Critique, politiques culturelles aux Antilles et dans le Sud global : Entretien-conversation avec Nadine Priam.

Lauréate du GlobalWIIN Award 2022 récompensant les femmes innovatrices dans le monde, Nadine Priam-Plesnage est journaliste et directrice-fondatrice de la plateforme numérique TK Academy.art qui dispense des cours en ligne sur les mondes caribéens et ses pratiques artistiques et muséales ainsi que l’entrepreneuriat culturel en plus d’une offre d’accompagnement autour de cet art pour les professionnels. Elle est aussi à l’origine de la plateforme TraysKreyol sur Instagram abordant des sujets relatifs à l’histoire de l’art dans la caraïbe francophone. Une orientation intervenue dans le cadre d’une reconversion professionnelle après être passée par l’IESA (Ecole des métiers de l’art à Paris). Alors que nous étions convenus de nous voir pour discuter de son travail et de la critique depuis le contexte antillais et plus largement le Sud global pour le 5e numéro de la revue Faire Mondes, l’entretien s’est très vite transformé en conversation, m’amenant alors (moi, le poseur de questions) à m’engager dans une discussion avec de nouvelles questions sur la critique et les politiques culturelles en contexte antillais, caribéen et non-européen. Il suffit que le dispositif critique question-réponse déraille pour que s’ouvre le risque de la conversation…

Chris Cyrille — Vous m’aviez dit que n’étiez pas « critique professionnelle » dans le cadre de votre travail pour la plateforme TraysKreyol. Je voulais vous poser comme première question : Quand est-ce que la journaliste s’occupe de critique ?

Nadine Priam-Plesnage — Plusieurs choses me viennent à l’esprit pour répondre à cette question qui me surprend. La critique d’art est-elle une chasse gardée ? et par qui ? Qu’entend-on exactement par critique d’art, à un moment où de multiples approches de cet exercice émergent ? Quels sont les critiques d’art qui parviennent aujourd’hui à vivre correctement de cette seule activité unique ? Quid des prescripteurs bien connus dans la presse française au niveau national ? Je ne suis pas critique d’art professionnelle au sens où je ne vis pas de cette activité pour laquelle j’ai un profond respect et que je considère absolument fondamentale. J’ajouterais que « le jugement », c’est-à-dire la pensée critique, est ce qui fait de nous des êtres humains. La critique n’est pas forcément critique négative, c’est un avis, un regard que l’on porte. Ce qui m’intéresse lorsque je regarde l’histoire de l’art et toutes ces disciplines en sciences humaines et sociales, c’est la sélection que font les universitaires et scientifiques. On doit discuter de la question de la sélection et du jugement qui est intrinsèque à l’exercice de ceux qui gravitent dans le milieu artistique et qui nécessite — il faut le dire — de bien connaitre voire maîtriser notre environnement global et si singulier qui demeure encore au cœur d’un processus d’élaboration pluridisciplinaire qui est à l’œuvre. Aux Antilles, la critique d’art a longtemps été vécue comme « critique », c’est-à-dire : négative. Mais ça a changé maintenant.

CC — Qu’est-ce qui a changé ?

NP — L’écosystème a changé, l’époque a changé. Je dirais que c’est générationnel, c’est la marche du temps. C’est aussi une génération d’artistes familiarisés avec la chose, c’est un public qui commence à grandir avec les éléments constitutifs du milieu artistique et culturel. C’est un processus et on le doit à des pionniers avant vous et avant moi aussi. La question de la critique d’art depuis le Sud et sa réception n’est ni antillaise ni caribéenne mais globale ; elle se pose à toute la profession. Elle réclame un dialogue et cela commence à être compris. Aujourd’hui, ça va beaucoup beaucoup mieux. Et je me réjouis aujourd’hui que nous nous posions ces questions.

CC — Seriez-vous en mesure d’esquisser une histoire de la critique aux Antilles ?

NP — Alors non…Chris, je ne vais pas m’ériger en experte de cette historiographie. Je ne suis pas historienne de l’art mais journaliste, je vais donc parler de critique journalistique. Je respecte suffisamment le travail des scientifiques et universitaires. Pour autant, je considère au regard des travaux de recherche qui sont menés, que la critique d’art a toujours existé sur nos territoires. Encore une fois, tout dépend de ce qu’on appelle « critique d’art ». Doit-on reproduire le modèle qui nous a été enseigné ou peut-on y inscrire le Kalina insatisfait de son pétroglyphe et qui le détruit ? C’est une image que j’emploie ici afin d’appuyer mon point de vue. Qu’est ce que la critique d’art non occidentale ? Que pourrait être une critique d’art caribéenne ?

Après, je peux parler de ce dont j’ai été témoin en Martinique et en Guadeloupe au fil des années. Si je dois seulement parler du contemporain, on voit très tôt l’apparition dans la presse de personnes qui se sont tout de suite intéressés aux productions en arts vivants et visuels. Je pense à Marie-Thérese Lung-Fu, Anca Bertrand, Dominique Berthet, Jocelyn Abatucci, Paul-Henri Schol en Guadeloupe et j’en oublie autant que je pense à d’autres noms. La liste serait trop longue. On est dans les années 1960 et 1970, période de diffusion et de démocratisation de cette parole qui s’est plus tard professionnalisée, à la fois par la spécialisation (des profils qui n’exercent que dans ce champ) et la contribution de l’Aica Caraibe du Sud pour l’idéation et la méthodologie. L’évolution de la critique dépend de processus et de temporalités favorables.

CC — Alors, je vais maintenant recentrer l’entretien — car j’ai beaucoup de questions à poser — sur le travail critique et d’histoire de l’art effectué dans le cadre de la plateforme TraysKreyol. Voici ma question : Qu’est-ce que le terme d’« art caribéen » ou « antillais » recouvre pour vous ?

NP — Il y a un art caribéen selon moi. Chacun en parle à sa manière en raison d’une sorte d’assignation qui reste ancrée et qui est une scorie de l’époque coloniale. Les Antilles françaises vont parler d’un « art antillais », les Antilles hispanophones d’un « art caribéen », chacun parle de la Caraïbe, cette grande aire géographique qui attend de faire « UN » comme je le dis souvent. Il faut juste tisser les liens, il faut tresser ces fils qui sont là. Cet art caribéen n’est pas qu’évident à l’oeil, mais aussi dans les matériaux utilisés, dans ce que les créations racontent, dans les lignes directrices qui sont partagées par tous les artistes de la Grande Caraïbe en dépit de la langue qui sépare. Dans cet art, nous allons noter un thème récurrent qui est lié au paysage, à la cosmogonie, à la spiritualité, il y a aussi comme caractéristique ce que l’on nomme les « techniques mixtes ». Créer avec ce qu’on a sous la main, c’est ce que revendiquait par exemple Khokho René Corail et qui incarne tellement ces pratiques.

Cet art raconte pour moi « la vie malgré tout », malgré les traumas. Vous avez vu ? J’ai dit « les ». Il n’y a pas qu’un seul trauma mais deux : le génocide amérindien et l’esclavage. Pourquoi je vous parle de « deux traumas » ? Parce que en réalité — d’ailleurs je vous regarde — nous avons beaucoup plus de pourcentage de sang Kalinago qu’on le soupçonne. Je vous regarde Chris et vos yeux là…Enfin voilà, ok ? À moins que vous ayez un ascendant asiatique mais en tout cas nous ne sommes pas loin du Kalinago en vous voyant. Si nous sommes là en train de discuter, c’est grâce à la capacité de survie de tous ces groupes de personnes qui se sont succédés sur nos territoires. Cet art nous donne une leçon, c’est une démonstration universelle de la puissance vitale.

CC — Autre question : comment le regard colonial a-t-il construit les corps antillais dans la peinture moderne ? Je pense par exemple à ce que vous avez écrit sur le compte Instagram de TraysKreyol à propos d’une des toiles d’Henri Matisse avec comme modèle Antoinette-Carmen Lahens née à Port-au-Prince en 1905.

NP — Spontanément, j’ai envie de vous dire que la question ne m’intéresse pas beaucoup, ça ne m’appartient pas. À propos de Matisse, j’ai voulu mettre en évidence le fait qu’il y a eu des modèles antillais et que cela n’était jamais mis en avant lorsqu’on faisait l’anthologie du peintre. Ce n’est pas le corps Noir qui l’intéresse seulement mais plutôt ce qu’il découvre avec la Harlem Renaissance, ce qu’il sent confusément.

CC — Je reformule la question alors : En quoi ce regard persiste-t-il encore aujourd’hui ?

NP — Le regard ou la séquence coloniale est une question de pouvoir. Comment cette notion de pouvoir s’exprime-t-elle encore ? Elle s’exprime lorsque l’on constate que des professionnels occidentaux sont encore très désorientés devant les créations caribéennes, ils ne comprennent pas ce qu’ils voient et ne s’y intéressent pas. Ce manque de curiosité minimale, j’ai du mal à le justifier. Ce pouvoir s’exerce dans les processus de légitimation aussi. Ce regard relié à la séquence coloniale m’a motivée à sortir la plateforme après une analyse et une réflexion que j’ai eues : il ne faudrait plus se poser la question que vous me posez là. On tourne en rond. C’est la responsabilité des critiques d’art que de construire ces récits et narratifs qui sont de nature à changer les regards. A-t-on besoin que ces regards changent ? Quelle est cette attente « mal papay » ( NDRL : stérile) qu’on a là ? On est encore dans l’assignation.

CC — Voulez-vous que je participe à l’entretien pour une conversation ?

NP — Comme vous voulez, oui ça serait intéressant.

CC — Cette question du regard m’intéresse seulement sur le plan structurel, lorsque nous constatons par exemple nos dispositifs et structures qui continuent d’être déterminés par l’extérieur.

NP — Cela crée systématiquement un rendez-vous manqué, oui. Mais on va faire comme « iles » — nos aïeux— ont procédé : on va marronner. Je pense qu’il faut passer à l’action. Et puis on ne va pas marronner tout seul, on va parler de Sud à Sud, depuis le Sud global. On a les mêmes questionnements, les mêmes problèmes. C’est moi maintenant qui ai une question à vous poser : qu’est-ce qu’on fait ? On peut faire communauté. J’ai un exemple à vous donner. Je reviens de Londres dans le cadre d’un évènement où j’ai vu des caribéens anglophones monter sans argent, sans moyens, le National Windrush Museum (projet initié en 2021 par le chercheur Dr. Les Johnson). J’en ai tiré la leçon qu’il fallait apprendre à faire communauté, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Lorsque vous montez une exposition par exemple, où est le mécène qui va nous aider ? Pourtant ils sont là…Pour revenir à la question sur le regard extérieur : dépassons ce sujet, c’est mon souhait. N’y revenons plus. Agissons.

CC — Je pense que ce que vous dites est l’esprit de notre travail qui a toujours été de produire des solidarités, en sachant que le système outre-mer va constamment casser les liens que nous produirons. Et puis, la question de « faire corps » est parfois d’ordre clinique et psychanalytique, on peut même parler du travail thérapeutique de la critique et de la curation. Pour revenir à ce que vous disiez à propos du National Windrush Museum. je pense qu’il y a aujourd’hui un réel frémissement de la communauté diasporique antillaise, mais il lui manque je dirais des lieux de rencontre. Plus important encore, il faudrait produire de sains rendez-vous. Le « lieu » ne suffit pas s’il reproduit, dans les relations interpersonnelles, tout plein de conflits et de violences hérités de notre passé et nourris par le sentiment de frustration, de non-reconnaissance et de dépossession.

NP — En vous écoutant, je me dis que tant que nous continuerons à nous définir comme antillais… (temps de pause). Nous sommes microscopiques Chris hein ! L’autre point est la façon dont nous nous percevons. C’est restrictif et limitatif. Le travail est immense, c’est pas gagné mais oui c’est en chemin. La connaissance en est un. C’est pour cela que je produis des thématiques autour de l’histoire de l’art caribéen en e-learning sur le site internet de Tkacademy.art. Pour un partage de la connaissance, c’est l’aboutissement de ma contribution débutée sur Instagram. Pourquoi suis-je allée sur cette plateforme ? Laissez-moi vous raconter. Alors que je me trouve en Guadeloupe, une de mes filles, l’avant-dernière, me parle d’un devoir en dessin où elle doit choisir une œuvre et la commenter. Je lui demande ce qu’elle a choisi et j’apprends que c’est une « magnifique Vénus » exposée au Château de Versailles. Ça m’a flinguée…Je me suis dit que nous ne pouvions pas continuer comme ça. Peu après la rentrée scolaire, j’ai donc créé le compte Instagram à partir des connaissances que j’amassais dans mon travail au sein des maisons de vente. C’est d’ailleurs durant cette période où j’étais sollicitée pour approfondir les notices de pièce mises aux enchères que j’ai fait la connaissance de l’historienne de l’art Christelle Lozère.

L’idée de TraysKreyol est de parler des petits détails qui nous amènent à des connaissances inattendues. Dans les arts visuels, les petits détails c’est l’effet papillon garanti ! Ils vous emmènent très loin dans des disciplines auxquelles vous ne pensiez pas. Posons-nous la question : Pourquoi y a-t-il autant d’artistes dans la Caraïbe ? Je pense qu’il existe effectivement cette dimension thérapeutique dont vous parliez, l’art est l’espace où l’on se répare encore aujourd’hui.

CC — Comment envisagez-vous alors ce travail thérapeutique par la critique ?

NP — Par la pédagogie. La critique donne des références, du contexte. C’est une conversation qu’elle engage. Ça donne à réfléchir. Vous avez vraiment une mission sociale, pas seulement philosophique. Cette discipline est beaucoup plus terre à terre qu’on ne le pense. Lorsque le critique écrit, il va chercher des références, donner le background, c’est un petit condensé de cours. C’est salutaire pour celle et celui qui fréquentent ce que vous produisez. C’est cela qui m’a fait comprendre l’art thérapie.

CC — Je crois en effet que la curation comme la critique sont, avant toute chose, des formes de médiation. Ils produisent des rapports et c’est cela qui me fait penser aux pratiques de l’oralité et à l’image de celle ou celui qui conte.

NP — Et nous sommes dans la bonne voie ! Il faut se départir de la question que vous me posiez sur le regard. On marronne, et ce que vous me dites-là, c’est ça qu’il faut faire. On y est. Nous sommes en train de construire, de bâtir de toute pièce le discours esthétique, l’histoire de l’art et les métiers de l’art. Je m’explique : l’esthétique et l’histoire de l’art tels que nous y avons été formés sont nés dans des espaces qui ne sont pas les nôtres avec des chronologies qui ne nous regardent pas. Êtes-vous concernés par la Renaissance ? Alors oui, mais sans Lumières ! Il y avait de la lumière mais elle n’était pas pour nous. (Rires) Donc j’aime ce que vous me dites-là, sur cette idée du conteur, de la conteuse. Pourquoi ? Car cela nous connecte et à droite à notre Afrique et à gauche à notre Amérique.

CC — J’imagine la pratique critique en deux temps : le premier est celui de l’état des lieux, le second celui de la proposition. Nous en sommes maintenant à la proposition, celle que je vous partage en m’inspirant de nos cultures et littératures (Édouard Glissant, René Ménil, Ina Césaire, Simone Schwarz-Bart, Patrick Chamoiseau…) est l’oralité comme paradigme critique, curatorial, chorégraphique et scénographique.

NP — Ce chemin-là, c’est ça qui va fonctionner et qui nous distinguera. C’est à ce moment-là que nous serons pris au sérieux. C’est en créant cette rupture fracassante avec du bruit, sans être vindicatif, que nous aurons beaucoup plus de résultat. Il faut créer une rupture. Nous devons créer nos propres circuits de légitimation dans le Sud Global.

CC — Enfin, dernière question : Pouvons-nous parler d’une « oralisation » voire d’une « visualisation » de la critique ?

NP — Nous nous inscrivons dans une temporalité de l’image voire même de l’IA. La question que vous posez sera périmée dans 48 heures. (Rires) Nous sommes dans une métamorphose de la critique. Nous atteignons plus vite et plus rapidement un public, nous attirons des personnes dites éloignées de la culture quelle que soit la parole parlée. Nous brisons des stéréotypes. Et puis, pour le coup, nous faisons ce que nous voulons. Pour finir, cette question de l’oralisation nous permettra, nous autres du Sud Global, d’être beaucoup plus connectés à nous-mêmes.

CC — Je vous remercie.

Chris Cyrille.

Chercheur, poète, critique d’art et conteur d’exposition indépendant, Chris Cyrille vit entre la Guadeloupe et la France. Il a étudié la philosophie et la théorie de l’art à l’Université Paris 8, et s’intéresse aux philosophies, esthétiques et littératures caribéennes.  Membre de l’AICA (Association internationale des Critiques d’Art), lauréat du Prix Dauphine pour l’art contemporain en 2017, du prix Jeune Commissariat de la 69e édition de Jeune Création et du Prix AICA France en 2020. Il a écrit plusieurs articles pour des revues francophones et a conté, mis-en-scène l’exposition « – Mais le monde est une mangrovité » (2021, Romainville). Il codirige actuellement la publication du livre de l’exposition (Rotolux, 2023). Lauréat de la Bourse curatoriale du Cnap (2022) et de la bourse ADIAF Émergence (2022), il mène en ce moment un projet de recherche curatoriale sur l’histoire de l’art antillais au sein de l’espace caribéen et diasporique. Il a aussi été résident à la Villa Médicis (Rome) dans le cadre d’un projet d’écriture, de performance, de vidéo et d’exposition, qu’il mène depuis plusieurs mois en collaboration avec les Ateliers Médicis. Il a participé en août 2022 au Momus Emerging Critics Residency, résidence d’écriture dirigée par la plateforme éditoriale Momus. Il dirige actuellement la section éditoriale Manglares (Persona Curada) dédiée aux scènes artistiques caribéennes.

Criticism, cultural policies in the West Indies and in the global South: Interview-conversation with Nadine Priam.

Nadine Priam-Plesnage is a journalist and the winner of the GlobalWIIN Award 2022 given to innovative women worldwide. She is the director and founder of the TK Academy.art website, producing online courses about the Caribbean world and its artistic and museum practices, as well as cultural entrepreneurship, while providing support to professionals with a focus on the region’s art. She also created the TraysKreyol platform on Instagram, focusing on subjects related to art history in the French-speaking Caribbean. Her new direction developed as part of a career change following her studies at the IESA (Ecole des Métiers de L’Art in Paris). We had agreed to meet to discuss her work and art criticism in the West Indian context and more broadly in the global South for the 5th issue of the review Faire Mondes, but the interview soon turned into a conversation, leading me (as the one asking the questions) to discuss new questions about art criticism and cultural policies in the West Indian, Caribbean and non-European context. When the critical question-answer approach went off the rails, it was enough to open up the risk of a conversation…

Chris Cyrille — You told me you are not a « professional critic » in terms of your work for the TraysKreyol platform. As a first question I wanted to ask you: when does the journalist take part in art criticism?

Nadine Priam-Plesnage — Several things come to my mind in answer to this question, which I find a surprising one. Is art criticism a kind of private property? and who guards it? What is art criticism exactly at a time when we see a wide range of approaches to it emerging? Who are the art critics who manage to make a reasonable living from this activity alone? What about the well-known influencers working in the French national press? I am not a professional art critic in the sense that I don’t make a living from this activity, but I have deep respect for art criticism and consider it absolutely fundamental.

I would add that « judgement », that is to say, critical thought, is what makes us human beings. Criticism is not necessarily negative criticism, it’s an opinion, a point of view. What interests me, when I look at the history of art and all the disciplines in the human and social sciences, are the selections made by academics and scientists. We need to discuss the issue of selection and judgement, which is an integral part of the work of people in the art world and which requires – it must be said – good or even excellent knowledge of our global environment, which is so specific and which is still at the heart of a multi-disciplinary

process that is at work. In the West Indies, art criticism was for a long time seen as « critical », that is, to say « negative », but now that has changed.

CC — What has changed?

NP — The ecosystem has changed, the epoch has changed. I would say it is generational – the march of time. There is also a generation of artists who are familiar with the subject and a public that is beginning to grow with the elements making up the artistic and cultural environment. It is a process, and we are in debt to the pioneers before us and before me, too. The question of art criticism in the South and its reception is neither West Indian nor Caribbean but global. It is a question for all the profession. It requires a dialogue, and people are beginning to understand that. Today, things are much, much better. And I am delighted that we are asking such questions.

CC — Would you be able to sketch out a history of art criticism in the West Indies?

NP — Well, no… Chris, I am not going to claim to be an expert in the history of art criticism. I am not an art historian but a journalist, so I will talk about criticism in journalism. I fully respect the work of researchers and academics. Still, I think that in the light of the research work we can say that art criticism has always existed in our regions. Again, it all depends what you mean by an « art critic ». Should we copy the model we have been taught or can we add the Carib who is not happy with his petroglyph and destroys it? that is an image I use to bring out my point of view. What is non-Western art criticism? What could Caribbean art criticism look like?

Well, I can talk about what I have seen in Martinique and in Guadeloupe down the years. If I just focus on contemporary art, then we can see that very early on people in the press took an interest in the performing and visual arts. For example, Marie-Thérese Lung-Fu, Anca Bertrand, Dominique Berthet, Jocelyn Abatucci, Paul-Henri Schol in Guadeloupe and plenty of others I could name. The list would be too long. This was the 1960s and 1970s, a period when public expression spread and reached a wider audience and later became professional, both through specialisation (people working uniquely in this area) and through the contribution of Aica Caraibe du Sud for ideation and methodology. Changes to criticism depend on the process and favourable periods.

CC — So, now I am going to refocus the interview — because I have a lot of questions to ask — on the work of criticism and art history carried out on the TraysKreyol platform. My question is this: what does the term « Caribbean art » include for you?

NP — There is a Caribbean art in my opinion. Everyone talks about it in their own way, as if it were imposed – an attitude deeply rooted and left over from the colonial period. In the French West Indies (Antilles) people talk about « Antillean art », in the Spanish West Indies about « Caribbean art », and everyone talks about the Caribbean, the vast geographic area that is waiting to be « ONE », as I often say. We just need to make the links, to weave the threads that are there. This Caribbean art is not only strikingly obvious when you see it, but also in the materials used, in what the works say, in the guiding principles shared by all the artists in the Greater Caribbean, despite the division of language. In this art, we can see a recurrent theme linked to the landscape, to cosmogony, to spirituality, there is also the feature known as « mixed techniques », creating art « with whatever comes to hand ». This was the approach taken by Khokho René Corail, for example, and which is embodied in so many of these practices.

For me this art is about « life in spite of everything », despite the traumas. Did you notice? I said « traumas ». There is not just one trauma but two: the Native American genocide and slavery. Why do I speak about « two traumas »? Because in fact — and I see this in looking at you — we have a lot more Carib blood in us than we might think. I look at you Chris and at your eyes… Well, you see what I mean, OK? Unless you have Asian ancestors, but in any case, you don’t look so very far removed from the Caribs. If we are here having this conversation, it is because of the capacity to survive of these groups of people who lived through the ages in our regions. This art teaches us something, it is a universal demonstration of vital power.

CC — Another question: how did the colonial viewpoint influence and develop West Indian bodies in modern painting? I am thinking, for example, about what you wrote on Instagram on TraysKreyol about one of Henri Matisse’s paintings of the model Antoinette-Carmen Lahens, who was born in Port-au-Prince in 1905.

NP — Spontaneously, I would like to say I am not very interested in the question, it does not belong to me. Regarding Matisse, I wanted to highlight the fact that he had West Indian models, but this was never highlighted when the painter’s anthology was made. He was not so much interested in the Black body as what he discovered through the Harlem Renaissance, which he sensed in a confused way.

CC — I will rephrase my question then: in what way does this viewpoint continue today?

NP — The colonial viewpoint or sequence is a question of power. How is this idea of power still being expressed? It is expressed when you see that Western professionals are still totally disoriented by Caribbean works. They don’t understand what they see and are not interested in them. It’s hard to justify such a lack of even minimal curiosity. Power is also exercised in the processes of legitimisation. This viewpoint, linked to the colonial sequence, prompted me to launch the platform after an analysis and reflection I had – the question you ask no longer needs to be asked. We are going round in circles. It is the responsibility of art critics to develop stories and narratives that can change viewpoints. Do these viewpoints need to be changed? What is this « mal papay » (Editor’s note: sterile) expectation we have? Again, it is something imposed.

CC — Do you want me to take part in the interview and turn it into a conversation?

NP — If you like, yes, that would be interesting.

CC — I am only interested in this question of viewpoint from the structural perspective, when we see, for example, that our approaches and structures continue to be determined from outside.

NP — This systematically creates a missed opportunity, yes. But we will do what « they », our ancestors, did: work undercover. I think we need to take action. And we are not going to work undercover all alone, we will speak from South to South, from the global South. We have the same questions, the same problems. And now it’s my turn to ask a question: what are we going to do? We can create a community. I will give you an example. I have just come back from London as part of an event where I saw English-speaking people from the Caribbean launch the National Windrush Museum without money or means (a project begun in 2021 by the researcher Dr. Les Johnson). I drew the lesson that we have to learn to create a community, but what does that mean? When you organise an exhibition, for example, where are the patrons who will help you? And yet they do exist… To return to the question about the external viewpoint: I want to get beyond this subject. And not to go back to it. Let’s take action.

CC — I think what you say is in the spirit of my work, which has always been to create solidarity, given that the mainland (French) system will always break the links we create. And then, the question of « sticking together » is sometimes of a clinical or psychoanalytical nature. We can even talk about the therapeutic work of art criticism and curating. To come back to what you were saying about the National Windrush Museum, I think today there is a real awakening in the West Indian diaspora community, but I would say it lacks venues, places to meet. We need to create healthy encounters.

NP — Listening to you, it seems to me we will continue to define ourselves as West Indian… (pause). We are microscopic, aren’t we, Chris! The other point is the way we perceive ourselves. It is restrictive and limiting. The task is enormous, it is not easy, but we are on the right track. Knowledge is one task we have. This is why I produce e-learning themes around the history of Caribbean art on the Tkacademy.art website. To share knowledge, it completes my contribution begun on Instagram… Why did I go on Instagram? Let me tell you about it. I was in Guadeloupe, and one of my daughters, the youngest but one, was talking to me about her drawing homework. She had to choose a work of art and write a commentary on it. I asked her what she had chosen, and she said it was a « magnificent Venus » in the Château de Versailles. That really killed me… I said to myself that we can’t go on like this. Just after the start of the new school year, I created an Instagram account based on knowledge I developed in my work for auction companies. And it was at that time that I was asked to expand the descriptions of pieces on sale at auctions and I met Christelle Lozère. The idea of TraysKreyol is to talk about the little details that lead us to unexpected knowledge. In the visual arts, the little details guarantee the butterfly effect! They take you very far away into areas you hadn’t imagined. Let’s ask ourselves why there are so many artists in the Caribbean? I think the therapeutic aspect you mentioned does indeed exist, art is still today a space for repairing damage.

CC — How do you see criticism’s therapeutic work?

NP — Through education. Criticism provides references, context. It is the start of a conversation. It makes you think. It really has a social and not just a philosophic purpose. It is a far more down-to-earth discipline that you might think. When the critic writes, he or she will look for references, give the background, it is like a short lesson. It is something healthy for anyone coming into contact with what you produce. This is what made me understand art therapy.

CC — Yes, I believe that curating and art criticism are above all forms of cultural mediation. They forge links, and this is what makes me think of word-of-mouth practices, orality, and the image of a storyteller.

NP — And we are on the right track! We need to move away from the question you asked me about viewpoints. We are working undercover, and what you are saying here is what we should do. That’s it. We are constructing, building aesthetic discourse, the history of art and art professions all from scratch. Let me explain: aesthetics and art history as we have been taught them were born in regions that we not our own with timescales that are not relevant to us. Is the Renaissance of concern to you? Well, yes, but without Enlightenment! There was light but it wasn’t for us. (Laughs) So I like what you said, about the idea of a storyteller. Why? Because it connects us both to the right to our Africa and to the left to our America.

CC — I see the practice of art criticism as taking place in two stages: the first is stocktaking, the second is making proposals. We have reached the proposal stage, the one I am sharing with you is orality as a critical, curatorial, choreographic and scenographic paradigm.

NP — That route is the one that will work and that will make us stand out. Then we will be taken seriously. By creating a deafeningly loud breach, but without becoming vindictive, we will have a much bigger result. You need to create a breach. We should create our own circuits of legitimisation in the Global South.

CC — One last question: can we speak about an « oralisation » or even a « visualisation » of art criticism?

NP — We are in a timescale based on the image and even on AI. The question you ask will be out of date in 48 hours. (Laughs) Criticism is going through a metamorphosis. We are reaching an audience more quickly and directly, we attract people said to be far away from culture, whatever language they speak. We are breaking stereotypes. And then after that, we can do what we like. To conclude, this question of oralisation will help all of us in the Global South to be a lot more connected to ourselves.

CC — Thank you.

Chris Cyrille.

Chercheur, poète, critique d’art et conteur d’exposition indépendant, Chris Cyrille vit entre la Guadeloupe et la France. Il a étudié la philosophie et la théorie de l’art à l’Université Paris 8, et s’intéresse aux philosophies, esthétiques et littératures caribéennes.  Membre de l’AICA (Association internationale des Critiques d’Art), lauréat du Prix Dauphine pour l’art contemporain en 2017, du prix Jeune Commissariat de la 69e édition de Jeune Création et du Prix AICA France en 2020. Il a écrit plusieurs articles pour des revues francophones et a conté, mis-en-scène l’exposition « – Mais le monde est une mangrovité » (2021, Romainville). Il codirige actuellement la publication du livre de l’exposition (Rotolux, 2023). Lauréat de la Bourse curatoriale du Cnap (2022) et de la bourse ADIAF Émergence (2022), il mène en ce moment un projet de recherche curatoriale sur l’histoire de l’art antillais au sein de l’espace caribéen et diasporique. Il a aussi été résident à la Villa Médicis (Rome) dans le cadre d’un projet d’écriture, de performance, de vidéo et d’exposition, qu’il mène depuis plusieurs mois en collaboration avec les Ateliers Médicis. Il a participé en août 2022 au Momus Emerging Critics Residency, résidence d’écriture dirigée par la plateforme éditoriale Momus. Il dirige actuellement la section éditoriale Manglares (Persona Curada) dédiée aux scènes artistiques caribéennes.