La confluence n’est pas non plus une métaphore : notes sur les
chorégraphies du marché de l’art dans le royaume décolonisé d’Espagne.

-danie valencia sepúlveda

“La confluence est la loi qui régit le rapport de coexistence entre les différents éléments de la nature et qui, à son tour, nous enseigne que tout ce qui s’assemble ne se mélange pas toujours, c’est-à-dire que rien ne prend une forme unique. La confluence régit donc aussi les processus de mobilisation issus de la pensée pluraliste des peuples polythéistes”.

-Antônio Bispo dos Santos

Penser les Caraïbes comme un complexe géopolitique composé à la fois de territoires continentaux et insulaires permet de revendiquer une région atomisée par les relations que la colonialité elle-même entretient avec les logiques du commerce néolibéral et de la frontiérisation comme principale forme de gouvernement. Et non, les généralisations océaniques et autres sont loin de renoncer à la simulation émancipatrice et à toute autre problématisation nécessaire pour briser les imaginaires qui permettent aujourd’hui au pouvoir de continuer à être contesté plutôt que dissous.

Le rivage, la marée, le courant, une Caraïbe océanique, telle était la proposition de Sarah Hermann Morera et Carla Acevedo-Yates pour la 24e édition de la foire ARCO Madrid, l’une des plus importantes en termes de marché et de spéculation financière de l’art contemporain dans le monde. La foire s’est déroulée au milieu d’une polémique médiocre autour de la décolonisation des institutions culturelles en rapport avec la scène artistique espagnole, polémique alimentée par les médias et soutenue par certains agents culturels qui s’approprient la décolonisation comme un procédé cosmétique visant à maquiller leur pratique extractiviste, carriériste et opportuniste. La section curatée par Hermann et Acevedo-Yates propose d’aborder d’autres courants esthétiques qui convergent en dépit des récits manichéens du marché qui tente de tirer profit de la différence tout en exacerbant les inégalités.

23 artistes, représentés par 19 galeries, ont participé à la dernière édition de la foire, une provocation claire autour des imaginaires esthétiques du territoire, du paradis, de l’identité et du commerce, convoquée par les commissaires de la section. Entre plis et replis, aspérités aux couleurs saumon et cerise faisant allusion aux tonalités de certaines espèces de coraux, et avec une structure protagoniste faisant référence aux courants, aux vagues et aux flux marins, nous nous sommes retrouvés nez à nez avec les propositions artistiques des Caraïbes.

Sur un mur couvert d’images paradisiaques aux couleurs saturées de couchers de soleil et de longues chevelures ondulant dans les airs, se trouvait le document photographique de Sunset Slit, une œuvre de 2015 de l’artiste dominicaine Joiri Minaya (1990)[1] , un exercice de performance dans lequel l’artiste questionne l’imaginaire et les fantasmes à partir desquels les Caraïbes sont vues de l’extérieur, ce délire blanchissant qui reproduit compulsivement l’argument selon lequel les loisirs, le plaisir et l’exotisme sont des éléments constitutifs de la région. Dans cette performance, Minaya plonge ses longues tresses dans un seau d’eau, puis, rejetant la tête en arrière, recrée les silhouettes capturées dans les images trouvées par l’artiste sur Google. Alors qu’elle est à genoux et répète le mouvement, une empreinte de couleur noire imprègne non seulement l’eau mais aussi la serviette géante composée de plusieurs serviettes bouillies qui se trouve en dessous, en un démantèlement du paradis, de la sexualisation, du mythe du bon sauvage et de la colonialité du regard.

L’artiste cubaine Quisqueya Henríquez (1966), représentée par la galerie David Castillo (Miami), a présenté deux œuvres, dont la première, et peut-être celle qui a le plus attiré l’attention des visiteurs en raison de son degré d’interactivité, était une glace à l’eau de la mer des Caraïbes, une pièce que les visiteurs pouvaient goûter ; tout le bleu condensé dans l’eau de certaines régions des Caraïbes avec ce goût salé qui nous rappelle l’hostilité avec laquelle l’Occident s’est approché de cette région. Directement des Caraïbes au ventre de la bête. Son autre œuvre, sous la forme d’une tapisserie d’images du rivage d’une plage de la République dominicaine (lieu de résidence de l’artiste) envahie par les déchets plastiques, et portant le nom de Isla de basura, présentait une dénonciation plus frontale des logiques néolibérales de consommation et de gaspillage. Cette œuvre accompagnait les visiteurs venus déguster cette glace si particulière.

Au-delà du travail esthétique et des élaborations poétiques sur l’identité, les stéréotypes, les économies néolibérales et les imaginaires coloniaux qui flottent sur les courants de la Caraïbe, nous trouvons une série de recherches impliquées dans l’expérience incarnée, matérialisée dans les différentes coordonnées de la région, avec ses particularités, ses complexités et ses densités. “La Caraïbe n’est pas une seule chose, et on ne peut pas en parler au singulier”, explique la commissaire Sarah Hermann. Il s’agit d’Haïti, de Saint-Vincent, de Cuba, de la Jamaïque, de Porto Rico, de la République dominicaine, du Guatemala, du Mexique, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Colombie, des Bahamas, de la Dominique, de Saint-Kitts, de Margarita, de Roatán, de la Jamaïque, des territoires dont la logique émancipatrice est tracée depuis la fondation du capitalisme dans les routes commerciales des personnes kidnappées et réduites en esclavage depuis le continent africain, l’exploitation des terres et l’asservissement des populations indigènes dans l’Abya Yala.

En repensant les domaines du possible, Madeline Jiménez Santil (1986), représentée par la galerie mexicaine Arróniz, propose des sculptures qui remettent en question les récits figés sur l’autrification des corps de ce côté-ci, du côté des ex-colonies, les supports matériels de cet autre côté que l’on suppose développé, civilisé. Jiménez Santil propose des figures tridimensionnelles qui remettent en question le texte moderne de la racialisation, car la forme n’est pas un destin mais un échafaudage pour bâtir d’autres lignes permettant d’imaginer une autre manière de se rapporter au traumatisme.

Une telle remise en question permet non seulement de retisser les multiples façons dont la détermination enveloppe notre existence, mais aussi d’interroger nos expériences de vie en les réduisant à une simple représentation.

Le Guatémaltèque Esvin Alarcón (1988) était présent avec MARICAribe à la galerie Henrique Faria, une série de drapeaux roses réalisés avec sa mère. Antigua-et-Barbuda, Barbade, Dominique, Grenade, Jamaïque, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie ; des endroits où l’homosexualité est illégale. Le curieux piège du jeu de la revendication par représentation devant les États-nations. En 2019, Alarcón a présenté cette pièce à Gibara, Cuba, point de référence pour le débarquement de Christophe Colomb dans notramérique. Un geste qui permet néanmoins d’élucider les manières dont les fictions de l’État continuent de contrôler les corps, les désirs, les rêves et les subjectivités.

J’insiste sur les pièges qui nous accompagnent de ce côté, par intérêt pour re-signifier et convoquer des complicités et des formes de résistance qui échappent précisément aux logiques de la représentation et de la représentativité. La penseuse, artiste et chercheuse Jota Mombaça, dans sa dernière intervention publique au festival de théâtre de São Paulo, a déclaré que la programmation de notre mort et donc de notre disparition par le capitalisme apocalyptique est tout à fait proportionnelle à notre succès. Quel est le type de provocation qui maintient l’hypervisibilité et la présentialité compulsive comme les principaux moteurs de notre disparition ? Qui en profite si ce n’est l’un des marchés encore non réglementés (tout comme le trafic de drogue et la traite des êtres humains) et ses agents mobilisateurs ?

Entre dessin et peinture, l’artiste jamaïcain Leasho Jhonson (1984), représenté par TERN, évoque Anansi, une présence récurrente dans la tradition orale de l’Afrique de l’Ouest, une figure aux facultés mutables présente dans l’œuvre de Jhonson pour reprendre les formes cachées par lesquelles l’expérience queer a imprégné sa vie, la clandestinité et les façons expansives dont le rythme soutient des formes radicales d’évasion des subjectivités emprisonnées par les logiques néolibérales d’autorégulation, même au niveau existentiel, et les façons dont la matérialité est infectée par ces logiques. Le dancehall comme technologie de rencontre, de rapprochement et de complicité qui permet la clandestinité du désir, les fabulations éthiques et, par conséquent, la résistance dans la vie.

La 24e édition d’ARCO Madrid, sans doute encore marquée par le sensationnalisme de la presse espagnole et l’attitude complaisante des élites criollas latino-américaines du monde de l’art à l’égard de la monarchie et de tout titre de noblesse, restera comme l’une de celles qui ont suscité le plus de vagues, non seulement en raison du pouvoir symbolique actuel des différentes galeries et des artistes des Caraïbes et du reste de l’Amérique latine, mais aussi en raison de la force puissante que les différents acteurs de notramérique ont projetée avec ce qui semblerait insignifiant mais qui, dans ce contexte, à ce moment, fait toute la différence : revendiquer les Caraïbes comme nôtres, au-delà des taxonomies coloniales modernes, au-delà des idéologies néolibérales, ce territoire nous appartient, nous le faisons se mouvoir et nous ne reviendrons pas en arrière, parce que nous nous sommes trouvés nous-mêmes pour ne pas lâcher prise.

La marée semble imperceptible, cachée dans les oreilles, elle siffle de la même manière qu’elle va et vient : régulièrement, mais sans prévenir. Les moyens que nous avons de reproduire la mer dans nos actions nous dépassent et élargissent le lexique de ceux que nous habitons de sa conscience (Sarah Hermann).

Danie Valencia Sepúlveda

Toutes les images courtoisie des artistes, des galeries citées et de ARCO Madrid”.

BIO

danie valencia sepúlveda (Mexique, 1990)
Éducatrice, traductrice et autrice indépendante, travaille actuellement comme rédactrice en chef de Terremoto.

 

[1] Représenté par la Praise Shadows Gallery (Brookline, MA).

Nor is confluence a metaphor: notes on the choreographies of the art market in the decolonized kingdom of Spain.

-danie valencia sepúlveda

“Confluence is the law that governs the relationship of coexistence between the different elements of nature and which in turn teaches us that not everything that comes together always mixes, that is, nothing takes a single form. In such a way that confluence also governs the processes of mobilization coming from the pluralistic thinking of polytheistic peoples.”

-Antônio Bispo dos Santos

Thinking of the Caribbean as a geopolitical complex composed of both continental and insular territory proves powerful to reclaim a region atomized by the relations that coloniality itself sustains under the logic of neoliberal trade and borderization as the main form of government. And no, the oceanic and other types of generalizations are far from abandoning the emancipatory simulation and any other problematization necessary to break the imaginaries that allow, today, that power continues to be disputed and not diluted.

The shore, the tide, the current, an oceanic Caribbean was the proposal curated by Sarah Hermann Morera and Carla Acevedo-Yates for the 24tha edition of the ARCO Madrid fair, one of the most important stages in terms of the market and financial speculation of contemporary art in the world. It took place amid a mediocre polemic on the decolonization of cultural institutions and the Spanish art scene, driven by the media and supported by certain cultural agents that sustain decolonization as a cosmetic for their extractivist, careerist and opportunistic practice. The work and proposal of Hermann and Acevedo-Yates was proposed as a possibility to approach other aesthetic currents that converge despite the Manichean narratives of the market that tries to profit from the difference while exacerbating inequalities.

23 artists, represented by 19 galleries, took part in the most recent edition of the fair, a clear provocation around the imaginaries of aesthetics, territory, paradise, identity and commerce, summoned by the curators of the section. Among folds, folds, roughness in salmon and cherry colors alluding to the shades of certain species of marine corals, and with a prominent structure that referred to the currents, waves and marine flows, we found the artistic proposals of the Caribbean.

On a wall covered by paradisiacal images with saturated colors of sunsets and long hair waving in the air, was the photographic record of Sunset Slit, a 2015 piece by Dominican artist Joiri Minaya (1990)[1], a performance exercise in which she questions the imaginary and fantasies with which the Caribbean is seen from the outside, that whitening delirium that compulsively reproduces the argument that leisure, pleasure and exoticism are constitutive elements of the region. In this performance, Minaya submerges her long hair covered with braids in a bucket of water and then, throwing her head back, recreates the silhouettes captured in the images taken by the artist and thrown by Google. While she is on her knees repeating the movement, an imprint of black color impregnates not only the water but also the giant towel made of several boiled towels that lie under it, in a dismantling of paradise, sexualization, the good savage and the coloniality of seeing.

Thus, following the flow, Cuban artist Quisqueya Henríquez (1966), represented by the David Castillo Gallery (Miami), presented two works, the first and perhaps the one that most caught the attention of visitors because of the degree of interactivity was Caribbean sea water ice cream, a piece that visitors could taste; all the blue condensed in the water of some regions of the Caribbean with that salty hit that reminds us of the hostility with which the West has been relating to this region. Straight from the Caribbean to the guts of the beast. Her other piece, in the form of a tapestry of images of the shore of a beach in the Dominican Republic (the artist’s place of residence) invaded by plastic waste, and with the name isla de basura, presented a clearer tone of denunciation of the neoliberal logics of consumption and waste. The piece accompanied the visitors who came to taste the peculiar ice cream.

Beyond the aesthetic work and poetic elaborations of identity, stereotypes, neoliberal economies and colonial imaginaries that float on the currents of the Caribbean, there is a series of investigations involved with the embodied experience, materialized in the different coordinates of the region, with its particularities, complexities and densities. “The Caribbean is not just one thing, nor can we speak of it in the singular,” says curator Sarah Hermann. We are talking about Haiti, St. Vincent, Cuba, Jamaica, Puerto Rico, Dominican Republic, Guatemala, Mexico, Guadeloupe, Martinique, Colombia, Bahamas, Dominica, St. Kitts, Margarita, Roatan, Jamaica, territories whose emancipatory logic is traced from the foundation of capitalism in the trade routes of people kidnapped and enslaved from the African continent, the exploitation of land and subjection of native populations in Abya Yala.

From the rethinking of the domains of the possible, Madeline Jiménez Santil (1986), represented by the Mexican gallery Arróniz, proposes sculptures that question the fixed narratives on the othering of the bodies of this side, from the side of the excolonies, the material supports of that other side that is presumed to be developed, civilized. Jiménez Santil proposes three-dimensional figures that challenge the modern text of racialization, because form is not destiny but scaffolding for other lines to imagine even the way in which we relate to trauma.

Such a rethinking not only allows us to reweave the multiple ways in which determination envelops our existence, while questioning our life experiences by reducing them to mere representation.

Guatemalan Esvin Alarcon (1988) was present with MARICAribe with the Henrique Faria Gallery, a series of pink flags made with his mother. Antigua and Barbuda, Barbados, Dominica, Grenada, Jamaica, St. Kitts and Nevis, St. Vincent, the Grenadines and St. Lucia; places where homosexuality is illegal. The curious trap of the claim-by-representation game before the Nation-States. In 2019 Alarcón presented this piece in Gibara, Cuba, a reference point for the disembarkation of Columbus in ouramerica. A gesture that nevertheless allows us to elucidate the ways in which State fictions continue to control bodies, desires, dreams and subjectivities.

I emphasize the traps that accompany us from this side, out of an interest in resignifying and summoning complicity and forms of resistance that escape precisely from the logics of representation and representativeness. The thinker, artist and researcher Jota Mombaça, in her last public talk at the theater festival in Sao Paulo, stated that the programming of our death and therefore, our disappearance by apocalyptic capitalism, is completely proportional to our success. What kind of provocation is this that sustains hypervisibility and compulsive presenciality as the main engines of our end? Who benefits from this if not one of the still unregulated markets (coincidentally the same as drug trafficking and human trafficking) and its mobilizing agents?

Between drawing and painting, Jamaican artist Leasho Jhonson (1984), represented by TERN, evokes Anansi, a recurrent presence within the oral tradition in West Africa, a figure with mutable faculties that is present in Johnson’s work to take up the hidden forms in which the queer experience impregnated his life, the clandestinity and the expansive ways in which rhythm sustains radical forms of escape from subjectivities imprisoned by the neoliberal logics of self-regulation, even at the existential level, and how materiality is infected by it. The dancehall as a technology of encounter, closeness and complicity that allows the clandestinity of desire, the ethical fabulations and therefore, the resistance in life.

The 24th edition of ARCOMadrid, undoubtedly still marked by the sensationalism of the Spanish press and the complacent attitude of the Latin American Creole elites of the art world towards the monarchy and any noble title, will remain as one of those that provoked the most waves, not only because of the convening capacity of different galleries and artists from the Caribbean and the rest of Latin America, but also because of the powerful force that the different actors of ouramerica projected with what would seem insignificant but, in this context, at this moment, is extremely differentiating: to claim the Caribbean as ours, beyond modern colonial taxonomies, beyond neoliberal ideologies, this territory belongs to us, we are spinning it and we are not going to go back because we have found ourselves in order not to let go.

The tide sounds imperceptible, hidden in the ears, it hisses in the same way it comes and goes: regularly, but unannounced. The ways we are replicating the sea in our actions exceed us and expand the lexicon of those we inhabit from its consciousness (Sarah Hermann).

Danie Valencia Sepúlveda

Toutes les images courtoisie des artistes, des galeries citées et de ARCO Madrid”.

BIO

danie valencia sepúlveda (Mexico, 1990)
errorist, educator, translator and freelance writer, currently works as editor-in-chief of Terremoto.

[1]          Represented by Praise Shadows Gallery (Brookline, MA).

La confluencia tampoco es una metáfora: anotaciones sobre las coreografías del mercado del arte en el descolonizado reino de España.

-danie valencia sepúlveda

“Confluencia es la ley que rige la relación de convivencia entre los distintos elementos de la naturaleza y que a su vez nos enseña que no siempre todo lo que se junta se mezcla, es decir, nada toma una sola forma. De tal forma que la confluencia rige también los procesos de movilización provenientes del pensamiento pluralista de los pueblos politeístas.”

-Antônio Bispo dos Santos

Pensar en el caribe como un complejo geopolítico compuesto tanto por territorio continental como insular resulta potente para reclamar una región atomizada por las relaciones que la propia colonialidad sostiene bajo la lógica del comercio neoliberal y la fronterización como forma principal de gobierno. Y no, lo oceanico y otro tipo de generalizaciones están lejos de abandonar la simulación emancipatoria y cualquier otra problematización necesaria para quebrar los imaginarios que permiten, hoy en día, que el poder siga siendo disputado y no diluido.

La orilla, la marea, la corriente, un Caribe océanico fue la propuesta curada por Sarah Hermann Morera y Carla Acevedo-Yates para la 24a edición de la feria ARCOMadrid, uno de los escenarios más importantes en cuanto al mercado y la especulación financiera del arte contemporáneo en el mundo. Se llevó a cabo en medio de una mediocre polémica sobre la descolonización de las instituciones culturales y la escena artística española, impulsada por los medios de comunicación y respaldada por ciertos agentes culturales que sostienen la descolonización como cosmética de su práctica extractivista, arribista y oportunista. El trabajo y propuesta de Hermann y Acevedo-Yates se planteó como una posibilidad para aproximarse a otras corrientes estéticas que confluyen a pesar de las narrativas maniqueas del mercado que intenta lucrar con la diferencia a la vez que agudizan las desigualdades.

23 artistas intermediados por 19 galerías se dieron al encuentro de la más reciente edición de la feria, una provocación nítida alrededor de los imaginarios sobre la estética, el territorio, el paraíso, la identidad y el comercio, convocada por las curadoras de la sección. Entre pliegues, dobleces, rugosidades en color salmón y guinda  aludiendo a las tonalidades de ciertas especies de corales marinos, y con una protagónica estructura que hacía referencia a las corrientes, a las olas y a los flujos marinos, nos encontramos con las propuestas artísticas del caribe.

Sobre un muro cubierto por imágenes paradisíacas con colores saturados de atardeceres y largas cabelleras ondulándose en el aire, se encontraba el registro fotográfico de Sunset Slit, pieza del 2015 realizada por la artista dominicana Joiri Minaya (1990) , un ejercicio de performance en el que cuestiona el imaginario y las fantasías con las cuales el caribe es visto desde fuera, ese delirio blanqueante que reproduce compulsivamente el argumento de que el ocio, el placer y lo éxotico son elementos constitutivos de la región. En dicho performance, Minaya sumerge su larga cabellera con trenzas en un balde de agua para después, echando su cabeza hacia atrás recrear las siluetas capturadas en las imágenes retomadas por la artista y arrojadas por Google. Mientras se encuentra de rodillas repitiendo el movimiento, una impronta de color negro va pregnando no sólo el agua sino además la toalla gigante elaborada por varias otras toallas cocidas bajo ella. El desmonte del paraíso, la sexualización, el buen salvaje y la colonialidad del ver.

Así siguiendo el flujo, la artista cubana Quisqueya Henríquez (1966- 2024) representada por la galería David Castillo (Miami), presentó dos trabajos, el primero de ellos y quizás el que más llamó la atención de los visitantes por el grado de interactividad fue helado de agua del mar Caribe, una pieza que los visitantes podían degustar; todo el azul condensado en el agua de algunas regiones del Caribe con ese golpe salado que nos recuerda la hostilidad con la que occidente se ha venido relacionando con esta región. Directo del caribe hasta las entrañas de la bestia. Su otra pieza, a manera de tapiz de imágenes de la orilla de una playa en República Dominicana (lugar de residencia de la artista) invadida por desechos plásticos, y con el nombre isla de basura, presentaba un tono más nítido de denuncia a las lógicas neoliberales del consumo y el deshecho, pieza que acompañaba a los visitantes que se acercaban a degustar el peculiar helado.

Más allá del trabajo estético y las elaboraciones poéticas de la identidad, los estereotipos, las economías neoliberales  y los imaginarios coloniales que flotan sobre las corrientes del Caribe, se encuentran una serie de investigaciones implicadas con la experiencia corporizada, materializada en las distintas coordenadas de la región, con sus particularidades, complejidades y densidades. “El Caribe no es una sola cosa y tampoco se puede hablar en singular de él” menciona  la curadora Sarah Hermann. Hablamos de Haití, St. Vincent, Cuba, Jamaica, Puerto Rico, República Dominicana, Guatemala, México, Guadalupe, Martinica, Colombia, Bahamas, Dominica, St. Kitts, Margarita, Roatán, territorios cuya lógica emancipatoria se traza desde la fundación del capitalismo en las rutas de comercio de personas secuestradas y esclavizadas desde el continente africano, la explotación de las tierras y sujeción de poblaciones nativas en Abya Yala.

Desde el replanteamiento de los dominios de lo posible, Madeline Jiménez Santil (1986) representada por la galería mexicana Arróniz, propone esculturas que cuestionan las narrativas fijas sobre la otrificación de los cuerpos de este lado, del lado de las excolonias, los soportes materiales de ese otro lado que se presume como desarrollado, civilizado. Jiménez Santil propone figuras tridimensionales que retan el texto moderno de la racialización, porque la forma no es destino sino andamiaje para imaginar incluso la forma en la que nos relacionamos con el trauma.

Dicho replanteamiento, no sólo nos permite volver a retejer las múltiples formas en las que la determinación envuelve nuestra existencia a la vez que cuestiona nuestras experiencias de vida reduciéndolas a la sola representación.

El guatemalteco Esvin Alarcón (1988)  estuvo presente con MARICAribe junto a la galería Henrique Faria, una serie de banderas en color rosa confeccionadas junto a su madre. Antigua y Barbuda, Barbados, Dominica, Granada, Jamaica, San Cristóbal y Nieves, San Vicente, Las Granadinas y Santa Lucía; lugares donde la homosexualidad es ilegal. La curiosa trampa del juego de reclamo por representación ante los Estados-Nación. En 2019 Alarcón presentó esta pieza en Gibara, Cuba, punto referente para el desembarco de Colón en nuestrámerica. Un gesto que sin embargo nos permite dilucidar las formas en que las ficciones de Estado siguen controlando los cuerpos, los deseos, los sueños y subjetividades.

Hago hincapié en las trampas que nos acompañan desde este lado, por un interés en resignificar y convocar a la complicidad y formas de resistencia que escapen precisamente de las lógicas de representación y representatividad. La pensadora, artista e investigadpra Jota Mombaça, en su última charla en público dentro del festival de teatro en Sao Paulo enunciaba que la programación de nuestra muerte y por lo tanto, nuestra desaparición por parte del capitalismo apocalíptico, es completamente proporcional a nuestro éxito. ¿Qué tipo de provocación es esta que sostiene la hipervisibilidad, y la presencialidad compulsiva como principales motores de nuestro fin? ¿A quién beneficia esto sino a uno de los mercados aún no regulados (casualmente igual que el narcotráfico y el tráfico de personas) y sus agentes movilizadores?

Entre el dibujo y la pintura, lx artista Jamaiquinx Leasho Jhonson (1984) representado por TERN evoca a Anansi, una presencia recurrente dentro de la tradición oral en el occidente de África, dicha figura con facultades mutables se hace presente en el trabajo de Jhonson para retomar las formas ocultas en las que la experiencia queer impregnó su vida, la clandestinidad y las expansivas formas en las que el ritmo sostiene formas radicales de fuga ante subjetividades presas por las lógicas neoliberales de la autorregulación, incluso, a nivel existencial y las formas en las que la materialidad se contagia de ella. El dancehall como tecnología del encuentro, el acercamiento y la complicidad que permite la clandestinidad del deseo, las fabulaciones éticas y por lo tanto, la resistencia en vida.

La edición 24a de ARCOMadrid, sin duda, aún marcada por el sensacionalismo de la prensa española y la complaciente actitud de las elites criollas latinoamericanas del mundo del arte hacia la monarquía y cualquier título nobiliario, quedará como una de las que más corrientes provocó, no sólo por la capacidad de convocatoria de distintas galerías y artistas del Caribe y el resto de América Latina, sino además por la potente fuerza que lxs distintos actores de nuestramérica proyectaron con lo que parecería insignificante pero, en este contexto, en este momento, resulta sumamente diferenciador: reclamar el caribe como nuestro, más allá de las taxonomías moderno coloniales, más allá de ideologías neoliberales, este territorio nos pertenece, lo estamos hilando y no vamos a retroceder pues nos hemos encontrado para no soltarnos.

La marea suena imperceptible, escondida en los oídos, silba de la misma forma que viene y va: regularmente, pero sin anunciar. Las maneras que tenemos para replicar el mar en nuestras acciones nos exceden y amplían el léxico de los que habitamos desde su conciencia. (Sarah Hermann).

Danie Valencia Sepúlveda

Toutes les images courtoisie des artistes, des galeries citées et de ARCO Madrid”.

BIO

danie valencia sepúlveda (México, 1990)
errorista, educadora, traductora y escritora independiente, actualmente se desesmpeña como editora en jefe de Terremoto.

[1]          Represented by Praise Shadows Gallery (Brookline, MA).