A fòs karésé ich-li, makak tchoué-y.
Originaire de la Martinique, je vis et travaille aujourd’hui à Paris en tâchant de maintenir des liens avec mon île natale. Ces liens entre la Martinique et l’ailleurs nourrissent depuis dix ans maintenant ma pratique d’artiste-chercheur de questionnement, d’incertitudes et occasionnellement de certitudes que je traite dans une thèse de doctorat entamée en 2020 à l’université de Rennes 2 en Bretagne.
À cette époque, je suis perçu comme un artiste antillais, noir, cosmopolite et j’ai pour principal intérêt la compréhension de l’influence d’un brassage culturel sur ma pratique plastique et la façon dont elle se traduit visuellement, sensiblement.
J’ai progressivement pris conscience de ma position privilégiée pour penser ce qu’est un artiste antillais, ce qu’est un antillais artiste, car je suis à la fois artiste et chercheur intrinsèquement lié au sujet.
Désormais, je cherche à comprendre comment on s’affranchit de cet essentialisme qui renferme l’artiste antillais dans un répertoire de rôles et d’attentes prédéfinis. Comment l’antillais artiste saisit lui-même sa propre situation pour dépasser cette dialectique, en devenant un antillais artiste ?
Nombreux sont les artistes qui, malgré un certain nombre d’années de pratique et un riche corpus plastique, restent peu présents sur le marché de l’art et demeurent en marge d’un circuit menant à ce qui peut être considéré comme une reconnaissance par les instances de légitimation: représentation par une galerie, participation à des foires internationales, acquisitions par des collectionneurs, etc. Plus souvent que rarement, ces artistes sont associés à des profils définis comme étant minoritaires: femmes artistes, artistes racisé(e)s, artistes extra-occidentaux. En Martinique et plus largement dans le bassin caribéen, les artistes accumulent les étiquettes mais se retrouvent pour beaucoup dans la catégorie de l’artiste antillais. Ainsi, en plus d’être singulièrement des minorités, ils s’affilient à une catégorie artistique elle aussi minoritaire dans le monde de l’art. Néanmoins, cette catégorisation ne fait pas l’unanimité, car si certains revendiquent une appartenance à la catégorie d’artiste antillais, d’autres la refusent en établissant une distinction entre l’artiste antillais et l’artiste originaire des Antilles.
Occasionnellement, certains plasticiens originaires des Antilles apparaissent comme d’heureux élus et bénéficient d’une mise en lumière fulgurante, qui en quelque sorte remet en question le caractère marginal associé à la catégorie. Je m’interroge alors sur les critères utilisés par les observateurs du monde de l’art pour définir ce qu’est une catégorie minoritaire et les possibilités qu’ont les artistes de s’en émanciper.
En effet, l’artiste martiniquais est en théorie français mais il peine à se défaire de ce label antillais qui laisse quelques fois penser que la qualité lui valant d’être exposé est d’abord son origine et l’imaginaire qui en découle, au détriment des qualités esthétiques de son travail.
Toutefois, il faut reconnaître que ce même artiste est français en pratique également et qu’en dépit de son statut minoritaire, il peut – en faisant preuve de débrouillardise et d’investissement – tirer parti des quelques avantages qu’offre la délégation de l’attribution d’aides publiques financées par l’état à la collectivité territoriale ou encore au représentant des politiques culturelles sur le territoire qu’est la Direction des Affaires Culturelles. Cela dans des conditions aménagées et une certaine proximité avec les agents décisionnaires qui ne seraient pas les mêmes en France continentale. J’évoquerais également l’opportunité – car parler de chance serait grossier – qu’ont les artistes antillais (car ultramarins), de bénéficier d’un programme de résidence soutenu par le ministère des Outre-mer.
Mais que se passe-t-il concrètement après l’obtention de ces aides, après une participation à un programme de résidence à destination de… cette catégorie minoritaire qu’est celle de l’artiste antillais ? Y a-t-il une reconnaissance effective à la clef ?
Les collectivités, les représentants de l’État et autres organismes ne peuvent être tenus responsables de la façon dont les artistes font usage des opportunités qui leur sont offertes, car ces derniers sont maîtres des stratégies de carrière qu’ils déploient. Mais il me semble que malgré la nature avantageuse que revêt l’accès à ces dispositifs et aides, à l’issue et pour plus de la moitié des concernés, ils ne font que leur rappeler leur condition initiale d’artiste minoritaire.
Aujourd’hui, malgré l’agitation que j’observe autour du fait que les artistes antillais – parmi tant d’autres – sont invisibles, je remarque que peu de solutions efficaces sont mises en place par les agents locaux et nationaux du monde de l’art pour y remédier. Ce qui me pousse à interroger un fait qui semble être mis de côté par ces agents, ou qui peut-être n’est simplement pas mis en évidence avec la même énergie dénonçant la marginalisation de ces artistes, car il repose sur une subtilité.
En effet, il me semble que les entités invisibles ne se donnent pas à voir en s’agitant entre elles, mais en se manifestant, en étant convoquées dans un espace visible.
Pour illustrer cela on peut imaginer sur un tableau, le séancier d’une petite campagne s’étant fait une réputation après avoir révélé à une veuve, lors d’une séance à huis clos où son époux décédé avait dissimulé une petite fortune. Je n’ai pas l’intention de livrer ici l’intrigue d’un roman probablement déjà écrit, mais on se doutera que cette information aura pu être portée à l’oreille du séancier après que le regretté n’ait terminé son septième ti-punch un vendredi après-midi quelques mois auparavant.
Je ne peux m’empêcher d’imaginer les commissaires, critiques et autres agents qui prennent position et agissent au nom de l’art comme cette prétendue figure chamanique. Ne se prétendent-ils pas en quelque sorte capables d’invoquer des entités invisibles dans un soi-disant monde visible, leur ouvrant ainsi les portes d’une reconnaissance relative et limitée à un cadre préconfiguré ?
Quelquefois, j’entends un ajustement des termes rappelant que ces artistes ne sont pas invisibles, mais plutôt invisibilisés, ce qui me conduit à me demander qui mène cette action d’invisibilisation ? Ne serait-ce pas potentiellement ces mêmes personnes qui ont la charge de « prendre soin » des artistes: les curateurs, les critiques et autres agents qui se seraient fait spécialistes de la catégorie, qui mènent inconsciemment ou consciemment des actions d’invisibilisation ?
Je ne peux alors m’empêcher de penser à un proverbe créole selon lequel, à force de caresser son petit, la maman macaque l’a tué.
Ces éléments que j’avance sont liés à mon expérience personnelle, l’influence de mes lectures et ce qui ressort de mes échanges avec mes collègues artistes. Toutefois, il reste selon moi essentiel de pouvoir équilibrer ces propos à caractère critique. Afin de laisser de la place à la nuance, j’ai entamé une discussion avec Gérald Alexis, historien de l’art né à Haïti, installé au Québec depuis vingt ans et Frédéric Guilbaud, agent du monde de l’art ayant tenu pendant près de quinze ans en Martinique un programme de résidence international.
Stedy THEODORE: Il y a quelques générations de cela, Ernest Breleur quittait le groupe Fwomajé avec la volonté de s’émanciper d’une pratique plastique dont les bases s’établissaient sur la recherche identitaire. Il souhaitait se concentrer sur une pratique plastique répondant à des problématiques plus générales de l’art contemporain. Cette démarche que je considère raisonnée pour l’époque, semble remise en question aujourd’hui par une volonté des jeunes générations de se fédérer sous la bannière de « l’artiste antillais » pour faire face au manque de visibilité que ressentent les artistes originaires des Antilles sur la scène internationale. Cela au détriment de ce qui pourrait être l’affirmation d’une identité plastique singulière, s’inscrivant dans une sous-catégorie de l’art contemporain sans paternité géographique: art conceptuel, performance, art minimal, peinture contemporaine, etc.
Gérald ALEXIS: Je me souviens qu’en 1993, à Curaçao, Ernest Breleur présentait ses portes, un élément caractéristique d’une architecture régionale, dans le cadre de la manifestation Caribéenne qui se tenait dans cette île. On était en droit de se demander si ce choix était motivé par une volonté d’être dans le ton de l’événement ou était-ce pour affirmer son identité ou encore pour dire qu’il était résolument un artiste contemporain.
On voit comment l’interprétation d’une œuvre peut être multiple. Alors, pour aller plus loin, on peut aller chercher des détails sur la vie de l’artiste, ses origines, son milieu, sa formation en tant qu’artiste. Si on fait cela, alors on verra que les trois propositions faites antérieurement sont valables. Ce serait plus qu’étrange de montrer alors une procession de religieuses scandinaves.
On peut comprendre que sa formation en arts appliqués et en arts plastiques lui a permis d’envisager l’emploi de matériaux divers (qu’ils soient régionaux ou pas). Quand on sait qu’il a étudié en France, à Paris surtout, on peut comprendre qu’il ait des ouvertures sur tout ce qui s’est fait, tout ce qui se fait dans le monde. Quand on sait qu’il vit et travaille en Martinique, on comprend qu’il ait choisi d’utiliser un support facilement disponible. Alors seulement on s’attardera sur le fait qu’il est martiniquais.
Une œuvre d’art découle de techniques et de procédés qui existent déjà, si l’on s’arrête à cela, celui qui produit l’œuvre n’est qu’un artisan. On observe alors une continuité. Mais quand dans l’œuvre on sent une rupture, c’est que son créateur y a apporté quelque chose propre à lui : son génie. Ça a été et c’est encore et encore le cas d’Ernest Breleur. Les jeunes du pays, de la région doivent comprendre qu’il ne s’agit pas pour Ernest Breleur de ne pas être Martiniquais. Il s’agit d’être, mais être tout simplement exceptionnel. Et sa présence sur la scène internationale le prouve bien.


Ernst Breleur
Radiographies de portes-1991
Acrylique sur toile
Stedy THEODORE: Plus de la moitié des artistes vivant et travaillant aux Antilles que j’ai interrogés estiment appartenir à la catégorie « d’artiste antillais ». Pensez-vous que la fédération des artistes sous cette bannière leur apporte quelque chose de fertile ?
Gérald ALEXIS: Je te rapporte certains faits : Lors de mes études aux États-Unis, j’ai eu à fréquenter des artistes afro-américains. Ils ont souvent fait savoir qu’ils voulaient avoir au Musée d’Art Moderne de New York une section qui leur était réservée. Comme artistes, ils sont très sensibles. Comme minorité dans le milieu, ils le sont davantage. Ça m’a donc pris du temps pour finalement leur dire : « Vous ne pourrez pas dire qu’on vous a marginalisé. C’est vous qui l’avez voulu. » De ce qu’on m’a dit, ce projet serait tombé à l’eau.
Avec Mario Benjamin, un artiste haïtien qui a beaucoup exposé à l’étranger, nous participions à une conférence à Washington. Un intervenant, qui faisait référence à lui, a dit qu’il était un artiste haïtien. Un autre plus tard a dit en parlant de lui, qu’il était un artiste noir. Levant la main, Mario a demandé : Pourquoi vous ne dites pas artiste, tout court. Et, crois-moi, il ne voulait renier ni sa nationalité ni la couleur de sa peau.

Mario Benjamin
Sans titre – 1994
Fusain et aérosol sur papier kraft
64cm X 50cm (22” 2/16 X 19” 1/16)
Coll. Particulière
Je connais un jeune artiste haïtien qui vit à Montréal. Il y a de cela des années, il a fait le choix de l’abstraction. Une fois qu’il s’est présenté à un galeriste, celui-ci lui a répondu : Vous vous appelez Smarth, vous avez le teint clair, les yeux verts et vous faites de la peinture abstraite. Comment pouvez-vous vous présenter comme un artiste haïtien. C’est que ce galeriste, comme tant d’autres personnes, avait une idée préconçue de ce que devait être un artiste haïtien.
Il ne faut pas enfermer les gens dans des catégories, il ne faut pas s’enfermer non plus. Certains le font parce qu’ils croient que cela va leur apporter un avantage.

Pascal Smarth
De la série La danse du hasard
Acrylique sur toile
1,90m X 1,11m (75″ X 44″)
Coll particulière
Frédéric GUILBAUD: Un artiste se définit par son travail, l’évolution de son travail au fil des ans, les métamorphoses de son œuvre, il y a un mûrissement qui s’opère avec le temps. Un collectionneur qui s’intéresse à un artiste va s’intéresser à l’œuvre qu’il regarde, et la notion de l’origine du créateur n’est pas le plus important. Elle entre en compte pour mieux saisir ou comprendre certains aspects souvent formels du travail réalisé. Mais ce n’est pas en soi ce qui va déterminer que l’œuvre est intéressante.
Je pense que certains jeunes artistes aiment l’idée d’appartenir à la catégorie « d’artistes antillais » parce qu’ils y trouvent certains avantages. Cela leur permet de se sentir appartenir à un certain réseau composé de plasticiens de même origine géographique. C’est rassurant, peut-être.
Cela peut également permettre d’accéder à une certaine visibilité lorsque le jeune artiste est plongé dans le grand bain du marché de l’art international. Certains collectionneurs recherchent exclusivement des œuvres qui reposent sur des thématiques identitaires ou historiques fortes (esclavage, ultra périphéricité, insularité, migration, écologie…). Les plasticiens peuvent ainsi susciter plus facilement leur intérêt.
En outre, se fédérer sous une « bannière géographique » permettrait peut-être à certains artistes de légitimer le recours à une certaine esthétique, voire à certains matériaux. Cela permettrait d’expliquer plus facilement certains aspects formels d’une œuvre. Lorsque Julien Creuzet parle de mangrove, on comprend mieux certaines de ses installations qu’il faut parcourir comme on le ferait dans une mangrove, zigzagant entre les branches de palétuviers.
Enfin, cela peut apporter un avantage ponctuel, à un moment donné, notamment ces dernières années qui ont vu le marché de l’art contemporain s’intéresser fortement à l’art africain notamment et à des thématiques identitaires ou géographiques fortes.

Julien Creuzet
Attila cataracte 2024
Biennale de Venise Pavillon français
Photo Jacopo La Forgia
Stedy THEODORE: Dans quelle mesure peut-on considérer que les commissaires d’expositions et critiques d’art s’étant fait spécialistes de la catégorie des artistes antillais ont contribué au développement individuel de ces profils sur la scène internationale ?
Frédéric GUILBAUD: A l’heure actuelle, le marché de l’art se caractérise entre autres choses par une offre pléthorique d’œuvres de jeunes artistes. Le nombre de jeunes galeries présentant le travail de jeunes plasticiens explose. J’ose le terme de « saturation » en matière d’offre d’œuvres d’art.
Dans ce contexte particulier je pense qu’on ne peut que se réjouir du travail de commissaires ou de critiques d’art spécialisés dans la catégorie des artistes antillais car ils contribuent à leur donner une place dans le grand bain critique de la scène internationale. Leur articles et expositions permettent de mieux identifier tel(le.s) ou tel(le.s) artistes.
Mais le développement et la maturité du plasticien ne peuvent être que le fruit de son propre travail en atelier ou lors de résidences, confronté à d’autres artistes et à ses propres envies d’expression. Au départ, il y a le travail de l’artiste face à son médium. Les textes ou expos des commissaires ne sont là que pour « visibiliser » ces profils de jeunes artistes venus des Antilles.
Il incombe ensuite aux plasticiens de défendre leurs idées et leur démarche conceptuelle pour pérenniser leur place sur le marché de l’art international.
Ainsi, je pense à la Biennale de Venise de 2019, lorsque le pavillon « des îles de la Guadeloupe » montra des œuvres de Joël Nankin, François Piquet et Jean-Marc Hunt. L’impact sur la notoriété de ces artistes n’a pu être que positif. Cela dit, au-delà de la Biennale, une fois l’exposition terminée, il reste encore beaucoup de combats à gagner pour rester visible sur le marché de l’art international. C’est toute la difficulté de conserver cette « actualité » vivante sur le long terme.
Stedy THEODORE: Pouvons-nous faire un bilan des évènements artistiques dont la thématique se résume à la monstration d’une scène antillaise. Quelles seraient les grandes lignes de ce bilan ?
Frédéric GUILBAUD: Je ne pense pas être compétent pour faire le bilan de ces événements artistiques.
Toutefois, au-delà des avantages évidents que des expositions ayant pour thématique la « scène antillaise » apportent aux plasticiens antillais, à savoir la visibilité sur la scène internationale, la création de réseaux d’artistes, l’opportunité de publications dans des magazines spécialisés, la possibilité de vendre des œuvres à des collectionneurs intéressés par ces thématiques géographiques précises… je vois une limite majeure à ce genre d’expositions : enfermer ces artistes dans des thématiques géographiques, culturelles et identitaires, ce qui peut les inhiber à sortir de ce cadre-là et aller vers des thématiques plus universelles. On voit un plasticien « antillais » avant de parler d’un plasticien tout court, capable d’exister en tant qu’artiste sans mention aucune de ses origines.
Stedy THEODORE: Peut-on émettre l’opinion qu’en se faisant spécialiste d’une scène artistique minoritaire, les commissaires d’expositions et autres agents de l’art n’ont servi d’autre intérêt que le leur ?
Frédéric GUILBAUD: C’est un « drôle » de questionnement. Tous les acteurs du marché de l’art ont des intérêts communs à voir les artistes qu’ils soutiennent s’épanouir sur le marché de l’art. Les commissaires d’expositions et autres agents de l’art font un travail qui permet de rendre visibles beaucoup de démarches artistiques parfois très jeunes, ou périphériques, et cela sert l’intérêt des plasticiens comme le leur si l’exposition reçoit un accueil favorable du grand public et des collectionneurs.
Stedy Théodore
Artiste-chercheur, Stedy Théodore vit et travaille entre la Martinique et Paris. Il est actuellement investi dans un doctorat en arts au sein du laboratoire de recherche Pratiques et Théories de l’Art Contemporain de l’Université Rennes 2. Son projet de thèse intitulé « De l’intention à l’héritage de l’œuvre. La créolisation comme concept de création », démontre une articulation entre sa pratique artistique pluridisciplinaire, une réflexion théorique convoquant des notions du champ des sciences humaines et sociales.
Il interroge le développement des politiques culturelles en faveur de l’art contemporain sur le territoire. Ses travaux de recherche en arts plastiques tendent à développer une perspective objectivante sur la situation de l’art comme fait social dans le contexte martiniquais.
A fòs karésé ich-li, makak tchoué-y.
Originally from Martinique, I now live and work in Paris while striving to maintain connections with my native island. These ties between Martinique and elsewhere have fueled my practice as an artist-researcher for the past ten years, a practice filled with questioning, uncertainty, and, occasionally, certainties. I am studying these themes in a doctoral thesis I began in 2020 at Rennes 2 University in Brittany.
At that time, I was perceived as a Caribbean, Black, cosmopolitan artist, and my main interest is to understand how cultural mixing influenced my artistic practice and how this translated visually and sensibly.
I gradually became aware of my privileged position to reflect on what it means to be a Caribbean artist, to be an artist from the Caribbean, as I am both an artist and a researcher intrinsically tied to the subject.
Now, I seek to understand how one can break free from the essentialism that confines the Caribbean artist to a predefined set of roles and expectations. How can the artist from the Caribbean grasp his own situation to transcend this dialectic and fully become an artist from the Caribbean?
Many artists, despite years of practice and a substantial body of work, remain largely absent from the art market and on the fringes of the circuit that leads to what is considered recognition by legitimizing institutions : representation by a gallery, exhibition in international art fairs, acquisitions by collectors, and so on. Very often these artists are associated with profiles identified as minority groups : women artists, artists of color, or non-Western artists. In Martinique, and more broadly in the Caribbean, artists accumulate labels but are often grouped under the category of “Caribbean artist.” Thus, in addition to being minorities individually, they are linked to an artistic category that is itself a minority within the art world.
However, this categorization is not universally accepted. While some embrace their identity as Caribbean artists, others reject it, making a distinction between being a “Caribbean artist” and an artist who happens to be from the Caribbean.
Occasionally, some artists from the Caribbean emerge as fortunate exceptions, benefiting from a sudden spotlight that somewhat challenges the marginal status associated with this category. This leads me to question the criteria used by the art world observers to define what constitutes a minority category and the possibilities artists have to free themselves from it.
Indeed, a Martinican artist is theoretically French, but struggles to get rid of the “Caribbean” label, which sometimes suggests that the reason for his exhibition is primarily his origin and the associated imagery, rather than the aesthetic qualities of his work.
However, it must be acknowledged that this same artist, being French in practice, despite his minority status, can—through resourcefulness and dedication—take advantage of certain benefits, such as public funding given to the regional government or to the local representative of cultural policy, the Direction des Affaires Culturelles.
These benefits are available under more favorable conditions and with closer proximity to decision-makers than in mainland France.
I should also mention the opportunity—since calling it luck would be rude—that Caribbean artists (as overseas artists) have to benefit from residency programs supported by the Ministry of Overseas Territories.
But what happens concretely after receiving these grants, after participating in a residency program aimed at… this minority category of Caribbean artists? Is there tangible recognition at the end of it all?
Local authorities, state representatives, and other organizations cannot be held responsible for how artists profit by the opportunities they are given, as the artists themselves are in charge of their career strategies.
Yet it seems to me that, despite the advantageous nature of these programs and devices, for more than half of the recipients, they ultimately remind them of their initial status as minority artists.
Today, despite the commotion I observe around the invisibility of Caribbean artists — among many others — I notice that few effective solutions are being implemented by local and national art professionals to address this issue.
This leads me to question something that seems overlooked by these agents, or perhaps simply not highlighted with the same energy used to denounce the marginalization of these artists, as it hinges on a subtle point.
Indeed, it seems to me that invisible entities do not reveal themselves by stirring among one another, but by manifesting, by being summoned into a visible space.
To illustrate this, we could imagine a psychic medium from a small town who gained a reputation after revealing to a widow, in a private session, where her deceased husband had hidden a small fortune. I’m not trying to unravel the plot of a novel that has probably already been written, but one might suspect that this information could have reached the medium’s ears after the late husband finished his seventh ti-punch one Friday afternoon a few months prior.
I can’t help but imagine curators, critics, and other art professionals acting in the name of art the way to this so-called shamanic figure does. In a way, do they not claim to be capable of summoning invisible entities into a supposedly visible world, thereby opening the doors to a form of recognition that is relative and limited to a pre-configured framework?
Sometimes, I hear an adjustment in the words used, reminding us that these artists are not invisible but rather made invisible, which leads me to wonder who encourages this act of invisibilization? Could it potentially be the very people tasked with “taking care” of artists—curators, critics, and other professionals who claim to specialize in this category—who, consciously or unconsciously, are perpetuating this invisibilization?
I can’t help but think of a Creole saying that goes : “By caressing her little one too much, the mother monkey killed it.”
The points I’m raising stem from my personal experience, the influence of my readings, and conversations with my fellow artists. However, I believe it is very important to balance these critical analysis. To allow room for nuance, I initiated a discussion with Gérald Alexis, an art historian born in Haiti who has been living in Quebec for the past twenty years, and Frédéric Guilbaud, an art professional who ran an international residency program in Martinique for nearly fifteen years.
Stedy THEODORE: A few generations ago, Ernest Breleur left the Fwomajé group with the desire to free himself from an artistic practice rooted in identity exploration. He wanted to focus on an artistic approach addressing broader issues in contemporary art. This decision, which I consider well-reasoned for its time, seems to be questioned today by younger generations who want to unite under the banner of the “Caribbean artist” to address the lack of visibility felt by artists from the Caribbean on the international stage. This comes at the expense of what could be the assertion of a unique artistic identity, one that fits within a subcategory of contemporary art without geographical ties : conceptual art, performance art, minimalism, contemporary painting, etc.
Gérald ALEXIS: I remember in 1993, in Curaçao, Ernest Breleur presented his doors, a characteristic element of regional architecture, as part of the Caribbean exhibition being held on the island. One could wonder whether this choice was motivated by a desire to align with the tone of the event, to affirm his identity, or to assert that he was firmly a contemporary artist.
This shows how multifaceted the interpretation of an artwork can be. Thus, to go further, we could look for details about the artist’s life, his origins, and background. If we do that, we would see that all three earlier propositions are valid. It would be more than strange, then, for him to present a procession of Scandinavian nuns.
We can understand that his training in applied arts and fine arts allowed him to consider the use of diverse materials (whether regional or not). Knowing that he studied in France, particularly in Paris, we can understand that he was open to everything that was and is being done around the world. Knowing that he lives and works in Martinique, we can understand his choice to use a medium easily available. Only then do we focus on the fact that he is from Martinique.
An artwork results from techniques and processes that already exist; considering this, the person who produces the artwork is just a craftsman. What we see is continuity. But when there’s a break in the artwork, it’s because its creator has added something his own : his genius. That has been, and continues to be the case with Ernest Breleur. Young people in the country and the region must understand that Ernest Breleur’s goal is not to reject being from Martinique. It is to simply be exceptional. And his presence on the international scene proves that he is.


Ernst Breleur
Radiographies de portes-1991
Acrylique sur toile
Stedy THEODORE: More than half of the artists living and working in the Caribbean whom I’ve interviewed consider themselves part of the “Caribbean artist” category. Do you think that it is fruitful for artists to come together under this banner ?
Gérald ALEXIS: Let me share some facts with you. During my studies in the United States, I spent some time with African American artists. They often expressed their desire to have a department dedicated to them at the Museum of Modern Art in New York. As artists, they are very sensitive. As a minority in the field, they are even more so. It took me a while but I finally told them, “You can’t say that you have been marginalized. This is something you wanted.” From what I’ve been told, that project fell through.
With Mario Benjamin, a Haitian artist who has exhibited widely abroad, we participated in a conference in Washington. A speaker, referring to him, called him a Haitian artist. A while later, another speaker said that he was a Black artist. Raising his hand, Mario asked : “Why don’t you just say artist, period?” And believe me, he wasn’t trying to deny his nationality or the color of his skin.

Mario Benjamin
Sans titre – 1994
Fusain et aérosol sur papier kraft
64cm X 50cm (22” 2/16 X 19” 1/16)
Coll. Particulière
I know a young Haitian artist living in Montreal. Years ago, he chose abstraction. When he introduced himself to a gallery owner, the owner replied : “Your name is Smarth, you have fair skin, green eyes, and you do abstract painting. How can you present yourself as a Haitian artist?” This gallery owner, like so many others, had a preconceived notion of what a Haitian artist should be.
We must not lock people or ourselves into categories. Some do it because they believe it will give them an advantage.

Pascal Smarth
De la série La danse du hasard
Acrylique sur toile
1,90m X 1,11m (75″ X 44″)
Coll particulière
Frédéric GUILBAUD: An artist is defined by their work, the evolution of that work over the years, and the transformations in their body of work. There’s a maturing process that happens with time. A collector interested in an artist will focus on the artwork itself, and the artist’s origin is not the most important factor. It often helps to better grasp or understand certain formal aspects of the work, but it’s not what determines whether the work is interesting or not.
I think some young artists like the idea of belonging to the “Caribbean artist” category because they find certain advantages in it. It allows them to feel part of a network of artists who share the same geographic origins. It’s reassuring, perhaps.
It can also help gain visibility when a young artist is confronted to the international art market. Some collectors exclusively seek works that deal with strong geographical identity or historical themes (slavery, ultra-peripherality, insularity, migration, ecology…). This can help raise their interest more easily.
Moreover, coming together under a “geographical banner” could allow some artists to legitimize the use of certain aesthetics, or even certain materials. It might help explain specific formal aspects of a piece. When Julien Creuzet talks about mangroves, it’s easier to understand some of his installations, which are meant to be navigated as one would walk through a genuine mangrove, weaving between the mangrove branches.
Finally, this association can provide a temporary advantage, especially in recent years as the contemporary art market has increasingly focused on African art and strong identity or geographic themes.

Julien Creuzet
Attila cataracte 2024
Biennale de Venise Pavillon français
Photo Jacopo La Forgia
Stedy THEODORE: To what extent can we say that curators and art critics specializing in Caribbean artists have contributed to the individual development of these artists on the international stage?
Frédéric GUILBAUD: Today, the art market is characterized, among other things, by a surplus of works by young artists. The number of young galleries showcasing emerging artists has exploded. I dare say there’s a “saturation” of art being offered.
In this particular context, I think we should be pleased with the work of curators and art critics specializing in Caribbean artists because they help give these artists a place in the wider international critical landscape. Their articles and exhibitions help identify specific artists more clearly.
But the growth and maturity of an artist can only come from their own work in the studio or during residencies, where they’re confronted with other artists and their own desire for expression. At the core, it’s the artist working with their medium. The curators’ texts and exhibitions merely serve to make these Caribbean artists visible.
It’s then up to the artists to defend their ideas and conceptual approaches in order to secure their place in the international art market.
For instance, I think of the 2019 Venice Biennale when the “Guadeloupe Islands” pavilion showcased the works of Joël Nankin, François Piquet, and Jean-Marc Hunt. The impact on the recognition of these artists could only have been positive. That said, beyond the Biennale, once the exhibition is over, there are still many battles to be won to remain visible on the international art market. That’s the challenge of keeping this “visibility” alive over the long term.
Stedy THEODORE: Can we assess the artistic events that focus on showcasing a Caribbean art scene? What would be the main points from such an assessment?
Frédéric GUILBAUD: I don’t think I’m qualified to fully assess these artistic events.
However, beyond the obvious advantages that exhibitions centered on the “Caribbean scene” bring to Caribbean artists—such as international visibility, the creation of artist networks, opportunities for publication in specialized magazines, and the chance to sell works to collectors interested in specific geographic themes—I see one major limitation in this type of exhibition: it risks confining these artists to geographic, cultural, and identity-based themes, which might inhibit them from branching out into more universal themes. We often see them as “Caribbean” artists first, rather than as artists who can stand on their own without any mention of their origins.
Stedy THEODORE: Could one argue that by specializing in a minority art scene, curators and other art professionals have served their own interests rather than those of the artists?
Frédéric GUILBAUD: That’s a « strange » question. All actors in the art market share common interests in seeing the artists they support thrive in the art world. Curators and other art professionals do contribute to make various artistic endeavors visible, sometimes those that are very young or peripheral, and this serves both the artists’ and their own interests if the exhibition is well-received by the public and collectors.
Stedy Théodore
Artiste-chercheur, Stedy Théodore vit et travaille entre la Martinique et Paris. Il est actuellement investi dans un doctorat en arts au sein du laboratoire de recherche Pratiques et Théories de l’Art Contemporain de l’Université Rennes 2. Son projet de thèse intitulé « De l’intention à l’héritage de l’œuvre. La créolisation comme concept de création », démontre une articulation entre sa pratique artistique pluridisciplinaire, une réflexion théorique convoquant des notions du champ des sciences humaines et sociales.
Il interroge le développement des politiques culturelles en faveur de l’art contemporain sur le territoire. Ses travaux de recherche en arts plastiques tendent à développer une perspective objectivante sur la situation de l’art comme fait social dans le contexte martiniquais.
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