territoires et reflète une tendance face aux défis contemporains de la Caraïbe.

Il est également erroné de penser que la validation de la critique d’art repose uniquement sur le texte écrit. En tant qu’enseignant, je crois fermement que l’exercice critique, qui se déploie à travers la parole et dans l’espace d’un cours, constitue un domaine critique souvent méconnu. Il existe une certaine résistance à l’égard de l’académie, ce qui n’est pas sans fondement, étant donné que celle-ci a traversé de nombreuses étapes et a vu émerger de nombreux noms, au sujet desquels il est crucial de reconnaître que tous n’ont pas réussi à activer des espaces de réflexion et de formation critique. Il serait alors réducteur de penser que la critique émerge de la solitude de l’écrivain, de son ordinateur ou de sa plume. Il existe une sociabilité critique qui joue un rôle essentiel dans les lieux de formation. J’attache une grande importance à cette critique qui émane des espaces de connaissance, car elle peut être très bénéfique pour développer un concept de critique ancré dans les processus de formation eux-mêmes.

Pourquoi la critique d’art a-t-elle toujours été associée à quelque chose de négatif, comme la peur du critique ?
La critique d’art a souvent été perçue de manière négative, associée à un « NON” et à un rejet qui dépasse largement nos contextes spécifiques. Ce que je pense, c’est que la critique nécessite un positionnement clair de la part de celui qui parle et de celui qui regarde ; ce positionnement n’a pas nécessairement de connotations négatives.

Ce qui est essentiel, c’est ce positionnement : d’où nous regardons une œuvre et comment nous la contextualisons dans notre époque. La critique a une fonction qui se rattache à son existence dans un contexte donné, à un moment précis. Il n’est plus possible, aujourd’hui, de formuler les mêmes critiques que celles des années 1930, 1940 ou 1950. Pourquoi ? Parce que notre époque exige de nous une nouvelle manière d’exprimer nos idées. Je crois qu’un critique d’art doit être une figure de son temps, capable d’adopter et de développer une position critique. Dans notre conversation, j’ai fait référence à la pensée critique, qui est essentielle pour guider la critique d’art elle-même. Quelles sont les bases sur lesquelles cette pensée se construit ? Elles peuvent contribuer à une multitude de fonctions que recouvre la critique, qui ne se limite pas à son rapport à l’art, mais englobe aussi sa relation avec le public, le spectateur et la société. Cela permet de réinterpréter une œuvre et ses circonstances, car ces interprétations évoluent avec le temps. Aujourd’hui, nous sommes amenés à réexaminer des considérations critiques sur les auteurs contemporains et sur les manières d’interpréter une œuvre. Nos points de vue s’enrichissent, car nous regardons depuis un autre endroit, et il est crucial de comprendre la multifonctionnalité de la critique, dont nous avons la responsabilité de faire usage.

Il est également important de considérer l’audience de la critique : s’adresse-t-elle à un public spécialisé ou à un public non initié ? Critiquer dans un organe de presse n’est pas la même chose que de le faire dans un magazine spécialisé. Il faut être conscient que la critique est un pouvoir pour la voix du critique ; elle donne du poids à celui qui écrit et détermine comment et à quelles fins il l’utilise. Cela ne signifie pas abaisser le niveau, bien au contraire. Il s’agit de contribuer au flux efficace de la pensée, car la critique, dans toutes ses formes, joue un rôle crucial dans notre compréhension et notre interprétation du monde.

Sara Hermann / République dominicaine

Sara, je serai direct avec toi. Je ne te poserai pas de questions sur tes débuts dans le monde de la critique d’art, car nous sommes nombreux à te connaître. Que penses-tu du manque d’information sur la critique d’art dans les médias numériques ?
Il y a un réel problème avec le digital. Aujourd’hui, l’histoire de la critique d’art n’est pas archivée de manière adéquate dans les médias digitaux, et nous perdons au passage beaucoup de contenus importants. Par exemple, beaucoup de critiques de la République Dominicaine, comme Marianne de Tolentino et moi-même, n’ont pas de pages ou de plateformes qui leur soient consacrées. Cela signifie que nous manquons d’une archive solide, et l’accès à notre production critique est très difficile. En raison de la nature très ponctuelle des écrits publiés dans la presse, une grande partie de la critique d’art dans les Caraïbes hispaniques a été perdue et n’est pas archivée.

Il existe très peu de recueils de cette production. Je suis aussi étonnée que personne n’ait envisagé de compiler les articles de Doña Marianne, qui a écrit quotidiennement sur l’art dans le journal pendant des années. Il y a tant de critiques fondamentaux, comme Yolanda Wood et Gerardo Mosquera, mais également des figures essentielles dans le monde de la critique d’art, telles que Desiderio Navarro à Cuba. Ce dernier a joué un rôle crucial en offrant un cadre théorique à la production artistique et ses écrits critiques, avec ceux de Gerardo, ont été déterminants pour l’analyse philosophique de la scène artistique en cours. Dans ce même registre, María Elena Jubrías a également été fondamentale, de la décennie 1960 jusqu’à nos jours.

En République Dominicaine, qui ont été nos premiers critiques ?
En République Dominicaine, la première personne à évoquer l’art contemporain dans un journal à propos d’une exposition organisée par l’ambassade des États-Unis dans les années 1960 est Manuel Valldeperes. À ses côtés, María Ugarte a joué un rôle fondamental avec ses analyses culturelles, bien qu’elles ne soient pas strictement de la critique d’art. Héctor Soto Ricart a également eu une influence significative dans ce champ. De plus, de nombreux artistes, comme Wifredo García, ont contribué à écrire sur l’art, en revendiquant notamment l’importance de la photographie.

Alors, qu’est devenue la critique des années 1960 à aujourd’hui ?
Depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, soit environ 60 ans, la critique d’art a connu un changement notable, avec une diversification de la discipline elle-même. Bien qu’à un moment donné, la critique ait servi de pont entre le public et la production artistique, il est vrai que, à mesure que le champ culturel se développe et se spécialise, le rôle du commissaire d’exposition par exemple s’est élargi pour inclure une fonction d’auteur. Cependant, la critique d’art fait face à une crise dans nos îles, car les moyens de promotion culturelle se réduisent : il n’y a plus de journaux, plus de supports. Ainsi, la critique se concentre désormais sur les textes de catalogues et sur des publications spécifiques, qui ont tendance à être élogieuses, car il est évident que les auteurs ne vont pas rédiger des textes négatifs sur les artistes ou leurs œuvres. Cette dynamique contribue à discréditer, d’une certaine manière, la critique d’art, et fait penser que celle-ci sert principalement les intérêts de ceux qui la financent. En conséquence, il y a un affaiblissement de la discipline elle-même, dû à l’épuisement des moyens de diffusion. Alors qu’il y avait un essor des publications et des médias dans les années 1970 et 1980 où des articles de critique d’art paraissaient, ceux-ci commencent à disparaître localement, rendant la tâche des auteurs locaux de plus en plus difficile.

Ce phénomène constitue donc un problème historique qui affecte également la profession de curateur, en lien avec les processus de monétisation et d’échange économique inhérents à cette activité professionnelle.

Comment vivons-nous la critique depuis les Caraïbes ?
La critique d’art, en tant qu’exercice d’opinion, a souvent été perçue comme non nécessitant une rémunération. Pourtant, c’est un exercice qui repose sur des connaissances professionnelles et s’inscrit dans un champ disciplinaire spécifique. C’est là un point important : la critique d’art ne se limite pas à des opinions, elle doit être considérée comme une carrière qui devrait offrir des retombées économiques. Malheureusement, de nombreux critiques se voient contraints de se tourner vers d’autres secteurs pour pouvoir subvenir à leurs besoins.

Imaginez un secteur culturel où les médias se désengagent, où la critique n’est pas reconnue comme un métier viable, et où le système éducatif se détériore, comme c’est le cas en République Dominicaine. Historiquement, les critiques d’art étaient souvent formés à l’extérieur, venant d’autres disciplines. Par exemple, Darío Suro a exercé une critique d’art influente et puissante, mais celle-ci était étroitement liée à son parcours d’artiste et de passionné d’art. Il n’existe pratiquement pas de programmes de formation dédiés à la critique d’art, et ceux qui existent à la fin du XXe siècle ou au début du XXIe sont souvent axés sur l’histoire de l’art, sans lien direct avec la pratique de l’écriture critique.

Les défis deviennent de plus en plus visibles avec le temps, affaiblissant ainsi la profession de critique d’art.

Pourquoi ?
Au milieu du XXe siècle, les critiques d’art jouissaient d’une grande influence, leur opinion était respectée et reconnue. Cependant, plusieurs facteurs ont contribué à leur déclin : la diminution des canaux de diffusion de la critique d’art, la perte d’importance de leur domaine d’activité, le manque d’éducation en la matière, et l’expansion d’autres disciplines professionnelles. Cela a conduit à une baisse du prestige, de l’importance et de l’impact des critiques d’art. C’est à ce moment que le rôle du commissaire d’exposition a pris de l’importance. Le commissaire a commencé à écrire sur ses propres projets, remplaçant ainsi, dans certains cas, la figure du critique extérieur qui venait analyser et commenter les expositions dans les catalogues.

Peut-on encore définir la critique comme un exercice essentiellement écrit ?
Avec la disparition progressive des sections culturelles dans les journaux, le rôle du critique d’art s’est affaibli. Il est essentiel de comprendre comment cela a affecté le développement de certaines figures. Un autre facteur, commun à Porto Rico, Cuba, et la République Dominicaine (moins à Cuba grâce au soutien étranger), est le déclin de l’édition de livres, en particulier ceux portant sur la pensée et la critique d’art. L’absence de publications régulières a entraîné une perte de références et de documentation. Ce qui garantit la pérennité de la pensée critique, c’est la systématisation des écrits et de la recherche. En ce sens, des figures comme José Antonio Pérez Ruiz ou Haydée Venegas à Porto Rico ont été fondamentales, mais leur travail reste souvent peu accessible en raison du manque de publications et d’archives organisées.

Un autre phénomène est l’émergence du contenu conceptuel. Autrefois, écrire un article de journal sur une exposition pouvait être une démarche personnelle et subjective, parfois sans grande recherche. Mais avec le temps, il y a eu une demande croissante pour des analyses plus approfondies. Malheureusement, comme ces travaux n’étaient pas bien rémunérés et peu diffusés, l’intérêt pour des recherches plus sérieuses s’est également estompé.

La critique d’art a toujours été un instrument doté d’un langage spécifique, destiné aux chercheurs et orienté vers les intellectuels. Les critiques doivent-ils se réapproprier ou s’adapter à ces nouveaux langages ?

Une autre dimension qui s’est perdue, mais qui a encore le temps d’être restaurée, est la manière de penser des critiques eux-mêmes. Si l’on analyse l’œuvre de María Elena Jubrías ou de Marianne de Tolentino, on commence à discerner leur ligne de pensée, les outils qu’elles ont utilisés en termes de langage et de sémantique pour rendre l’art plus accessible. Marianne de Tolentino, par exemple, parvient à rapprocher des installations artistiques du grand public de manière remarquable. Comment y parvient-elle ? Elle utilise des termes simples pour rendre l’œuvre compréhensible. Il est crucial d’observer comment ces porte-paroles s’y prennent, car il est intéressant de comprendre les obstacles et défis auxquels ils ont été confrontés pour atteindre ce niveau. De plus, il est important d’analyser comment le contenu critique a évolué avec le temps.

Un exemple pertinent est celui de Mirna Guerrero et son émission de radio El matutino alternativo [Le Matin alternatif], qui a su conquérir un créneau fondamental dans la critique d’art. Aujourd’hui, la radio est également numérique, sous forme de podcast. Ce qui est intéressant dans le cas de Mirna, c’est la manière dont elle a su actualiser ses moyens de communication, illustrant ainsi certaines des opportunités que la critique d’art doit désormais exploiter. Tout comme le contenu de la critique a évolué, passant du simple récit personnel d’un événement artistique à un exercice plus approfondi de réflexion culturelle, les nouveaux publics demandent aujourd’hui davantage d’analyse contextuelle et de débat.

Comment le niveau d’éducation affecte-t-il la consommation culturelle, en tenant compte des différences de politiques publiques dans les Caraïbes hispanophones ?

Il existe un fossé entre les trois pays de la Caraïbe hispanophone, principalement en raison de problèmes liés à l’éducation. Ce fossé touche non seulement la formation de professionnels capables de pratiquer la critique d’art, mais aussi l’éducation des publics en matière de consommation de biens culturels. La critique d’art n’a de sens ni de portée que si elle trouve un public pour la lire et la comprendre. Si nous n’avons pas de public éduqué à consommer la culture, ni de personnel formé pour diffuser et expliquer ces événements culturels, nous sommes confrontés à un problème éducatif majeur.

En ce sens, jusqu’à la fin des années 1990, Cuba avait un net avantage sur la République dominicaine, notamment grâce à un système éducatif beaucoup plus structuré et davantage orienté vers les questions culturelles. Pendant ce temps, Porto Rico, avec son statut de territoire associé aux États-Unis, bénéficiait du système éducatif nord-américain, soit en envoyant ses étudiants dans des écoles américaines, soit en intégrant directement ces programmes sur l’île. La République dominicaine, en revanche, souffrait d’un déséquilibre éducatif important.

Sur le plan des médias, les différences sont également marquées. Porto Rico est bien mieux loti que Cuba et la République dominicaine en matière d’édition et de publications culturelles. Cuba, avec ses organes d’État tels que Casa de las Américas, disposait de capacités limitées comparativement à des institutions comme l’Université de Porto Rico, qui jouit d’une plus grande liberté de diffusion culturelle.

Un autre aspect à considérer est l’environnement académique. À Porto Rico et à Cuba, les universités mettent un accent particulier sur la recherche et la promotion de la critique d’art, contrairement à la République dominicaine, où il n’existe pratiquement pas de programmes de recherche dans ce domaine. Ce manque d’infrastructure académique place la République dominicaine dans une position désavantageuse par rapport au reste de la Caraïbe hispanophone, bien qu’il y ait eu, par le passé, un dialogue entre les penseurs et critiques d’art de la région.

[1] Gerardo Mosquera, conférence au MAC Panama, 2023.

[2] Denis Diderot, Essai sur la peinture, 1766, cit., p. 92.

[3] Samuel Hernández, La critique des arts visuels en tant que femme, séminaire en ligne « Parálisis y disrupción en la Crítica de Arte en la Cuenca del Caribe (1960-2000)”, https://www.youtube.com/watch?v=FYt6aMEExP8

[4] https://revistasipgh.org/index.php/rehiam/article/download/596/1361/4495

[5] Première exposition indépendante d’art portoricain, documents d’art d’Amérique Latine, https://icaa.mfah.org/s/es/item/824044#?c=&m=&s=&cv=&xywh=-166%2C15%2C1015%2C568

[6] Juan Bolivar Díaz, entretien avec María Ugarte, 2006 https://www.youtube.com/watch?v=2C7zwI2dDkY

[7] https://humanidades.uprrp.edu/visiondoble/marimar-benitez-una-larga-trayectoria-en-el-arte-puertorriqueno/

Orlando Isaac est un commissaire d’exposition indépendant dominicain, diplômé du programme Programa Curando Caribe en 2016, où il a développé des projets de commissariat avec des artistes de la scène nationale et internationale. Il est également diplômé de l’Université Autonome de Saint-Domingue, Faculté des Arts, ainsi que de l’École de Design Altos de Chavón, affiliée à la Parsons School of Design de New York, où il enseigne actuellement la direction artistique.

Grâce au programme Curando Caribe du Centre León et du Centre Culturel d’Espagne, il a remporté une résidence de commissariat offerte par Tropiques Atrium, ce qui lui a permis de réaliser une exposition à Fort-de-France, en Martinique. Orlando Isaac est titulaire d’un master en réalisation de films/vidéos de l’École Supérieure d’Image et de Design (IDEP) de Barcelone, en Espagne. Il a également obtenu un certificat en études afro-latino-américaines à l’Institut de Recherche Afro-Latino-Américaine du Hutchins Center de l’Université d’Harvard. Son projet final, un court-métrage documentaire intitulé Con un pie aquí y otro alla, a été récompensé par le comité ALARI, et il a été invité par Harvard à le présenter lors de la Mesa Continental qui s’est tenue en décembre 2022 à Boston, aux États-Unis.

Plus récemment, il a assuré la direction éditoriale du livre Happy: Ensayos sobre la obra de Jorge Pineda pour le Centre León et l’Université Complutense de Madrid, en Espagne.

En tant que commissaire, Orlando Isaac est actif dans plusieurs domaines, notamment la recherche, la conception d’expositions et la muséographie, la direction éditoriale, ainsi que la rédaction d’articles et d’entretiens pour divers magazines, tels que les revues Architexte, Comment ça ?, et Faire-Monde(s).

Expositions récentes 2024 :

– 2024 : Commissariat/muséographie, Exposition Jenny Polanco : FlashBack, Musée d’Art Moderne de Saint-Domingue, dans le cadre du Festival de Photographie, PHOTOIMAGEN.

– 2024 : Commissariat/muséographie, Exposition Territorio movedizo, Gerd Ellis, Centre Culturel d’Espagne, Saint-Domingue

– 2024 : Conception d’exposition, Exposition Amor, Amor: Pulsaciones de la Tierra, la casa y la piel, Raquel Paiewonsky, Mercedes esq. Duarte Ciudad Colonial

– 2024 : Commissariat/muséographie, Expo Niebla Rosa, Nave Azul, Mélissa Mejia, Lucy García Galeria

Tiempos críticos con aires de libertad

La crítica de arte en el Caribe hispano

Por Orlando Isaac

Curador independiente

Iván Tovar, Le journal de Justine, 1999. © Fondation Iván Tovar

Iván Tovar, “Le journal de Justine”, 1999. ©Fundación Iván Tovar

Reconocer las instancias del Caribe en sus contextos coloniales, imperiales, con sus heridas y desafueros, muchas veces como un lugar de no pertenencia, resulta muy importante para percibir el avance en las direcciones que nos ha trazado la historia. Porque, en esencia, el Caribe es diaspórico, y con él sus actores que narran los sucesos que atraviesan sus poros, para muchas veces encontrarse en el fondo, arañando la superficie de un territorio que no es tan blando, sino que se comporta como la fría loza ante tantos reclamos; desde las lenguas impuestas, heredadas y, con ellas, sus lenguajes formales en el arte; en su condición insular por un eterno estrabismo identitario que nos ha caracterizado en lo sociocultural.

En el trayecto que recorre esa curva que forman estos archipiélagos del mar Caribe están los territorios de Puerto Rico, República Dominicana y Cuba, los cuales conforman el Caribe hispano en la insularidad, y en su cuenca un puñado de países que van «desde la tortilla al casabe» [1].

Estas Antillas que desde siempre ha sido abatidas por vientos huracanados han pasado por procesos revolucionarios, guerras civiles, implantación del socialismo como modelos socio-políticos, sumado a todo esto una profunda reflexión sobre nuestra realidad caribeña desde nuestra propio aislamiento, y con ella la conquista del pensamiento a través del territorio donde el debate estético no entra sin la aparición de la prensa con su sentido ético, moral; y con ella sus actores, escritores que escriben y describen la realidad del arte para un público en constante estado de formación, porque «sólo cuando existe un público para el arte, puede existir la crítica de arte»2, ejerciendo su oficio como críticos desde periódicos, revistas, catálogos, simposios, encuentros regionales, al mismo tiempo que la televisión y la radio se convirtieron en otros medios de difusión para ellos, donde muchos de ellos tenían sus segmentos dando el toque de «cultura con sabrosura». Y es que desde este Caribe, el insular, en el que me encuentro, en el ruido acostumbrado de la oralidad popular que viene acompañada de salsa, bachata, merengue, son, dembow y reguetón, ritmos antillanos de este Caribe hispano.

Los 1960: trauma-trama-drama

Los años 1960 en nuestro contexto regional del Caribe hispano se caracterizaron por ser «un Caribe crítico con aires de libertad», donde las libertades literarias sirvieron de escape para resarcir los traumas causados por las tramas políticas y situarnos en un limbo democrático, que no era indiferente a la vida cultural. Es en los 1960 que estas Antillas mayores, Puerto Rico, República Dominicana y Cuba, trazan la cartografía del pensamiento contemporáneo de las artes visuales como resultado de tantos años de represiones, reescribiendo las artes de una manera analítica, académica, todas ellas a través de exiliados españoles que llegaron a esta región, donde la literatura gozaba de un amplio apoyo a través de ellos, conformando muchos de ellos círculos literarios compuesto por grandes intelectuales que comenzaron a escribir sobre arte visuales y haciendo una crítica desde el juicio individual al juicio colectivo para abordar los diferentes temas que van desde la literatura, arquitectura, teatro, música y artes visuales enfocándose en el artista y su obra, hasta las instituciones culturales.

Es bueno, para continuar, hablar un poco de la historiografía de la crítica previo a esta década de 1960 y es la importancia de la mujer, que juega un papel fundamental en lo intelectual, poético y académico, allanando el camino para otras y otros, quitando la maleza y las piedras que encontraban. En Cuba, Uldarica Mañas y la intelectual dominicana radicada en la isla Camila Henríquez Ureña [3] fundaron la revista cultural Lyceum en febrero de 1936, una revista que se distribuyó y financió en parte por la publicidad dirigida al consumo femenino, además de reseñar las diversas exposiciones que tenían lugar, ya fueran de artistas reconocidos o de alumnas del Lyceum; la revista consignó documentalmente las actividades más representativas [4].

Texto del catalogo para La Primera Exposición Independiente de Arte Puertorriqueño, autora Concha Melendéz.

En Puerto Rico, Concha Meléndez, considerada la madre de la literatura puertorriqueña, había hecho su primera crítica sobre la exposición La Primera Exposición Independiente de Arte Puertorriqueño igual en 1936, en que comenta que: «esta es la décima exhibición organizada por el profesor y artista estadounidense Walt Dehner en la Universidad de Puerto Rico. La muestra ofrece una idea general de la trayectoria que ha seguido el arte puertorriqueño hasta ese momento. Afirmando que la temática del jibarismo (tema referente al campesinado puertorriqueño de la región montañosa), la alegoría histórica y el costumbrismo predominan en la pintura. Hizo comentarios críticos sobre los artistas, Rafael Arroyo Gely, Julio T. Martínez, Miguel Pou, Horacio Castaign y los pintores norteamericanos residentes en Puerto Rico y en el que Meléndez trae a colación la urgencia de que se establezca un Museo de Bellas Artes en Puerto Rico» [5].

Mientras, en la República Dominicana se radica en 1940 la intelectual española María Ugarte, quien venía de Segovia, «la parte más castellana de España»6, y que se convertiría en primera mujer en ejercer el periodismo en la isla, pionera de la moderna crítica de arte en la República Dominicana, realizando una profunda investigación y dejando un amplio volumen de textos sobre literatura, arquitectura, artes visuales y gran registro crítico de casi todos catálogos del Museo Bellapart.

Entonces, podemos decir que el ADN de la crítica de arte contemporánea viene de la literaria.

Quisqueya Henríquez (La Habana, 1966-2024), sacando agua del mar caribe, para su obra “Helado de agua de mar Caribe” (2002)

La insularidad no es pretexto: es contexto

El poeta cubano Virgilio Piñera escribió sobre «la maldita circunstancia del agua por todas partes», para abordar la vida insular. Esta insularidad llevó a muchos críticos a repensar la realidad social con una retórica optimista, y con ella nuevas consideraciones en la práctica social en el arte, tanto en argumentos como en pensamientos contrarios, porque la crítica es crítica o no es, y no se puede ir teorizando a base de argumentos pálidos, sobre todo desde la propia insularidad.

Estos héroes de la tinta tenían que operar con restricciones y temores, porque muchas veces su libertad fue condicionada desde la propia institucionalidad hasta llegar a la censura y ante una inmediata cancelación, desafiando el poder por muchos de sus artistas que fueron revolucionarios en periodos de regímenes represivos y dictatoriales, muchos de ellos apresados y exiliados, donde el crítico de arte desde el cuarto poder hace la función de denunciante y querellante ante el atropello a que fueron y han sido sometidos, porque vivir en la insularidad no es tan bonito como los de tierras amplias piensan.

Carteles: “1ra. Bienal del Grabado Latinoamericano”, San Juan, Puerto Rico. 1970; “1ra Bienal de la Habana”, Cuba, 1984; “1ra Bienal de Pintura del Caribe y Centro América” 1992, República Dominicana

De hechos estamos hechos

Tres eventos fundamentales marcaron cada isla a partir de los años 1960, redefiniendo a cada una de manera particular como legado para la región, Puerto Rico nos dio la Bienal del Grabado Latinoamericano y del Caribe de San Juan, Puerto Rico, a cargo del Instituto de Cultura Puertorriqueña entre 1970 y 2001 —reemplazada por el concepto de Trienal Poli/Gráfica de San Juan—; en Cuba la Bienal de la Habana en 1984, donde participaron 806 artistas de 22 naciones de América Latina en diferentes espacios, entre ellos el Museo Nacional de Bellas Artes; y el Tercero y más reciente de estos eventos, la Bienal de Pintura del Caribe, en República Dominicana que fue celebrada en el Museo de Arte Moderno de Santo Domingo en 1992, y para cambiar su nombre más tarde en el 2003 con el fin de darle un carácter más amplio, más multidisciplinario, fue llamada en el 2003 la Bienal del Caribe.

Estos eventos sirvieron a nuestros artistas en la expansión de su arte en formato expositivo, también sirvió para intercambio de saberes y expresiones para los críticos de la región donde reconocidos intelectuales y académicos podían confluir desde el pensamiento ideológico así como en aspectos formales en cruces que se daban en las explanadas, pasillos, escalinatas, que fungieron como espacios intersticiales para intercambios de ideas y sirvieron para amarrar lazos y quitar un poco las grietas de este Caribe tan fragmentado, donde la anarquía brillaba por su presencia en el debate de ideas y pensamiento propios entre colegas y amigos del mundo del arte: José Manuel Noceda, Dominique Brebión, Haydée Venegas, Delia Blanco, Amable López Meléndez, Llilian Llanes Godoy, Virginia Pérez-Ratton, Danilo de Santos, Sara Hermann, Mirna Guerrero, Gerardo Mosquera, Alanna Lockward, Marianne de Tolentino, por citar algunos de los cuales eran asiduos como invitados y visitantes en estos tres magníficos eventos.

A medida que iban pasando las décadas, la crítica tan respetada y temida del crítico del arte se va esfumando y emerge la figura del curador, que surge a medida que los medios de comunicación, especialmente la prensa escrita, comienzan a desaparecer, y lo que en su momento marcó la era tecnológica y digital que democratizó el oficio, paradójicamente la tecnología se fue convirtiendo en un enemigo silente de la crítica, que pasó de algo esencialmente escrito para cierta élite a llegar a un público masivo, sumando voces a través de la radio y los medios televisivos.

“Mar invadido”, 2009 de Tony Capellán, República Dominicana (1955-2017). Fotografía: Cortesía Mariano Hernández

Navegando y nadando entre la arqueología digital y webinares

Con la llegada del fenómeno del internet vino la proliferación de proyectos digitales en plataformas de streaming, podcast, blog, webinar así como las redes sociales (desde el Facebook, Twitter llamado ahora X, TikTok, Instagram) que entre reels y reels el curador las ha tomado como plataforma para seguir expandiendo y difundiendo sus opiniones, un recurso que lo hace posicionarse con más fuerza ante un nuevo público de masas, dejando la crítica tradicional de medios escritos, la cual se ha vuelto casi inexistente pero que sigue siendo necesaria para el revisionismo y la construcción del arte.

Si de algo sirvió esta pandemia y el distanciamiento físico, fue que nos hicieron entrar en una profunda reflexión, y darnos cuenta de la precariedad con que vivían nuestros artistas y lo frágil y fugaz que puede ser todo, y como aun así el arte siguió sirviendo como eje transformador ante un mundo agobiado, paralizado. Fueron las voces de muchos críticos, curadores, gestores culturales que estimularon a los artistas para dar voz desde su encierro, tejiendo redes comunitarias a través de Zoom colectivos ante la agitación y la incertidumbre de un mundo que no era esclarecedor y desde donde más que nunca nos dimos cuenta de que vivimos doblemente la insularidad, desde la periferia y dentro de ella.

En años más recientes, la expansión de los recursos digitales provoca reflexiones filosóficas, sobre todo y a medida que el progreso humano ve su realidad aumentada; actualmente se viven debates entre la ética de la inteligencia artificial, lo que es y no correcto, el pensamiento propio, entre otros.

Este mundo del internet nos ha permitió navegar y nadar entre la arqueología digital, donde incluso la información a veces es escasa por no estar digitalizada y sistematizada, encontrarse con joyas como para conocer más quienes fueron los críticos en esta región desde el archivo periodístico hasta la digitalización. En las nuevas reinvenciones ante nuevos medios encontramos a Marimar Benítez, quien tiene una larga y dilatada trayectoria en la crítica y curaduría de arte en Puerto Rico documentando y escribiendo por más de 40 años sobre los eventos artísticos más trascendente desde lo local a la diáspora «nuyorican»; su página web está cargada de ensayos, reseñas y entrevistas, me llevó a conocer mucho más de su legado escrito durante las últimas décadas a través de otras páginas web. Para ella: «Hoy día no hay crítica excepto en internet, pero en este país no hay crítica porque los periódicos ya no tienen críticos de arte. Antes escribían Samuel Cherson, Pérez Ruiz, Myrna Rodríguez, Teresa Tió, Enrique García Gutiérrez y yo, y todas las semanas sacábamos un artículo. Primero, que muchos de los periódicos cerraron y otros sencillamente eliminaron las columnas de crítica para reducir los costos». [7]

Garvin Sierra Vega, “No existe un mundo post huracán”, arte puertorriqueño tras el huracán María, Museo Whitney, NYC. Fotografía: Orlando Isaac

¿Cómo piensan los que nos piensan?

Como curador hago crítica desde mi praxis curatorial, a veces de una manera metafórica, pero ¿que sería del pensamiento si no existiera la metáfora?, y me gusta pensar en la idea de un relevo generacional que trace el papel de las nuevas rutas en las corrientes artísticas y con ellos sus artistas en la configuración y desarrollo con ética y conciencia, sin dejar de pensar y volver a los que sembraron y siguen sembrando; me gusta también pensar en la expansión como formas de puentes entrelazando historias entre ellos mismos, desde una experimentada Yolanda Wood, historiadora y crítica de arte cubana, que al referirse al Caribe hispano lo llama «como la cuenca uteral de América», hasta un emergente crítico puertorriqueño Carlos Ortiz Burgos, historiador del arte piensa y escribe sobre «polinización cruzada que ha existido entre las Antillas». Poniéndolos a ellos dos en narrativa es esperanzador cuando se escribe sobre la génesis y la continuidad de esas semillas esparcidas que germinarán y luego darán frutos para seguir contando hechos sobre hechos. Hay que volver a la «retórica optimista, y con ella nuevas consideraciones en la práctica social en el arte», y en mi memoria como eco se queda parte de mi conversación con Sara Hermann, que está al final de este artículo en formato de entrevista, lo que para ella aún está a tiempo de recuperarse y es: «¿cómo piensan los que nos piensan?».

Con todo lo ante expuesto, surgen muchas preguntas y pensamientos:

  • ¿Cuál es la imagen de la crítica hoy, comparada con la crítica de ayer?
  • ¿Podemos todavía definirlo como algo esencialmente escrito?
  • ¿Cómo vivimos la crítica desde Caribe?
  • ¿Cómo la escribimos?
  • ¿El curador mató al crítico o el mismo crítico decidió dar vida al curador?

“Homenaje”, 1974-2011, Leopoldo Maler.

Cinco críticos fundamentales en la construcción de la narrativa de las artes en el Caribe hispano son los llamados a contar sus pensamientos: Marianne de Tolentino, Gerardo Mosquera, Sara Hermann, Yolanda Wood y Nelson Rivera.

ENTREVISTAS

Marianne de Tolentino / República Dominicana

Fotografía: El Nuevo Diario

¿Cómo fueron sus comienzos?

Yo era profesora universitaria, a principios de los 1970, de la Escuela de Idiomas de la Universidad Autónoma de Santo Domingo (UASD), entonces fundamentalmente mi dedicación profesional era la enseñanza universitaria en la Licenciatura en Francés. Un día dicté una larga conferencia, sobre Honoré Balzac y Gabriel García Márquez, en lo que es ahora el instituto Espaillat Cabral que en ese momento le pertenecía a Rosa González, la esposa de Rafael Herrera, en esa época director del Listín Diario. Después de la conferencia Rafael Herrera me invitó a que fuera a su oficina en el Listín Diario, cuando fui me dijo: «Me gustaría que usted escriba». Le dije que yo no podía porque estaba a tiempo completo en la UASD, y luego me pregunta: «¿Cuántos estudiantes usted tiene?» Le dije que entre 10 y 15 ya que eran estudiantes de término. Su respuesta fue: «Si usted escribe, tendrá miles de lectores».

Me dejé convencer y escribir sobre literatura y arte, y cada vez me apasioné escribiendo desde mi casa una vez por semana. A él le encantaba como escribía, recuerdo que le pregunté si tenían un espacio de oficina para mí en el Listín para yo poder seguir escribiendo, me dijo que no tenía espacio, pero sucedió algo excepcional: me instalaron en un rincón de la oficina del director Rafael Herrera; también recuerdo de manera simpática cuando llegaba una visita muy importante, me decía: «Marianne, por favor, tienes que salir» y yo lo comprendía perfectamente.

Poco a poco me fui entusiasmando, y le puedo decir que mi primera gran entrevista fue en 1974, y fue a Mario Vargas Llosa; yo estaba muerta del miedo, de esa entrevista salieron cuatro publicaciones.

Yo trabajaba más la crítica literaria que las artes visuales. Yo vengo de una familia de artistas, mi madre era una gran ilustradora de libros infantiles en Francia, toda mi vida la he había visto trabajar, cómo se trabaja y cómo se sufre, porque es terrible la gente que trabaja en arte. El arte formaba parte de mi vida cotidiana.

Comienzo hacer crítica de arte a partir del 1974, fui la directora del suplemento del Listín Diario llamado «Artes y Letras», era increíble todo lo que se publicaba en ese suplemento, poesía, cuentos, no era solamente artes visuales, era una publicación abierta especialmente a los jóvenes, como un joven Mateo Morrison que se ha convertido en una estrella consagrada de la poesía.

Algo que nadie sabe es que mi madre quería que yo fuera artista. Yo pintaba y dibujaba con la mano izquierda, y el otro día encontré unos diseños de moda que yo había hecho para el periódico El Caribe cuando yo llegué a Santo Domingo. En principio, yo no estaba segura de hablar bien el español, yo hablaba francés, inglés, ruso (no por ninguna razón política sino poque me parece un idioma muy bello).

En 1977, Ramón Emilio Jimenes, ministro de Relaciones Exteriores, me pidió que yo preparara una exposición de esculturas y pinturas llamada 30 obras, 30 Artistas Dominicanos, para ser llevada a París en la Casa de América Latina, y en Londres se expuso en una biblioteca. Lo increíble es que en aquel tiempo se asumía transporte, ahora no se hace nada, hemos involucionado. Tampoco había Ministerio de Cultura, sin embargo, las cosas funcionaban mucho mejor.

¿Y cómo se da la Asociación de Críticos de Arte en este país?

En 1981 se creó una Asociación de Críticos de Arte, yo era una de las fundadoras junto a Jeannette Miller que es una estrella de nuestras letras, el gran artista Silvano Lora, Pedro Mir nuestro poeta nacional, Martín López; y se creó la Asociación Dominicana de Críticos de Arte, que aún existe… existe nada más, con muy poca actividad. La actual Asociación de Críticos de Arte debería ser una representación fehaciente, tiene muy pocas actividades, se ha creado una Asociación de Historiadores de Arte, que tal vez va a funcionar mejor.

Lo que sí ha tomado importancia de unos años para acá son los llamados curadores, que antes se llamaban los comisarios, gente que escogía a los artistas. Ahora veo por todas partes, curador fulano. Antes los artistas no aceptaban la curaduría, ellos se auto curaban y no los culpo. Porque hay grandes curadores, y también curadores abusivos. Porque el curador no solamente tiene que elegir la obra según el criterio determinado, sino también redactar un texto, en la que funge a la vez como crítico, entonces, ese es otro aspecto de la crítica. La curaduría va con la crítica. El problema del crítico que es curador, a veces curador de un coleccionista, recibe un pago y, entonces, eso es un problema. Porque la crítica tiene que ser absolutamente imparcial. Yo hago lo que me da la gana y el periódico nunca me obliga, me dan absolutamente libertad. Otra cosa, yo nunca hago una crítica negativa, si no me interesa mejor no escribo. Pero soy partidaria de que al crítico le paguen por su trabajo, ¿de qué va a vivir? Pero antes de las circunstancias personales, hay una ética que hay que respetar.

¿Tenían relación con los demás críticos de arte de la región?

Obligatoriamente. Porque nuestra Asociación de Críticos de Arte era parte de la Asociación Internacional de Críticos de Arte. Cuando yo firmo mis artículos, lo hago con las siglas ADCA/ AICA. El primer crítico de la Asociación fue Pedro Mir, que siendo poeta hizo escritos sobre arte; él decía que para el arte era superior a la poesía y la literatura, porque las palabras todo el mundo las emplea, mientras las pinceladas y las líneas es una creación.

Usted siendo crítico fue también una gran gestora de grandes exposiciones en el Caribe, ¿podría hablarme un poco de esto?

En el año 1992 se celebró la Bienal del Caribe de la cual fui la creadora, se planificó muchos años antes para 1984, con la idea de que la primera se hiciera en República Dominicana y luego fuera a otros países, de las cuales se hicieron 5 bienales, rectificando la importancia cultural de la República Dominicana en el Caribe, la última estuvo dirigida por Sara Hermann en el año 2003. Siento que hemos retrocedido.

¿Cómo usted ve la crítica de ayer con la de hoy?

Es complejo, la crítica que se hacía antes tiene varios niveles, ensayos, monografías, yo diría que hay una crítica casi elitista para los conocedores, los intelectuales, una crítica que se hace por ensayos largos. Yo misma he escrito 12 monografías. Pero a mí me gusta mucho más la crítica en periódicos, la que se hace en la prensa. Cuando yo hago una monografía, está dividida en capítulos.

Y siempre ha sido una diferencia entre crítica de arte e historia del arte, porque la historia del arte se hace con análisis en el transcurso del tiempo, el más grande que hemos tenido es Danilo de los Santos, y pienso que no hay nadie comparable ante él, dejó un legado con su obra magna Memoria de la Pintura Dominicana, una investigación en 10 tomos, aún faltan 2 por publicar, una obra a modo de enciclopedia que recoge sobre lo artístico, social y cultural de nuestro país desde final del siglo XX, tomando como punto de partida el desarrollo pictórico.

¿Y sobre nuestros críticos, que definieron la crítica en el periodo de los años 1960 para acá?

Hubo un Manuel Valldeperes, Manuel Contín Aybar, Fernando Peña Defilló, Jeannette Miller, María Ugarte, eran pocos, pero muy respetados. Yo diría que la crítica en los años 1970, 1980, era más aplomada, más respetuosa de sí misma y de los demás. Yo viajaba mucho, todo el tiempo, y desde donde estuviera me encontraba siempre escribiendo.

¿Y la relación con los demás países del Caribe?

Siempre tuvimos una relación con los demás países de la región, no solo los insulares sino incluso en la América Central, pero pienso que con el tema de la Bienal del Caribe fue un error incluir estos países, porque incluso, México, Colombia y Venezuela no se interesaban tanto, porque sus artistas tenían su propia vigencia. Fue un error, había que dejar esta bienal solo con los insulares.

¿Podemos definir la crítica como algo esencialmente escrito?

Siempre me ha gustado la parte escrita, pero también hay una crítica por televisión, y ahora con toda la tecnología y los diversos medios se hace crítica también. Yo traté de tener un programa de televisión, pero luego no, a mí lo que me gusta es escribir.

¿Cómo ve la crítica con los demás países de Caribe anglófono y francófono?

Tenemos muy poco contacto. Deberíamos tener mucho más contacto. Y se fue disminuyendo, a medida que dejó de existir la Bienal del Caribe.

La crítica en sí, no vive sin el arte. Y si no tenemos contacto con Jamaica, Martinica, Guadalupe… con sus artistas, entonces, no podemos tener contacto con sus críticos. Algo importante que quiero decir, cuando estábamos haciendo la Bienal del Caribe, querían instituir que fueran solo las naciones, por ejemplo, Jamaica era una nación, pero Puerto Rico no era una nación, ni Martinica ni Guadalupe, y yo sí insistí y lo logré, para que sean países, tierra del Caribe, cual sea su tipo de gobierno, cual sea su tipo de autonomía.

Gerardo Mosquera / Cuba

Fotografía: Wang Guofeng

Gerardo, ¿cuál ha sido la historia cubana en relación con la crítica de arte?

Cuba siempre ha tenido una historia especial, la crítica de arte comienza bastante temprano en el siglo XX, y hay algunas figuras fundamentales como Guy Pérez Cisneros (París, 1915 – La Habana, 1953), que trabaja en la primera mitad del siglo XX, un crítico muy temprano y muy importante , y posteriormente entra la figura de Adelaida de Juan (La Habana, 1931-2018), era considerada la crítica oficial de Cuba después de la revolución, sin dudas tiene una producción de obra bastante abundante donde hacia una crítica de juicios contemporáneamente.

También está Osvaldo Sánchez, quien tienen una obra muy importante en los años 1980, 1990 pero que luego se va para México fungiendo allá como director de museos.

Una figura importante, fallecido recientemente, fue Héctor Antón, para mí un crítico muy importante, ¡muy importante! Otra figura en Cuba surge una figura en los años 1980 es Antonio Eligio Fernández (Tonel) quizás no tiene una gran extensión de trabajo crítico porque es artista y se fue a Estados Unidos dedicándose a la docencia; como artista hizo una crítica bastante buena, porque escribe muy bien.

Para ti, ¿cuál es la imagen de la crítica de arte hoy en relación con la crítica de ayer?

Mi trabajo crítico y curatorial comienza en los 1970, la primera exposición que curé fue en el año 1979, ya en esos años comienzo a apoyar como crítico y curador a esos artistas que surgían en Cuba, que son los que se consolidan en los años 1980, pero en realidad ellos comienzan en el segundo lustro de los años 1970, ya ellos están haciendo su obra y yo escribo sobre ellos. Tratamos de hacer una exposición que no fue posible ya nos censuraron. En los años 1980 es que mi trabajo se consolida, junto con esta generación de artistas que trae un cambio radical, del arte en Cuba. Se ha dicho que fui yo el ideólogo de todo este movimiento, apoyándolo mucho como crítico y curador. Como crítico, tratando de explicar por qué esta gente era importante y qué significaban para la renovación, no solo del arte sino también de la cultura cubana. Porque esta gente fue rechazada por los estamentos oficiales, incluso la misma Adelaida de Juan no los apoyó. Incluso vino una batalla ideológico-cultural alrededor de esta gente que introducía un cambio, desde la verdadera revolución en el arte, que desde las artes plásticas se extendió al resto de las artes: al teatro, a la literatura, al cine, incluso a la música todo este nuevo espíritu.

Considero que este fue un momento muy importante en mi carrera, pero aparte de esto yo siempre he tenido una mirada como global.

Fíjate en esto que ocurre en la República Dominicana, cuando surgen estos artistas de ruptura: Tony Capellán, Belkis Ramírez, Jorge Pineda, Raquel Paiewonsky, Pascal Meccariello, entre otros que conformaban el colectivo Quintapata, ellos son muy fuertemente influidos por la Bienal de La Habana, y cuando sucede este movimiento ellos son apoyados por la crítica establecida que es Marianne de Tolentino, quien estaba en el ancien régime vamos a decirle así; ella tiene la suficiente amplitud y flexibilidad mental y coraje como para apoyarlos, cosa que no sucede en Cuba, que el equivalente a Marianne sería Adelaida de Juan: los anatematiza y no los apoya, y entonces, tienen que ser los nuevos críticos que surgimos los que apoyamos, entre ellos como el mismo Tonel, Osvaldo Sánchez y yo. Y bueno, debo decir que el más temprano y principal que los apoyó fui yo. Entonces, fíjate como esta historia es diferente, entre estos dos países como Cuba y la República Dominicana, y esto para mí es sumamente interesante.

¿Y la relación con Puerto Rico?

Puerto Rico no formó parte de mi relación con el trabajo, vamos a decir, internacional. Desde la Bienal de La Habana que se abre a todo el mundo, pues también yo mantuve esa perspectiva mundial, y trabajé así. Nunca trabajé específicamente con Puerto Rico, pero sí escribí sobre artistas puertorriqueños; de hecho, tengo una exposición abierta en la Fundación Cortés en San Juan. Yo siempre he tenido tanto una relación con los artistas de la isla como los de Nueva York.

El tema de la identidad y lo decolonial ha tomado un auge en este tiempo, tanto en los artistas como las nuevas voces que han emergido, es un fenómeno que se amplifica desde la diáspora caribeña. ¿Qué tienes que decir sobre esto?

En la segunda Bienal de La Habana en 1986, fue la primera exposición global y se crea un encuentro para el arte del mundo postcolonial, es decir, la importancia histórica, porque ahora se habla de lo decolonial como una moda, pero todo esto arranca desde el Caribe a una escala mundial, que es un hecho que hay destacar que la primera exposición global ocurre en el Caribe, ocurre en La Habana, tres años antes que la llamada Les Magiciens de la Terre —presentada en el Centre Pompidou y el Parc de la Villette en 1989—; esa dimensión global del Caribe a partir de este evento.

¿Cuáles medios usaban en la difusión de la crítica contemporánea en Cuba?

Era sobre todo la prensa (periódicos), revistas y un espacio que fue muy importante para este movimiento de renovación, que eran los catálogos de las exposiciones, porque era un espacio más libre, es decir, en la revista tenía alguien que aprobar lo que había que publicar, el periódico mucho más; en cambio, en estos catálogos era mucho más libre, ahí estuvo lo mejor de lo mejor de la crítica. Volumen 1 que es considerada la exposición emblemática que marca el cambio en Cuba, el catálogo es una hojita, un pequeño pedazo de cartulina; debido a esa libertad hubo mucho de esa crítica, mucho más de la crítica significativa.

¿Cómo percibe la crítica del Caribe hispano hoy?

A la crítica del Caribe le está pasando lo mismo que a toda la crítica del mundo hoy, y es que ha ido en baja, ha disminuido mucho la práctica de la crítica por varias razones. Lo primordial es que los críticos se han transformado en curadores, que es tu caso y mi mismo caso, que actualmente trabajo más exposiciones que crítica, claro que yo sigo haciendo critica también; eso nos afectó mucho. Otra afectación es que debido a los tiempos de crisis muchas publicaciones cerraron, porque ya no podían seguir. Cerraron también los suplementos culturales de los periódicos, porque esto es algo que se ha olvidado. Todo periódico que se respetara antes tenía un suplemento cultural; por ejemplo El Espectador, que era el suplemento más importante en Colombia, un suplemento extraordinario de un grandísimo nivel intelectual. Entonces, viene el internet, pero hay un momento de transición porque todo esto desaparece primero y no había internet, entonces, la gente se aleja. Pero debo decir que ahora con el internet se está recuperando un poco, pero se ha visto afectado y la práctica de la crítica ha ido a menos.

En este Caribe hispano hay que incluir a Panamá, porque Panamá es Caribe, porque toda su historia y toda su cultura es del Caribe, y no de la América Central, Panamá no formó parte de la capitanía de Guatemala, sino era parte de la Nueva Granada. Figuras como Mónica Kupfer, corresponsal permanente para Panamá de la revista ArtNexus, y Adrienne Samos.

Nelson Rivera / Puerto Rico

¿Cómo se comienza a hacer crítica de arte desde Puerto Rico?

La crítica de arte que ha existido en Puerto Rico en sus comienzos, siglo XX, es más bien una crítica literaria. Escritoras como Concha Meléndez quien fue una figura muy importante, cubrió exposiciones, pero siempre fue más desde la literatura; al igual que ella, Margot Arce de Vásquez que era crítica literaria y tuvo algunas reseñas en exposiciones de arte, como la muestra de Francisco Vázquez Díaz, Compostela, en noviembre de 1940.

¿Cuál es la imagen de la crítica de hoy comparada con la de ayer?

Ha habido un cambio grande en términos de cómo se percibe. Antes la crítica salía en la prensa, en periódico regular, la prensa siempre separaba espacio para ello; no solamente durante los días de semana, sino también los fines de semana. Le dedicaban hasta cuatro páginas en la edición dominical a la crítica de arte. Periódicos como el Nuevo Día, El Mundo, El Reportero, que ya no existe. Esto ha creado una situación distinta a como se percibe la crítica, se ha perdido ese sentido de discusión que es lo que yo entiendo como la crítica: problematizar el trabajo que hace el artista de ese trabajo con lo que vino antes, con lo que venga después, por los propios compañeros de ruta. Esas cosas se han perdido.

Algo que yo extraño mucho en estos días es que, en la presencia de los medios digitales, los podcasts, streaming, se pierde un poco el pensamiento riguroso, y se queda en el simple hecho de me gustó, no me gustó. La crítica de por sí, debe ser un ejercicio intelectual bien fuerte y erudito. Estas son cosas que yo considero esenciales en la crítica.

¿Podemos definir la crítica como algo esencialmente escrito?

Para mí eso es lo que es. Tal vez la edad me traiciona, pero una persona más joven diría lo contrario. El libro es muy importante, para ver. De otra manera siento que no tiene el peso.

¿Quiénes escribían crítica en ese período de los años 1970?

En ese periodo hacían crítica Myrna Rodríguez, Marimar Benítez, Ernesto Ruiz de la Mata. Pero considero que Marimar Benítez es que lleva el peso de la crítica más importante en esas décadas de los finales de los 1970 y 1980.

Es en el principio de los 1970 que Marta Traba llega a Puerto Rico, donde la comunidad cubana en el exilio le montó una campaña bastante fuerte, desprestigiándola, ya que en el 1968 estuvo en Cuba con su esposo Ángel Rama, catalogándolos de castro-comunistas en aquella época, siendo expulsada de la Universidad de Puerto Rico. En su breve estancia en Puerto Rico, escribió algunos libros: «Propuesta polémica sobre arte puertorriqueño», «La Rebelión de los Santos», y «Cuatro pintores puertorriqueños», que aún permanece en el Instituto de Cultura sin publicar; tal vez por razones políticas no se publicó estando ella en vida.

¿Cómo era la relación a nivel de crítica de arte de Puerto Rico con los países del Caribe hispano?

La relación con República Dominicana era diáfana, teníamos intercambios, con Cuba fue una relación tensa por la política; los 1970 y los 1980 son años de terrorismo de la derecha cubana en Puerto Rico y entonces había mucho temor, era terrorífica esa relación, por lo tanto era más difícil mantenerla, intento pensar. Y la verdad que no tengo memoria de una buena relación en esos años. Actualmente, la relación es mucho mejor que décadas atrás, ya uno no siente ese temor como antes, pero sí siempre hubo una buena relación con la República Dominicana. Había una admiración con ese Museo de Arte Moderno que ustedes poseen, es maravilloso para nosotros.

¿Cómo usted ve la crítica actual, en relación con la de antes?

Entré a la crítica por circunstancias, llevo años haciendo esto, pero no fue algo que yo llegué a hacer conscientemente. Yo he asumido unas posiciones bien específicas, y particularmente política, mientras yo veo que los historiadores del arte ven la crítica desde un sentido más estético, y la conexión con lo político y social queda un poco al lado, cuando para mí eso es lo principal, esa es mi opinión poco objetiva. La crítica actual es un poco más tímida, no que no existe, pero también pienso que responde al momento que vivimos, porque definitivamente hay que decirlo que aquí hay una censura, y en este momento, que es un momento crítico en la historia de Puerto Rico, los que estamos en las artes nos estamos enfrentando a las instituciones como el Museo de Arte de Puerto Rico, un museo que existe para prostituir nuestro arte y que lo hace consistentemente hasta el día de hoy. Entonces, uno está luchando para decirlo como Marta Traba, uno está luchando con un Goliat, así lo describió ella en los años 1970. El crítico en Puerto Rico es David contra Goliat. Y pienso que aún seguimos ahí. El crítico tiene que ser cauteloso, no se puede decir lo que uno piensa porque entonces te van a cancelar, sobre todo la crítica ante la institucionalidad.

Aunque tengo que decir, que hay unos críticos y curadores aquí que han asumido unas posiciones bien claras, estoy pensando en Sabrina Ramos Rubén, Emilia Quiñonez Otal y Carlos Ortiz Burgos.

¿Qué hechos marcaron a Puerto Rico en los años 1960?

En los años 1960, contrario a los demás países del Caribe hispano, aquí estaba todo mucho más tranquilo, porque se usó mucho lo de la Revolución cubana para meter miedo en contra de la independencia, es algo que ha sucedido en la historia de Puerto Rico en varia ocasiones, cada vez que aquí hay un movimiento independentista, vienen exiliados de otros lugares y atrasan la posibilidad de nosotros también hacer una independencia, como los cubanos que vinieron tras la revolución, que tuvieron mucho peso en la política puertorriqueña. Aquí estábamos reprimidos, había una tranquilidad y esta idea de que vamos a adelantar, a avanzar los proyectos culturales institucionales, gracias a los Estados Unidos somos los que vamos a avanzar en América. Era la actitud de esa época.

Nuestros profesores eran exiliados españoles, no había tanta investigación sobre arte puertorriqueño, se desconocía ese arte. Es que era imposible hablar de ese arte sin hablar de política, y como no estaba permitido la investigación se mantenía bastante en la superficie. No es como ahora, que encuentro que hay mucha más investigación.

Yolanda Wood /Cuba

¿Cuál es la imagen de la crítica hoy, para usted? Me refiero comparada con la crítica de ayer.

Han cambiado mucho los sistemas de producción crítica, es decir, no solamente lo que tiene que ver con la escritura, sino muchas otras alernativas de producción crítica, y creo que es sumamente ventajoso porque nos sitúa tambien en unas dinámicas que tienen que ver con toda esta producción a escala global.

Hoy día, por ejemplo, es muy frecuente que los artistas que antes te pedían un texto para su catálogo, pues te piden un texto para su sitio web, para su exposición para referirla en Instagram, o sea, hay muchas otras alternativas que están funcionando, como los podcasts, los streaming, que están dando numerosas alternativas, porque puedes oír conferencias, y sigue siendo crítica; entonces, los medios han modificado, han cambiado y se intensifican las prácticas, incluso yo diría que hay una apertura etaria, porque observas muchos jóvenes que están produciendo imágenes de las obras que vemos de lo que están haciendo los artistas, y lo están haciendo hasta en TikTok, porque son los medios que tienen a su disposición.

Entonces, creo que es muy interesante como fenómeno, creo que nos tenemos que abrir a estas alternativas múltiples, por supuesto, siempre le doy mucho peso a la memoria crítica de la región que está por construirse, en el sentido de los fundadores de pensamiento crítico, y ese sentido me parece sumamente importante. Es combinar esta faceta de una crítica que se está dinamizando a escala global y que a su vez nos conduzca a no desconocer, a no ignorar, a no obviar, pues es un pensamiento crítico que se ha ido forjando a través del tiempo, y que tiene figuras que son claves. A mí me llamó mucho la atención que Samuel Hernández Dominicis se refiriera a que en Cuba la crítica lleva firma de mujer, y son mujeres, son mujeres las que básicamente han elaborado, siendo claves en esta práctica, y es un fenómeno tanto en Cuba, República Dominicana y Puerto Rico. Sin duda la presencia de la mujer, hay nombres de mujeres que han sido clave como fundadoras en la presencia del pensamiento crítico.

¿Podría hablarme un poco de la crítica de arte del Caribe hispano en relación con la del Caribe inglés y francés, en el sentido histórico?

En relación con la crítica del Caribe francófono y anglófono ante el Caribe hispano después de los años 1960, 1970, y sobre todo a partir de los años 1980, he visto como se ha producido una expansión, en la producción artística en territorios donde no tuvieron una tradición tan marcadamente como en los países hispanos del área del Caribe, y eso tiene razones históricas, es decir fueron colonias de plantación, donde no se produjeron sucesos culturales con la misma intimidad que el Caribe hispano. Pero hoy día podemos hablar específicamente ya de una emergencia de los territorios de las pequeñas islas, incluso no solamente en términos de la producción artística, sino también de la producción crítica y en particular de la participación en proyectos y eventos internacionales, como puede ser la propia Documenta, La Bienal de Venecia, es decir, una proyección que ha ido revelando la emergencia de las pequeñas islas, y creo que es una tendencia ante las problemáticas del Caribe contemporáneo.

Es un error considerar que la validación de la crítica de arte está en el texto escrito. Como docente, pienso que el ejercicio crítico que se ejerce desde la palabra, desde el espacio, en el curso de la clase, en la confrontación docente, es un espacio crítico que a veces se desconoce porque hay cierta resistencia al tema de la academia, yo no digo que no sea justificado, la academia ha pasado por muchas etapas, y ha tenido muchos nombres, pero hay nombres que hay que tener en cuenta desde el punto de vista de cómo han logrado activar desde el espacio de la academia un sitio de reflexión y a la vez un sitio de formación crítica. Porque no vale de nada pensar que la crítica emerge desde de la soledad del escritor, desde su computadora, su pluma, hay una sociabilidad crítica que también tiene un espacio importante en los sitios de formación. Pues, entonces, yo le doy mucho valor eso, a esa crítica que fluye desde los espacios, también, de conocimiento y que puede ser muy favorable a generar un concepto de la crítica desde los mismos procesos de formación.

¿Por qué la crítica de arte se ha asociado siempre a algo negativo, como a un miedo al crítico?

La crítica de arte, globalmente, siempre se ha asociado a algo negativo, a un «NO», a una escala mucho más grande que la nuestra y nuestros contextos. Yo lo que creo es que la crítica lo que sí necesita es un posicionamiento del que habla, del que mira; ese posicionamiento no necesariamente tiene implicaciones de negatividad.

Lo que importa es el posicionamiento, que asumamos un tema desde donde lo miremos, con qué sentido lo colocamos en nuestro tiempo, porque creo que la crítica tiene una función que tiene que ver con su existencia dentro de un contexto, dentro de un tiempo determinado. Hoy no es posible hacer la misma crítica que se hacía en los años 1930, ni 1940, ni 1950… ¿Por qué? Porque nuestro tiempo nos exige, incluso, hasta otra manera de decir las cosas. Creo que un crítico es una figura de su tiempo que debe adoptar y elaborar un posicionamiento crítico, no sé si te has dado cuenta de que en nuestra conversación me he referido a un pensamiento crítico, es decir, la crítica al margen del pensamiento que la sustenta; cuáles son las bases en que se construye ese pensamiento que pueden contribuir a esas múltiples funciones que contiene la crítica, que no es solamente su relación con el arte, es su relación con el público, con el espectador, con la sociedad. Contribuir a dejar tu interpretación del tiempo en ver una obra y sus circunstancias, porque también cambian esas interpretaciones con los tiempos, y por eso hoy se revisan con consideraciones críticas de autores presentes, de maneras de interpretar una obra, se enriquecen las miradas, porque estamos mirando desde otro lugar, y desde donde se mira es mejor para comprender de alguna manera esa multifuncionalidad que tiene la crítica y de la que somos responsables para que funcione.

También hay que ver desde dónde se hace la crítica: si es para un público especializado u otro tipo de público no especializado. No es lo mismo hacer la crítica para un órgano de prensa que para una revista especializada, tenemos que ser muy conscientes de que la crítica es un poder a la voz de crítico, le da un poder a quien escribe, cómo la usa, para qué la usa, y cómo la sabe usar en función, no de bajar el nivel ni de mucho menos, no se trata de eso, sino de cómo contribuir a que efectivamente pueda fluir el pensamiento, que es lo que nos preocupa de todos los que hacemos de una manera u otra la crítica. Fluir las ideas.

Sara Hermann / República Dominicana

Sara, contigo seré directo, no te preguntaré sobre tus inicios en el mundo de la crítica de arte, porque somos muchos que te conocemos. ¿Cuál es tu opinión en relación con la falta de información sobre la crítica de arte en los medios digitales?

Existe un problema con la digitalización. No toda la historia se sistematiza correctamente en los medios digitales en la actualidad, uno se pierde muchísimas cosas en el camino; por ejemplo, muchos de los críticos de República Dominicana, como doña Marianne de Tolentino, y al igual que yo, no tenemos páginas ni nada por el estilo, y esas cosas hacen que no tengamos registro y estén en un limbo, porque mucha de la producción de la crítica de arte del en el Caribe hispano, por su mismo carácter puntual de ser escritos que salían en prensa, eso ha hecho que mucho de esto se haya perdido y no esté sistematizado.

Hay muy poco compendio de esta documentación, de hecho, a mí me sorprende que nadie se le haya ocurrido que a doña Marianne, una persona que escribió en el periódico durante años, todos los santos días sobre arte, nadie haya pensado hacerle un libro sobre la selección de sus artículos. Hay muchos críticos como Yolanda Wood, Gerardo Mosquera y aparte de ellos hay muchísima gente que son fundamentales en el mundo de la crítica de arte como, por ejemplo, en Cuba estaba Desiderio Navarro, que fue instrumental para darle un cuerpo teórico a lo que es la producción artística, junto con críticos como Gerardo, por supuesto; pero Desiderio fue instrumental en el análisis filosófico de todo el trabajo que se estaba haciendo. En ese mismo orden se encontraba María Elena Jubrías que era también fundamental, de los años 1960 hasta la fecha.

¿Y en República Dominicana, quiénes fueron nuestros primeros críticos?

En República Dominicana, la primera persona que menciona arte contemporáneo en un periódico hablando de una exposición que organizaba la entonces Embajada de los Estados Unidos es Manuel Valldeperes en los años 1960. Aparte de Manuel Valldeperes está también el análisis cultural, que no es lo mismo que la crítica de arte, de María Ugarte, que fue fundamental. Héctor Soto Ricart también fue muy importante en ese discurso. Parte de los escritos de arte lo hacían muchos artistas como Wifredo García, que durante mucho tiempo escribió para reivindicar el papel de la fotografía.

Entonces, ¿qué ha pasado con la crítica de los años 1960 a la actualidad?

Lo que ha pasado de los años 1960 para acá, que son unos 60 años, es que ha habido un cambio, una diversificación de la propia disciplina de la crítica de arte, si bien es cierto que la crítica de arte en algún momento servía para establecer una especie de puente entre los públicos y la producción artística, no es menos cierto que lo que va pasando al desarrollarse o especializarse los campos del trabajo cultural cada día más, se van también ampliando las capacidades de un curador, que pasa también a ser escritor; la crítica de arte entra también en una especie de crisis en estos países porque comienzan a desaparecer los medios de promoción cultural, es decir no hay periódicos, no hay nada. Entonces, la crítica se concentra en textos para catálogos y alguna puntual publicación que no pueden ser de otra manera más que alabatorios, porque obviamente son textos para catálogos, porque está claro que el que escribe no va a hacer un texto desprestigiando al artista y su obra; en ese sentido, entiendo que en cierta manera desacredita a la crítica de arte. Se comienza a pensar que crítica de arte sirve a quien le pague. Entonces, hay un proceso de debilitamiento de la propia disciplina por un agotamiento de los caminos para difundirla; si hay un boom en los 1970 y los 1980 de publicaciones y de medios donde aparecen artículos de crítica de arte, comienzan a desaparecer localmente y por lo tanto los escritores locales comienzan a tener más dificultad para tener una plataforma.

Por lo tanto, es que es un problema que ha sido histórico y también afecta a la profesión del curador y tiene que ver con los procesos de monetización o de intercambio monetario con este tipo de actividad profesional.

¿Cómo vivimos la crítica desde el Caribe?

Como ejercicio de opinión la crítica de arte se ha entendido como que no hay que pagarla, porque es un ejercicio de opinión, sin embargo, es un ejercicio desde un conocimiento profesional, es un campo disciplinar. Eso es otra cosa importante: no solamente tienen los medios para escribir como los outlets, hacer crítica de arte es una carrera y debe tener beneficios económicos. Muchos de los que se llamaban críticos de arte comienzan a permear otros campos donde se puede sobrevivir económicamente.

Imagina que uno tiene un sector cultural que ha dejado de percibir medios de difusión, que no considera la crítica como una profesión que requiere un pago, y además tú tienes un deterioro en el sistema educativo como en República Dominicana. Desde un principio los críticos de arte venían de fuera, donde eran educados en otras ramas. Por ejemplo, Darío Suro tiene una crítica de arte muy poderosa, muy fuerte, pero todo tiene que ver con su educación como artista y como amante de las artes. Tampoco hay una oferta de formación en Crítica de Arte, no la hay hasta casi terminándose el siglo XX y entrado el siglo XXI, y lo que hay es Historia del Arte, tampoco necesariamente tiene que ver con la práctica de escribir.

Hay muchos escollos que comienzan a hacerse más patentes en la medida que va transcurriendo el tiempo, lo que hace que la profesión del crítico de arte pierda fuerza.

¿Por qué?

Porque los críticos de arte, a mediados del siglo XX, tuvieron mucha fuerza, y su opinión tenía mucho peso, y era muy reconocida, pero a medida en que fueron pasando estas cosas de las que te hablo como, por ejemplo, la disminución de los canales difusión de esa crítica de arte, la pérdida de importancia del campo laboral del crítico del arte que no se le veía uso, la falta de educación en ese sentido y la ampliación de la disciplinas de trabajo, eso hace que el crítico pierda prestigio, importancia, resonancia. Entonces, comienza a jugar un papel el curador, y comienza el curador dentro de sus labores a escribir sobre las cosas que hace, y no que un crítico que viene de fuera a hablar de la exposición que tú haces, en tu catálogo, sino que tú mismo vas a comenzar a hablar de ese tipo de cosas.

¿Podemos todavía definirlo como algo esencialmente escrito?

Cuando comienza a desaparecer lo cultural de los periódicos, también comienza a debilitarse el rol del crítico de arte, es fundamental tratar de entender cómo incide en el desarrollo de ciertas figuras. También hay otro elemento que afecta tanto en Puerto Rico, Cuba y República Dominicana, en Cuba no tanto porque en Cuba siempre ha habido una ayuda exterior que nos excede que es la publicación, los libros perdieron importancia en nuestras sociedades, y más los libros que abordan el pensamiento y la crítica de arte. Como no hay publicaciones, tampoco hay mucha referencia de qué es lo que hace, aunque hay algunos libros todo se pierde por falta de estar sistematizado. Lo que provee lo editorial, y el archivo personal, es precisamente la sistematización, lo que previene el olvido y lo que previene la pérdida de ese pensamiento es la sistematización y el estudio. Ahora, otra cosa, eso es en cuanto a la presencia del crítico y la crítica de arte en nuestros países. Eso mismo con José Antonio Pérez Ruiz, Haydée Venegas en Puerto Rico.

Hay otro fenómeno que también entra a jugar parte y que hace que todo este panorama se transforme, es el de los contenidos, lo conceptual. Si bien es cierto que antes tú podías escribir un artículo en el periódico hablando sobre una exposición, esa posición personal, individual y en muchos casos, no necesariamente tenía que estar informada, comenzó a perder fuerza, y se comenzó a buscar un examen más exhaustivo de las cosas, pero como no era retribuible, ni esa crítica era difundida, se perdió el interés de investigar más.

La crítica de arte siempre ha sido un instrumento con cierto lenguaje para eruditos, y orientada al sector más intelectual. ¿Son los críticos llamados a recuperar o insertarse en esos nuevos lenguajes?

Otra de las cosas que se perdió y que se está perdiendo, y que está a tiempo de recuperarse, es cómo piensan los que nos piensan. Si uno analiza el cuerpo de trabajo de una María Elena Jubrías, de una Marianne de Tolentino, uno se va dando cuenta cuál es la línea de pensamiento de esta persona, qué instrumentos utilizaba en términos del lenguaje y semánticos para hacer que la obra estuviera más cerca de las personas, porque lo que hace Marianne de Tolentino para acercar más la instalación a la gente, lo aborda de una manera increíble, ¿Pero cómo lo hace? Lo hace hablando en términos llanos; hay que ver cómo el crítico lo hace, porque es muy interesante saber cuáles son los obstáculos y los retos que se les presentan para llegar donde está hoy. De igual manera es importante saber cómo los contenidos se han ido modificando, en la medida que el tiempo ha ido pasando.

Un ejemplo esencial para pensar es como Mirna Guerrero desde el programa de radio El matutino alternativo ha logrado un nicho fundamental, porque ahora la radio es también digital, es un podcast. Lo interesante del caso de Mirna es cómo ella ha logrado actualizar las vías de comunicación, que son unas posibilidades que tiene la crítica de arte hoy: asumir los nuevos canales en los medios actuales de difusión. Así como el contenido ha modificado, así lo entiendo, ha pasado de ser un recuento personal e individual de un evento artístico a ser un ejercicio de reflexión, porque lo exigen así los nuevos públicos, de reflexión cultural, donde se habla de contexto, donde se hablan de muchas cosas.

¿Cómo afecta el nivel educativo en el consumo cultural, tomando en cuenta las diferencias en las políticas públicas del Caribe hispanohablante?

Hay un desnivel entre los tres países del Caribe hispanohablante, por cuestiones que están relacionadas primero con lo educativo, no solo en formar profesionales que puedan ejercer la crítica, sino lo educativo en cuanto al uso y consumo de bienes culturales, la crítica de arte tiene trascendencia cuando tiene un público que la consuma, si no tenemos un público educado a consumir cultura, ni tienes un personal formado profesionalmente para transmitir esos eventos culturales, entonces, tienes un problema educativo.

En ese sentido, Cuba, hasta finales de la década de 1990, nos lleva mucha ventaja por la cuestión de un sistema educativo mucho más estructurado, más redirigido a esto. Mientras Puerto Rico, por su condición de Estado libre y asociado, y afiliación al sistema educativo norteamericano, también tenía siempre la posibilidad de educarse en escuelas norteamericanas o en su defecto incluir los curriculum de estas escuelas de Estados Unidos en Puerto Rico. Sin embargo, aquí en República Dominicana no. Hay un gran desbalance fundamental en lo educativo.

Por otro lado, comparativamente, eso afecta a los medios de difusión, de manera completamente diferente porque en publicación, Puerto Rico está mucho mejor que todo nosotros, mejor que Cuba que solamente tiene un órgano del Estado, tenía algunas revistas como Casa de las Américas, que se preocuparon, pero sus capacidades eran menores que las que tenían la Universidad de Puerto Rico y otras instituciones.

Otra cosa que se diferencia es el factor de lo académico, en Puerto Rico hay un énfasis en la investigación y en fomentar la crítica de arte, igual que pasa en las universidades de Cuba. Eso no pasa aquí, porque aquí no hay planes de investigación. Si vamos a eso, nosotros estamos en desventaja con el resto del resto del Caribe hispano, pero eso es ahora, en su momento estuvimos más o menos equiparados, en su momento había una especie de diálogo entre los pensadores y críticos de arte de toda esta área.

1 Gerardo Mosquera, conferencia Caribe Hostil «Chotin Mac en Panamá».

2 Pensamientos sueltos sobre la pintura, Denis Diderot. cit., p. 92.

3 Samuel Hernández, «La crítica de artes visuales: Con firma de mujer», Seminario Web: Parálisis y disrupción en la Crítica de Arte en la Cuenca del Caribe (1960-2000), https://www.youtube.com/watch?v=FYt6aMEExP8

4 https://revistasipgh.org/index.php/rehiam/article/download/596/1361/4495

5 Primera Exposición Independiente de Arte Puertorriqueño, Documents of Latin American and Latino Art, https://icaa.mfah.org/s/es/item/824044#?c=&m=&s=&cv=&xywh=-166%2C15%2C1015%2C568

6 Juan Bolivar Díaz entrevista a María Ugarte, en 2006 https://www.youtube.com/watch?v=2C7zwI2dDkY

7 https://humanidades.uprrp.edu/visiondoble/marimar-benitez-una-larga-trayectoria-en-el-arte-puertorriqueno/

Orlando Isaac, es un curador independiente dominicano egresado del Programa Curando Caribe 2016 en donde desarrolla proyectos curatoriales con artistas de la escena nacional e internacional, es graduado de la Universidad Autónoma de Santo Domingo de la Facultad de Artes, Egresado de la Escuela de Diseño Altos de Chavón afiliada a la Parsons School of Design de New York en la cual actualmente es docente en Dirección de Arte; a través del Programa Curando Caribe del Centro León y Centro Cultural de España ganó por concurso, la residencia curatorial que ofrecía Tropiques Atrium para la realización de una exposición en en Fort de France en Martinica, tiene un master en Dirección Cine/Video de la Escuela Superior de Imagen y Diseño (IDEP) en Barcelona, España, Recientemente obtuvo un Certificado en Estudios Afrolatinoamericanos en Afro-Latin American Research Institute at the Hutchins Center de la Universidad de Harvard, siendo su trabajo final un corto-documental “Con un pie aquí y otro alla” fue premiado por el comité ALARI por lo cual fue invitado por la la Universidad de Harvard para exponer en la Mesa Continental celebrado en diciembre del 2022 en Bostón, EE.UU. y más recientemente la curaduría editorial para el Libro Happy: Ensayos sobre la obra de Jorge Pineda para el Centro León y La Universidad Complutense en Madrid, España.

Como curador su trabajo se ha visto implicado tanto en el campo investigativo, diseño expositivo y  museográfico, Curaduría editorial así como artículos y entrevistas para diferentes medios escritos entre ellos la revista “Arquitexto”; la revista cultural “¿Cómo así?”, Faires Mondes entre otros.

Exposiciones recientes 2024:

– 2024: Curaduría/museografía, Expo “Jenny Polanco: FlashBack”, Museo de Arte Moderno de Santo Domingo, en el marco del Festival de Fotografías, PHOTOIMAGEN. 

– 2024: Curaduría/museografía, Expo “Territorio movedizo”, Geard Ellis, Centro Cultural de España, Santo Domingo 

– 2024: Diseño Expositivo, Expo “Amor, Amor: Pulsaciones de la Tierra, la casa y la piel”, Raquel Paiewonsky, Mercedes esq. Duarte Ciudad Colonial

– 2024: Curaduría/museografía, Expo “Niebla Rosa, Nave Azul”, Melissa Mejía, Lucy García, Gallery