Entre biennales: une perspective depuis La Havane
Corina Matamoros
Dès ses prémices, les chemins de la Biennale de La Havane ont été tracés avec force. Et qui voudrait un chemin différent de celui entrepris en 1984, lorsque la Biennale fut fondée pour les sans-voix d’Amérique latine et de la Caraïbe? Il ne s’agissait alors pas d’une invitation à une foire internationale d’art, ni des grands pavillons et leurs fioritures, ni des tendances du marché, mais simplement d’un appel aux valeurs culturelles d’un continent uni historiquement par une même vassalité coloniale. Le chemin nous mena ensuite à ouvrir les bras à l’Afrique et l’Asie, afin de créer une biennale fraternisant les forces de ce qu’on appelait alors le Tiers Monde – soit la majeure partie du monde. Qui voudrait un autre chemin?
C’est ainsi que les biennales de La Havane, modestes, tiers-mondistes, agitées et habitées par les carences, se sont concentrées avec une grande ténacité sur les traditions des peuples, leurs manières de construire la contemporanéité, et sur les façons de se rencontrer et de se connecter entre nous sans que le prix des œuvres importe plus que leurs contenus. Un univers d’amitiés a émergé de ce processus et persiste jusqu’à aujourd’hui. Cette générosité sociale et ce regard anticolonial qui ont caractérisé la Biennale de La Havane ont fait peu d’émules dans l’univers artistique international, mais son exemple d’éthique est d’une telle transcendance que ses inévitables erreurs n’ont pas eu raison de sa volonté.
Mais la Caraïbe, avec ses cultures ouvertes au monde et inclinées vers une espèce d’empathie universelle, ne cesse de s’inspirer des biennales centenaires telles que l’éminente Venise, des continentales plus modernes comme celles de São Paulo ou Curitiba, des plus stimulantes dans le style de la Documenta ainsi que d’autres événements aux généalogies phylogénétiquement proches tels que la Biennale de Dakar.
La pintora cubana Amelia Peláez frente a una obra suya que participara en la XXVI Bienal de Venecia de 1952. Foto Archivo Ramón Vázquez Díaz, La Habana.
C’est à l’occasion de la reprise de la biennale la plus ancienne du monde cette année que nous nous remémorons la présence qu’a occupée Cuba au sein de cet événement unique. L’île fit son apparition à Venise pendant la 26e édition de 1952, avec la participation d’un groupe de peintres reconnus tels que Víctor Manuel García, Amelia Peláez, Mario Carreño, Roberto Diago et René Portocarrero, entre autres ; un groupe d’artistes qui ne furent rien de moins que les créateurs du mouvement moderne sur l’île. Né au début de la deuxième décennie du XXe siècle, cet arte nuevo (art nouveau), comme il fut nommé, fut la manifestation d’une urgence pour trouver des expressions nationales plus authentiques, à travers lesquelles prit forme, en grande partie, l’image qui subsiste encore de l’identité cubaine.
En 1966, pendant la célébration de la 30e édition de la rencontre vénitienne, le peintre René Portocarrero occupa une salle individuelle où fut exposée sa fabuleuse série Retratos de Flora (Portraits de Flora). Il s’agissait d’un ensemble de vingt-sept peintures à l’huile à travers lesquelles le peintre avait créé plusieurs variations autour d’une même personne qu’il avait connue dans son enfance, et qui avait eu une grande incidence sur lui tout au long de sa vie. À propos de ces portraits féminins, le grand Alejo Carpentier écrivit :
« (…) Un monde presque végétal, exprimé avec tout le baroquisme dont est capable René Portocarrero: volutes, arabesques, réminiscences fruitées, feuilles de plantes inconnues, oiseaux plantés sur les têtes tels des papillons d’entomologiste chatoyant entre les feuilles, végétations imaginaires répandues sur les corsages, ou, à l’inverse, voiles nocturnes, ombres, jeux de gris et de bleus, transparences de couleurs, encadrant le regard vert d’une énigmatique « belle de nuit »…1
René Portocarrero; Retrato de Flora No. 2, 1966. Óleo sobre tela; 76,5 x 62 cm. Foto Archivo Museo Nacional de Bellas Artes (MNBA), Cuba.
La participation de Wifredo Lam à la 36e Biennale de Venise de 1972 fut une autre de ces apparitions mémorables. Le Cubain avait à cette époque déjà réalisé d’importantes expositions à Paris, New-York et dans d’autres prestigieux sites du circuit artistique international ; et d’après les archives de la Biennale elle-même, « la salle entière dédiée à la peinture de Lam est très bien reçue par la presse. Le journaliste Gianni Cavazzini le place aux côtés de (Pierre) Alechinsky parmi les meilleurs artistes de l’année ».2
Raúl Martínez, La gran familia, 1984. Fragmento de la instalación presentada en la Bienal de Venecia de 1984. Foto Archivo Raúl Martínez, La Habana.
À l’ouverture de la 41e édition de 1984, une installation picturale monumentale du grand maître cubain Raúl Martínez accompagnée de photographies de Mario García Joya et de pièces de papier mâché d’un groupe de créateurs sous l’égide de Jorge Nasser, exposaient une vision ouverte et populaire de Cuba, avec un imaginaire propre à ses habitants, à leurs objets et scènes de vie domestiques. Un immense portrait collectif, familial et coloré pouvait être admiré dans la fresque de Martínez, à travers un regroupement de visages entremêlés de fleurs tropicales et d’animaux. Toutes les figures peintes étaient tirées de photographies prises par Martínez lui-même, de sorte que la fresque présentait une proximité et une chaleur remarquables.
Depuis lors, la présence de créateurs nationaux à la Biennale de Venise a été très active, avec principalement de jeunes artistes ayant atteint la notoriété dans le circuit national tels que Manuel Mendive, Pedro Pablo Oliva, Flavio Garciandía, ou encore Juan Francisco Elso pendant les années quatre-vingt. Il n’y eut pratiquement aucun grand déploiement matériel ni site de grande envergure, mais le nombre de créateurs ayant participé, que ce soit par le biais d’une sélection nationale ou par invitation directe des organisateurs et curateurs de la Biennale de Venise, a été très important. Cette année, Alexis Leiva Machado (Kcho) et Rafael Villares participent en représentation de Cuba, et des œuvres de Belkis Ayón ont été sélectionnées par le commissariat d’exposition de la Biennale.
Par ailleurs, lorsqu’on observe la présence cubaine à la prestigieuse Documenta de la ville allemande de Kassel, on ne peut éviter de mentionner l’intervention de personnalités nationales telles que Wifredo Lam, Ricardo Brey, Tania Bruguera ou Carlos Garaicoa. Il convient également, dans l’intérêt de notre zone géographique, d’être attentif aux tendances de la 15e édition de cette année, où une partie importante des créateurs participants appartiennent à ce que l’on nomme maintenant le Sud Global.
Belkis Ayón; La cena, 1988; colografía sobre cartulina; 137 x 300 cm. Colección Museo Nacional de Bellas Artes, Cuba. Foto Archivo MNBA.
La Biennale de São Paulo quant à elle, inaugurée en 1951, dirigée par le Musée d’Art Moderne de São Paulo (MASP) et conçue sous l’influence de l’important mouvement artistique brésilien, avait entre ses objectifs la connexion de ce courant artistique fort au circuit international. Présentant une structure de représentations nationales du continent, elle fut très liée durant ses cinq premières éditions des années cinquante au courant du panaméricanisme financé par l’Unité des Arts Plastiques de l’Union Panaméricaine, prédécesseure de l’OEA (Organisation des États-Unis). Au travers de cette Union Panaméricaine et de figures importantes telles que le Cubain José Gómez Sicre, on tenta de diminuer l’influence du puissant muralisme mexicain ainsi que de toute orientation artistique ayant des racines nationalistes, en faveur d’un art supposément moderne, sans « folklorismes » ni dimensions sociales. Ces circonstances favorisèrent la participation récurrente d’un large groupe de peintres cubains sélectionnés par Gómez Sicre dans les premières éditions de la Biennale du géant du Sud. Le groupe cubain eut un impact important pendant les deux premières éditions, avec la participation d’artistes reconnus tels qu’Amelia Peláez, Mario Carreño, René Portocarrero, Luis Martínez Pedro, Servando Cabrera Moreno et Raúl Milián, entre autres. Ce rayonnement fut interrompu à partir des années soixante, et pendant une longue pause s’étalant des années soixante-dix jusqu’au début des années quatre-vingt, Cuba ne participa pas au rendez-vous continental. Ce n’est qu’en 1985, après la visite d’un groupe de curateurs de la biennale brésilienne à la IIe Biennale de La Havane, que l’île reprendra sa participation. Récemment, cette institution importante a lancé un défi intéressant : confier le commissariat d’exposition de la Biennale à un groupe d’artistes. La grande graveuse cubaine Belkis Ayón figure ainsi parmi les points forts du rendez-vous de la 34e et dernière édition.
Sesión de trabajo del jurado de la 1ra Bienal de La Habana, en las galerías del Museo Nacional de Bellas Artes, La Habana. De izquierda a derecha, los artistas: Pedro Meyer, Julio Le Parc, y Mariano Rodríguez. Foto Archivo MNBA, Cuba.
En dépit du manque de financements et de la logistique nécessaire, on peut affirmer que la participation cubaine a été relativement importante dans certains des événements artistiques les plus reconnus au niveau international. Mais il n’y a aucun doute sur le fait que c’est ici, dans les biennales havanaises, qu’ont le mieux été accueillis presque tous les créateurs vivants mentionnés plus haut. Que ce soit dans les expositions centrales ou collatérales, ils ont inondé la capitale cubaine et d’autres villes dans les provinces par leur participation à un événement chaque année plus étendu et implanté territorialement.
L’engagement culturel formulé par la Biennale de La Havane, forgé au moyen d’un grand effort curatorial et de maigres ressources, a été vital non seulement pour Cuba mais également pour toute la région de la Caraïbe, de l’Amérique latine et pour de nombreux pays pauvres dans le monde. Depuis son apparition en 1984, elle a été une pierre angulaire dans la reconnaissance internationale d’une grande partie des talents artistiques cubains ainsi que d’innombrables créateurs issus de vastes régions du monde sans contact avec les circuits dominants de l’art. Il ne faut pas oublier qu’à travers la simple présence sur l’île d’artistes, d’experts, de critiques, de curateurs, de galeristes et de collectionneurs issus de diverses latitudes réunis à l’occasion des quatorze éditions de cet événement majeur des arts visuels à Cuba, la Biennale a édifié une énorme plateforme d’échanges d’idées. Cette plateforme s’est déployée à travers les précieuses rencontres théoriques et les nombreuses expositions, ateliers et actions diverses qui enrichissent traditionnellement l’événement. Depuis sa création, cet événement a été une grande fête pour l’art et son public.
Asistentes reunidos en el patio del Museo Nacional de Bellas Artes durante la inauguración de la II Bienal de La Habana, en 1986. Foto Archivo MNBA.
Je me rappelle encore avec admiration de la deuxième Biennale de La Havane. C’était en 1986, et le Musée National des Beaux-arts, où nous avions démonté avec enthousiasme (et un peu d’inquiétude) les collections permanentes afin de recevoir l’exposition principale de la Biennale, rassembla tant de personnes qu’il semblait que la belle rampe d’accès aux galeries supérieures aurait pu s’effondrer à tout moment. Dans l’enceinte de la cour, on pouvait apprécier un spectacle de danse du Ballet National de Cuba, ou encore des enfants peignant au sol, discutant sur les dalles rustiques avec des artistes consolidés.
J’ai en tête une image surprenante avec laquelle je voudrais conclure ce texte, qui consolide la biennale havanaise comme espace caribéen à part entière. Il s’agit du dominicain Silvano Lora, peignant avec une passion électrisante une énorme toile dans la cour du Musée, au milieu d’une formidable action physique et performative impliquant une danseuse dont le corps enduit de peinture imprimait ses empreintes anatomiques sur la fresque de l’artiste. Un spectacle passionnant à voir et à se remémorer, lorsque l’on parle de biennales…
El pintor dominicano Silvano Lora ejecutando un performance en el patio del Museo Nacional de Bellas Artes, durante la II Bienal de La Habana, en 1986. Foto cortesía Estate Silvano Lora, República Dominicana.
1 Ramón Vázquez Díaz, Portocarrero. Madrid, Fundación Arte Cubano, 2015; page 542.
2 https://www.labiennale.org/it
3 http://caiana.caia.org.ar/template/caiana.php?pag₌articles/article 2.php&obj₌179&vol₌6
Corina Matamoros. Ensayista y curadora del Museo Nacional de Bellas Artes, Cuba, graduada de Historia del Arte (Universidad de La Habana) y de Museología (École du Louvre, París, 1987).
Tiene publicados los libros Mirada de curador (Letras Cubanas, 2009); Raúl Martínez. La gran familia (Vanguardia Cubana, 2012), Museo Nacional de bellas Artes. 100 Años (MNBA, 2014), Confesiones de Rocío García (Turner, 2017), y Si pierdo la memoria. Veinte artistas cubanos de hoy (Madrid, 2020), y más de cincuenta artículos sobre arte y museología. Ha curado más de 50 muestras para el Museo Nacional de Bellas Artes y otras instituciones cubanas y extranjeras, y obtenido en cuatro ocasiones el Premio Nacional de Curaduría. Es miembro de la Unión de Escritores y Artistas de Cuba, del Consejo Internacional de Museos (ICOM) y de la Asociación Internacional de Críticos de Arte (AICA).
Publicaciones recientes:
Si pierdo la memoria. Veinte artistas cubanos de hoy. Fundación Mariano Rodriguez, Madrid, 2020. Bilingüe, ilustrado, 300 pág.
Caminos manifiestos; http://www.lajiribilla.cu/enhorabiena-bienal-de-la-habana/
Kcho: obras que son Obras; http://fairemondes.com (Issue 2)
Entre Bienales: una perspectiva desde La Habana
Corina Matamoros
Los caminos de la Bienal de La Habana han sido trazados imbatibles. ¿Alguien quiere un camino mejor que aquel emprendido en su mismo nacimiento de 1984, cuando se funda una Bienal para los sin voces de América Latina y el Caribe? No era una convocatoria de feria mundial, de derroche de pabellones ni de alzas de mercados; era sencillamente un llamado a los valores culturales de un continente unido históricamente en un mismo vasallaje colonial. Luego el camino fue un abrir los brazos hacia África y Asia, para que se hermanaran en una bienal el entonces llamado Tercer Mundo, que es como decir la mayor parte del mundo. ¿Alguien quería un camino mejor?
Así, las bienales habaneras, humildes, tercermundistas, intranquilas y transidas de escaseces, pero llena de gratas sorpresas, se centraron con enorme tesón en las tradiciones de los pueblos, en sus maneras de construir la contemporaneidad, y en las formas de conocernos y conectarnos entre nosotros sin que el precio de las obras contara más que el arte mismo. Y un universo de amigos surgió en lo adelante y llega hasta hoy. Porque esa generosidad social y esa mirada anticolonial que ha derrochado la Bienal de La Habana ha tenido pocos émulos en el universo artístico internacional. Su lección de ética es de trascendencia tal, que sus propios e inevitables desaciertos no han podido más que su coraje.
Pero, Caribe al fin, con culturas abiertas al mundo, inclinadas a una especie de empatía universal, no dejamos de inspirarnos en las bienales centenarias como la distinguida de Venecia, la modernas continentales como las de Sao Paulo o Curitiba, aquellas retadoras al estilo Documenta, y otras de genealogías filogenéticamente afines como la de Dakar.
La pintora cubana Amelia Peláez frente a una obra suya que participara en la XXVI Bienal de Venecia de 1952. Foto Archivo Ramón Vázquez Díaz, La Habana.
Es a propósito de la reanudación este año de la Bienal más antigua del mundo, que rememoramos la presencia de Cuba en el singular evento. Y es que la Isla hizo su aparición en la cita de Venecia en la edición XXVI de 1952, con un grupo de reconocidos pintores como Víctor Manuel García, Amelia Peláez, Mario Carreño, Roberto Diago y René Portocarrero entre otros, que eran, nada más y menos, los hacedores del movimiento moderno en la Isla. El surgimiento de este arte nuevo, como se le conoció, a partir de la segunda década del siglo XX, fue la manifestación de una urgencia por encontrar expresiones más auténticas de lo nacional, donde se modeló, en gran medida, la imagen que aún subsiste de lo cubano.
Posteriormente, durante la celebración en 1966 de la edición XXX del encuentro veneciano, el pintor René Portocarrero ocupará una sala individual donde se expone su fabulosa serie Retratos de Flora. Se trataba de un conjunto de veintisiete óleos en los que el pintor creó variaciones acerca de una misma persona que había conocido siendo niño, y que le causara gran impacto durante toda su vida. A propósito de esos retratos femeninos, el gran Alejo Carpentier escribiría:
“(…) Mundo casi vegetal, expresado con todos los barroquismos de que es capaz el pincel de René Portocarrero: volutas, arabescos, reminiscencias frutales, hojas de plantas desconocida, aves clavadas en las cabezas como mariposas de entomólogo, lucen encendidas entre hojas, botánicas imaginarias derramadas en los corpiños, o, por el contrario, velos nocturnos, sombras, juegos de grises y azules, transparencias del color, enmarcando la mirada verde de alguna enigmática «belle de nuit»…1
René Portocarrero; Retrato de Flora No. 2, 1966. Óleo sobre tela; 76,5 x 62 cm. Foto Archivo Museo Nacional de Bellas Artes (MNBA), Cuba.
Otra memorable aparición fue la de Wifredo Lam, en la XXXVI Bienal de Venecia de 1972. El cubano había realizado ya por entonces muy importantes exposiciones en París, New York y en otras prestigiosas sedes del circuito artístico internacional, y según se lee en los archivos de la propia Biennale se le “dedica una sala entera a la pintura de Lam que es muy bien acogida por la prensa. El periodista Gianni Cavazzini lo coloca, al lado de (Pierre) Alechinsky, entre los mejores artistas del año.”2
Raúl Martínez, La gran familia, 1984. Fragmento de la instalación presentada en la Bienal de Venecia de 1984. Foto Archivo Raúl Martínez, La Habana.
En 1984, al abrirse la XXXXI edición, una instalación pictórica monumental del gran maestro cubano Raúl Martínez, acompañada por la fotografía de Mario García Joya y piezas en papier maché de un grupo de creadores encabezados por Jorge Nasser, exponen una visión de Cuba abierta y coloquial, con un imaginario de sus gentes, sus enseres y escenarios domésticos de vida. Un inmenso retrato colectivo, colorido y familiar, se admira en el mural de Martínez, como compendio de rostros entremezclados con flores tropicales y animales. Todas las figuras pintadas procedían de las fotos tomadas por el propio Martínez, por lo que el mural trasluce cercanía y calidez notables.
Desde entonces ha sido francamente amplia la presencia de creadores nacionales en la Bienal de Venecia, mayoritariamente con jóvenes que habían alcanzado notoriedad en el circuito nacional como Manuel Mendive, Pedro Pablo Oliva, Flavio Garciandía, o Juan Francisco Elso durante los años ochenta. Casi nunca se dispuso de grandes despliegues materiales ni de locaciones de envergadura, pero el número de creadores que ha participado, ya sea a través de una selección nacional o por invitación directa de los organizadores y curadores de la Bienal de Venecia, ha sido amplia. En este año participan Alexis Leiva Machado (Kcho) y Rafael Villares en representación del país y Belkis Ayón por invitación curatorial de la propia Bienal.
Si miramos, por otra parte, la presencia cubana en la prestigiosa Documenta que tiene lugar en la ciudad alemana de Kassel, no se puede olvidar la intervención en ella de personalidades nacionales como Wifredo Lam, Ricardo Brey, Tania Bruguera o Carlos Garaicoa. Conviene mencionar, en interés de nuestra área geográfica, poner atención a las tendencias que pone en juego la edición 15 de este año, donde una parte importante de los creadores participantes pertenecen a eso que ahora llamamos el Sur Global.
Belkis Ayón; La cena, 1988; colografía sobre cartulina; 137 x 300 cm. Colección Museo Nacional de Bellas Artes, Cuba. Foto Archivo MNBA.
Por su parte la Bienal de Sao Paulo, abierta en 1951, liderada por el Museo de Arte Moderno de Sao Paulo (MASP) y pensada bajo el influjo del poderoso movimiento de arte brasileño, tenía entre sus propósitos conectar ese fuerte caudal artístico al circuito internacional. Con estructura de representaciones nacionales del continente, estuvo muy vinculada en sus primeras cinco ediciones en los años cincuenta a la corriente del panamericanismo patrocinado por la Unidad de Artes Plásticas de la Unión Panamericana, antecesora de la OEA (Organización de Estados Americanos). Desde esta Unión Panamericana, y a través de figuras como la del cubano José Gómez Sicre, se intentó deslucir la influencia del poderoso muralismo mexicano y de toda orientación artística de raigambre nacionalista, es pos de un arte supuestamente moderno, libre de folclorismos y componentes sociales. Estas circunstancias propiciaron que un grupo amplio de pintores cubanos, escogidos por Gómez Sicre, participaran con largueza en las primeras bienales del gigante del Sur. En las dos primeras ediciones el conjunto cubano tuvo gran impacto, con figuras como Amelia Peláez, Mario Carreño, René Portocarrero, Luis Martínez Pedro, Servando Cabrera Moreno, y Raúl Milián entre otros. A partir de los años sesentas, estas proyecciones cambian y durante un largo hiato, entre las décadas del setenta y hasta entrados los años ochenta, Cuba no participará en la cita continental. Será en 1985, luego de una visita de un grupo de curadores de la bienal brasilera a la II Bienal de La Habana, que se reanuda la presencia de la Isla. Recientemente, esta importante institución ha lanzado un interesante reto: hacer recaer en un grupo de artistas, la curaduría de la bienal. En la última cita, la número 34, ha sido especialmente invitada la gran grabadora cubana Belkis Ayón.
A pesar de la carencia de financiamientos y de la logística requerida, puede afirmarse que la participación cubana ha sido relativamente amplia en algunos de los más acreditados eventos artísticos de nivel global. Pero no caben dudas de que aquí, en las bienales habaneras, es donde mayoritariamente han sido acogidos prácticamente todos los creadores vivos antes mencionados, quienes, bien en las exposiciones centrales o en las colaterales, han inundado la capital cubana y algunas capitales provinciales, en un evento que se ha ido extendiendo y socializando territorialmente durante sus recientes ediciones.
Sesión de trabajo del jurado de la 1ra Bienal de La Habana, en las galerías del Museo Nacional de Bellas Artes, La Habana. De izquierda a derecha, los artistas: Pedro Meyer, Julio Le Parc, y Mariano Rodríguez. Foto Archivo MNBA, Cuba.
El gran empeño cultural que ha sido la Bienal de La Habana, fraguado con mucho esfuerzo curatorial y exiguos recursos, ha sido vital no solo para Cuba sino para toda la región del Caribe, de América Latina y de muchos países pobres de todo el orbe. Ha sido decisivo para el reconocimiento internacional de la mayor parte del talento artístico cubano y de tantos creadores de amplias regiones del mundo sin contacto con los circuitos dominantes del arte desde su aparición en 1984. No hay que olvidar que la sola concurrencia en la Isla de artistas de diversas latitudes, de expertos, críticos, curadores, galeristas y coleccionistas durante las catorce citas del evento mayor de las artes visuales en Cuba, la Bienal ha edificado una enorme plataforma de intercambio de ideas en sus valiosos encuentros teóricos, en las numerosas exposiciones y en los disímiles talleres y acciones afines con que se enriquece tradicionalmente el encuentro. Ha sido una gran fiesta para el arte y para su público.
Asistentes reunidos en el patio del Museo Nacional de Bellas Artes durante la inauguración de la II Bienal de La Habana, en 1986. Foto Archivo MNBA.
Todavía recuerdo con asombro la segunda Bienal de La Habana. Era 1986 y en el Museo Nacional de Bellas Artes, donde con entusiasmo y cierta desazón desmontamos nuestras salas permanentes para acoger la muestra principal de la Bienal, se congregaron tantas personas que parecía que la bella rampa de acceso a las galerías superiores estuviera a punto de desplomarse. Y en el escenario del patio, veíamos por igual una función del Ballet Nacional de Cuba, o niños pintando en el suelo, con artistas de primera línea hablando con ellos en las rústicas losas del patio.
Tengo una imagen sorprendente con la que quiero terminar, que da fe de la Bienal habanera como espacio del Caribe. Se trata del dominicano Silvano Lora, quien con pasión electrizante pintaba un enorme lienzo en el patio del Museo, en medio de una tremenda acción física, performática, que implicaba a una danzante cuyo cuerpo, embebido de pintura, imprimía sus huellas anatómicas sobre el mural. Algo emocionante de ver y de recordar, cuando hablamos de bienales…
El pintor dominicano Silvano Lora ejecutando un performance en el patio del Museo Nacional de Bellas Artes, durante la II Bienal de La Habana, en 1986. Foto cortesía Estate Silvano Lora, República Dominicana.
1 Ramón Vázquez Díaz, Portocarrero. Madrid, Fundación Arte Cubano, 2015; page 542.
2 https://www.labiennale.org/it
3 http://caiana.caia.org.ar/template/caiana.php?pag₌articles/article 2.php&obj₌179&vol₌6
Publicaciones recientes:
Si pierdo la memoria. Veinte artistas cubanos de hoy. Fundación Mariano Rodriguez, Madrid, 2020. Bilingüe, ilustrado, 300 pág.
Caminos manifiestos; http://www.lajiribilla.cu/enhorabiena-bienal-de-la-habana/
Kcho: obras que son Obras; http://fairemondes.com (Issue 2)
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